A coup sûr, tu me l’aurais interdit si seulement tu avais ouï-dire que j’allais écrire un texte pour te rendre hommage, pour la bonne et simple raison que ta vie se résume en trois mots : discrétion, engagement et persévérance, en toutes circonstances. Cependant, ces qualités ne sauraient constituer un obstacle à ce témoignage que je tiens à livrer sur la personne incroyable que tu es.
Nos relations n’ont jamais été un long fleuve tranquille. Aîné de la famille, après nos deux parents qui nous ont inculqués des valeurs cardinales de droiture, tu avais la lourde tâche de veiller sur notre éducation. Je fus un petit-frère pas facile, mais protégé par un papa gâteux du fait que je porte le prénom de son père. Ce qui, indubitablement, faisait que tu avais donc du mal à exercer ton autorité sur moi. Tout de même, je reconnais que tu as contribué, de manière significative, à façonner mon éducation.
Cher grand-frère, les sénégalais seront surpris de savoir que je n’ai jamais mis les pieds dans tous les bureaux que tu as eus à occuper, de la Primature au ministère des Finances et du Budget, et cela pendant 25 ans au moins.
En effet, haut fonctionnaire de l’Etat, l’éthique chevillée au corps, je me gardais, à cause de mon métier de Journaliste, d’avoir une quelconque présence à tes côtés. Tu as tracé ton chemin pour être un fonctionnaire assermenté et dévoué au service de l’Etat ; j’avais choisi le mien, connu de tous les sénégalais. C’est pourquoi, tu as vécu dans ta chair, mes emprisonnements respectifs, épisodes qui m’ont profondément marqué et conforté sur ta droiture et ton sens élevé de l’Etat. Déjà en garde-à-vue, après mon enlèvement par la police aux allées Papa Guèye Fall, tu as scrupuleusement respecté mon isolement ordonné par les autorités d’alors. Pourtant, tu étais le directeur général du Budget et malgré cette position, tu as refusé de faire une quelconque intervention en ma faveur.
En atteste les paroles empreintes de sagesse, dont je me rappellerai toujours, que tu avais adressées à la directrice de la Maison d’arrêt de Sébikhotane, ainsi résumées : « Je suis un haut-fonctionnaire de l’Etat. Mon devoir est de garder secrète toute information sensible relative à la bonne gestion de ce pays. Tel ne doit pas être le comportement de mon petit-frère en tant que journaliste. C’est Dieu qui en a décidé ainsi dans notre famille. Retenez tout simplement que la famille est très fière de lui dans la mesure où il n’a pas été arrêté pour vol, ni pour viol, ni pour blanchiment d’argent. Il a été mis en prison pour avoir exercé son métier, avec la certitude que les informations qu’il traite sont en phase avec ses convictions. Et tel que je le connais, il mènera son combat jusqu’au bout pour recouvrer sa liberté ».
Depuis lors, cher grand-frère, tu ne voulais plus revenir à la prison. Tu prenais alors de mes nouvelles par le biais de mon avocat, Maître Moussa Sarr. Par la suite, lorsque j’ai décidé d’observer une grève de la faim, après trois semaines d’incarcération arbitraire, tu es revenu dare-dare (illico presto) à la prison, non pas pour m’en dissuader car tu connais ma détermination à aller jusqu’au bout dans mes combats de principe, mais pour t’enquérir de ma santé et vérifier si j’avais pris toutes les dispositions nécessaires pour informer mon médecin. Je t’ai vu souffrir, tout en restant stoïque, pendant mes durs moments d’hospitalisation à l’hôpital Principal de Dakar. Lors d’une de tes visites, il nous est arrivé de regarder ensemble le journal télévisé de 20 heures (de la Rts) et voir monsieur Ismaïla Madior Fall, ministre de la Justice à l’époque, qui nourrissait envers moi une haine bestiale, et Maître Aîssata Tall Sall, alors ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, débiter des inepties sur mon état de santé. Mais jamais tu n’avais dit un mot de trop à l’endroit de ces autorités.
Cher grand-frère, tu n’imagines pas combien de fois des personnes sont allées demander au Président de la République Macky Sall, de te démettre de tes fonctions du simple fait que je suis ton petit-frère. Malheureusement pour eux, tels des ignorants et aveuglés que d’intentions malsaines, elles n’avaient pas pris en compte le fait que non seulement tu sers l’Etat du Sénégal passionnément et avec dévouement, mais aussi que tu inspires le respect.
En effet, tu as traversé les régimes des Présidents Wade et Sall, au cours desquels tu as occupé des postes aussi stratégiques et sensibles les uns que les autres car étant du domaine financier. Durant toutes ces périodes et jusqu’à ce jour, tu as su demeurer droit et debout pour t’ériger en « vaillant jambarr», prêt à sacrifier ta vie pour la nation, avec un refus irréversible du déshonneur. Tu as cette vraie fibre patriotique. Ce qui t’a distingué, dans la gestion des finances, c’est ton engagement à maintenir une grande rigueur et un haut niveau de professionnalisme dans toutes tes fonctions. Tu as été un serviteur de l’Etat qui a compris l’importance de l’intégrité et la transparence dans la gestion financière publique. Des témoignages sur ta personne qui sifflent à mes oreilles à chaque fois que je rencontre un haut fonctionnaire de la république.
C’est pour cette raison, cher grand-frère, que je suis très fier à chaque occasion que je croise un homme d’affaires qui, connaissant nos relations familiales, loue ton honnêteté et ta probité morale. J’ai l’intime conviction qu’on ne te citera jamais dans aucun dossier financier à scandale ; bien au contraire, ta rigueur et ton professionnalisme sont reconnus et érigés en lettres d’or par de hauts fonctionnaires de la République maîtrisant les arcanes du fonctionnement d’un Etat.
Cher Maguette, tu as su devenir la prunelle des yeux de nos parents en étant ce fils digne, aimant et serviable. Tu as aussi été ce mari attentionné et ce papa poule qui chérissait tant sa progéniture. Tu as également été ce grand-frère pétri d’une dimension exceptionnelle de rigueur et de droiture, qui a su veiller inlassablement sur sa fratrie ; mais aussi et surtout, cet ami sincère et fidèle, ce confident digne. Tu es unique.
Cher grand-frère, je suis sûr que ta retraite ne sera que de courte durée car les sollicitations seront nombreuses. Pour autant, je te demande d’accorder du temps à ta merveilleuse famille afin qu’elle puisse maintenant profiter de ta précieuse compagnie.
Quant à moi, sache que je garderai, de manière précieuse, le seul conseil que tu m’as donné lors de ma nomination au poste de directeur général de la Rts. Je te cite : «Reste humble, ouvert et rigoureux dans le cadre de ton travail. L’humilité est la marque des grands hommes », fin de citation. En attendant, bon repos ! La famille est fière de toi ! Ngatchié ngalama grand-frère !