MAH KEÏTA : ‘’Je compte tirer ma révérence très tôt sur le plan musical’’

par Dakar Matin

Femme sujet, l’invité de votre page people est une identité remarquable et remarquée. Destin unique. Oui ! Et pour cause, Mah Keita du groupe Takeïfa était la seule femme de l’orchestre créé par la fratrie du célèbre commissaire Keita. Groupe familial ? Pas trop, selon Mah qui, outre la genèse du groupe, s’épanche sur l’intégration de la gente féminine dans le show biz, avec les hauts et les bas, sur sa pratique instrumentiste et son avenir en tant qu’artiste. Artiste à vie ? La réponse de l’invité de la page people est un modèle de maîtrise de vie. Ce qui ne surprend guère de la part de celle qui se consacre à la défense de l’identité des albinos, pour un monde de l’équilibre des différences. Musique l’artiste.
Le groupe Takeïfa existe depuis plusieurs années déjà. Comment est né le projet ?

Le groupe Takeïfa existe depuis 2006. A la base, ce n’était vraiment pas un projet de famille, mais plutôt un projet qui tournait autour de Jack, qui avait commencé à faire de la musique (depuis 1993). A un moment de sa carrière, il avait besoin d’évoluer et c’est là que certains membres de la famille ont commencé à le rejoindre petit à petit. En fait, c’est un long processus qui a commencé à partir des années 2000.

Contrairement aux autres groupes, Takeïfa est estampillé orchestre familial. Comment gérez-vous vos activités?

Takeïfa, ce n’était pas forcément un projet familial, mais musical, un projet où il était question de partager notre amour pour la musique. Nous mettons plus en avant l’aspect musique que famille et nous faisions en sorte de faire les bons choix en concernant notre carrière. L’idée c’était de faire dans la qualité, d’innover.

Votre carrière semble plutôt portée vers l’étranger. Est-ce une option ?

Takeïfa a fait beaucoup de tournées sur le plan international. Nous nous déplaçons trois à quatre fois par an. Notre musique était plutôt une musique de festival, qui vendait la destination Afrique et c’est d’ailleurs ça qui attirait les tourneurs de festivals européens. Une façon pour nous de vendre la destination Sénégal tout en restant jeunes et modernes.

Une femme musicienne-instrumentiste ne court pas les rues au Sénégal. À part la guitare basse, quel autre instrument jouez-vous ?

J’ai commencé comme choriste. C’est au fil du temps que j’ai commencé à apprendre la guitare acoustique, ça m’a pris deux ans et c’est après que je me suis mise à la guitare basse. A vrai dire c’était par amour pour la musique que j’ai commencé à jouer des instruments. Dans mon environnement, j’ai vu des gens qui en jouaient, alors je me suis dit pourquoi pas moi et c’est ainsi que je me suis lancée. Une façon pour moi aussi de montrer ce que je pouvais produire comme instrumentiste. Il ne faut pas nécessairement être un homme pour être instrumentiste, il suffit juste d’avoir la détermination pour le faire.

Peut-on s’attendre à une reconstitution du groupe ?

Les autres membres peut-être ! Je suis peut-être un peu vieux jeu vous direz, mais je compte tirer ma révérence très tôt sur le plan musical. Je ne veux pas être de celles qui jouent jusqu’à 50 voire 60 ans. J’aimerai bien faire ce que j’ai à faire le plus tôt possible et me consacrer à d’autres activités. « Carrière ba paré dem diamou dji yallah », je suis dans cette optique.

Qu’en est-il de votre carrière d’artiste ?

Mon orientation musicale à moi s’achemine plutôt vers le jazz, j’ai senti que ma vocation y était. Je suis instrumentiste et c’est une grande école pour moi, ce style musical m’a permis de beaucoup évoluer. Je le vois comme un style qui permet aux instruments de s’exprimer. J’ai choisi le jazz pour m’exprimer musicalement. D’ailleurs j’ai commencé à sortir quelques singles et actuellement je travaille sur un projet EP que je compte sortir en 2023/

Vous vous activez en faveur des personnes atteintes d’albinisme. Est-ce facile de mener le combat ?

Ce n’est jamais facile de mener un combat ! Quel qu’il soit. Aucun combat n’est simple, surtout dans un pays comme le nôtre où la communication sur les minorités est déficitaire. Il n’y a pas beaucoup de communication sur les particularités des minorités. Une artiste comme moi par exemple, ce qu’elle fait, c’est mettre son image au service de ma communauté pour informer plus, sensibiliser plus. C’est ça en fait qui est le plus important et non juste chercher du profit, des produits, ou des moyens, des infrastructures et leur offrir. Mais plutôt leur offrir cette possibilité de croire en cette communauté, une possibilité de croire en eux. C’est ça d’ailleurs qui est mon principal combat bien qu’informer les gens ne soit pas une chose facile.

Comment voyez-vous la gent féminine dans le milieu musical ? L’on parle souvent de harcèlement de la part des hommes…

La gent féminine a toujours été sujette au harcèlement et ce dans tous les milieux. Mais dans le nôtre, c’est quand même un peu plus particulier parce qu’ici en Afrique, la musique n’est pas vraiment considérée comme un métier. Pour la plupart être musicienne c’est avoir « l’attitude de ses propres gestes », être libertine. On nous prend moins au sérieux, juste parce que nous faisons de la musique et ça c’est une mentalité purement machiste. C’est peut être à cause de ça que le harcèlement est récurrent dans les milieux comme la musique, la mode et le cinéma. Pour autant, il n’y a pas que cette question-là, mais il y en a d’autres à aborder comme le fait que les institutions qui nous représentent tiennent en compte de la mobilité, ou de la capacité des femmes à travailler, surtout quand elles sont en état de grossesse. Nous n’avons pas congés de maternités ou toutes les dispositions qu’une femme doit avoir quand elle ne peut pas exercer son métier (indemnité, entre autres) Nous n’avons rien de tout ça et c’est surtout le combat que l’on doit mener pour que l’on puisse prôner l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Des projets en vue?

Je travaille présentement sur mon EP et j’ai également un projet d’album que je compte faire sortir, si possible, en 2023.

ANNA THIAW

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