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Le général Mahamat Idriss Déby Itno, élevé samedi à la dignité de maréchal, a peu à peu pris ses marques après avoir été propulsé au pouvoir le 20 avril 2021 par les militaires au lendemain de la mort de son père, Idriss Déby, maître absolu du Tchad pendant 30 ans.
« Kaka », comme on le surnomme dans son pays, a 40 ans. Son père, qui aimait se présenter en « guerrier », en avait 68 quand il a reçu son bâton de maréchal le 11 août 2020. Comme lui, il aime apparaître en tenue militaire dans son rôle de commandant des armées.
Le patriarche, chef autoritaire et politicien madré, avait ravi le pouvoir à 38 ans, après avoir renversé Hissène Habre avec le soutien de la France.
Le fils, lui, a 37 ans, quand il devient « président du conseil militaire de la transition », hors de tout cadre constitutionnel. Cet ancien commandant de la garde présidentielle jouit alors de l’appui tacite de la France qu’il vient cependant de bouter hors de son pays en rompant sans préavis des accords militaires hérité de l’époque coloniale.
Selon lui, ces accords sont devenus « complétement obsolètes » et ne correspondent plus « aux réalités politiques et géostratégiques » dans un pays « souverain ». Une première unité de 120 soldats français a quitté le Tchad vendredi midi, dix jours après le départ des Mirage 2000 stationnés par Paris dans ce pays désertique, le dernier du Sahel à abriter des forces françaises.
Adoubé par le président Macron qu’il a rencontré régulièrement depuis la mort de son père, le militaire semble avoir pris ses distances ces derniers mois après l’ouverture d’une enquête à Paris sur des soupçons de bien mal acquis en France.
-Opposition réprimée-
Les appels répétés de la France pour une plus grande neutralité dans le conflit au Soudan voisin et pour des élections législatives plus inclusives le 29 décembre prochain auraient aussi alimenté son impatience, selon son entourage.
Ces élections, les premières depuis 2011, sont boycottées par les partis d’opposition qui dénoncent un scrutin joué d’avance, voué à « légaliser la fraude et la suspension des libertés publiques et politiques », quelques mois après la présidentielle qui lui a permis de légitimer sa position à la tête du pays en mai dernier.
Piètre orateur, peu adepte des bains de foule, Mahamat Déby a obtenu un mandat de cinq ans avec 61% des voix après avoir fait violemment réprimer toute opposition et écarté ses plus dangereux rivaux de la course à la présidence. Et, tout comme son père, en phagocytant habilement une partie de l’opposition.
Comme à l’époque de son père, son régime est régulièrement accusé de violer les droits humains par les ONG internationales, tandis que ses opposants dénoncent le climat de terreur nourri par les services de sécurité.
Sa légitimité et sa popularité, déjà fragiles au sein même de sa famille et de l’ethnie Zaghawa -celle de son père- se sont effritées depuis que les militaires ont tué début 2024 son cousin Yaya Dillo Djérou, son plus sérieux rival pour la présidentielle, en prenant d’assaut le siège de son parti. Cette mort qualifiée « d’assassinat » par les partisans de Yaya Dillo a cristallisé une discorde au cœur du clan familial.
Dans un geste d’apaisement, le chef de l’Etat a fait libérer cette semaine une vingtaine de proches de Yaya Dillo Djerou qui, selon Amnesty International, étaient détenus au secret dans une prison au milieu du désert.
Pour affirmer son autorité, il avait plusieurs fois remanié l’état-major de sa toute-puissante armée au commandement longtemps dominé par les Zaghawas et quelques alliés Gorane – l’ehtnie de sa mère.
Sur le plan international, il s’est récemment rapproché des Emirats arabes unis qui ont octroyé à son pays un prêt de 500 millions de dollars à taux très avantageux en contrepartie, selon ses opposants, du soutien logistique apporté à des livraisons d’armes aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) opposés à l’armée régulière soudanaise. Il s’est aussi rapproché de la Russie et la Hongrie.
AFP