L’alliance PDS-Bokk Guis Guis-AJ/PADS-CRD-JOTNA regroupe en son sein des amoralistes notoires. Comment Karim Wade peut-il cohabiter avec Decroix qu’il accusait, il n’y a pas si longtemps, de traitre ?
Commençons cet édito par un jeu de piste tant de nombreux politiques sénégalais sont des grands enfants, cachotiers, dupeurs, mystificateurs.
« Sa réponse est affligeante, médiocre et démontre la traîtrise. (Sic) » Qui en est l’auteur ? A qui s’adresse cette incrimination implacable ? Et dans quelles circonstances a-t-elle été prononcée ? C’est ce que nous allons présentement découvrir.
« S’il a démenti, Decroix est alors un menteur. (Sic) » Un indice avec cette nouvelle phrase du même auteur inconnu ! Nous connaissons désormais l’identité de la personne visée, c’est bien Mamadou Diop Decroix.
Sa formation politique AJ/PADS vient de rejoindre une coalition d’opposition sans nom et sans logo, tellement qu’ils étaient pressés d’en former une à la suite de celle de Taxawu Senegaal.
Après la parenthèse de l’élection présidentielle de février 2019 et le compagnonnage avec Idrissa Seck, voilà que Mamadou Diop Decroix est de retour auprès du PDS de Me Abdoulaye Wade.
C’est ça la politique caméléonesque au Sénégal, ça s’en va et ensuite ça revient.
La coalition sans queue ni tête, à l’égal de la transhumance, n’est pas chose nouvelle. Elle est tellement ancrée dans l’histoire politique sénégalaise que plus personne n’y prête attention. Les alliances contre nature ? Peu importe pourvu que le Palais de Roume entrouvre ses portes. Les blocages s’il y en a, se règleront, une fois au pouvoir, par des titres pompeux jusqu’aux postes inutiles à l’image d’une armée mexicaine grassement rémunérée.
Certains observateurs ont fait remarquer que la nouvelle coalition PDS-Bokk Guis Guis-AJ/PADS-CRD-JOTNA, sans TAS, est cohérente. Peut-être ! Mais je peux vous affirmer que cette coalition regroupe en son sein des inimitiés et des amoralistes notoires.
Quid en particulier des rapports entre le 3ème de liste de cette nouvelle coalition Mamadou Diop Decroix, et le premier de cordée Karim Wade ? C’est de toute évidence ce dernier qui va prendre la tête de cette méga-coalition, en dépit de son absence. C’est lui qui la financera par son réseau d’émissaires, et ses enveloppes remplies de billets de dollars américains, à la plus grande joie des petits partis satellitaires de l’ogre PDS. Et au désespoir de certains responsables du PDS qui vont devoir s’effacer. Le PDS a besoin de ces partis politiques qui électoralement ne pèsent rien, pour donner l’illusion qu’il reste attractif.
Je vous sais perspicaces. Vous aurez compris que la signature des incriminations en direction de Mamadou Diop Decroix est celle en personne de Karim Wade.
Comment ai-je été destinataire de ces commentaires WhatsApp peu élogieux du chef de file de la nouvelle coalition Karim Wade à l’égard de son allié Decroix ?
Remontons le temps ! Quelques mois avant la présidentielle de 2019, j’étais en contact avec plusieurs leaders de partis politiques de l’opposition dont Karim Wade et son porte-parole, Me Amadou Sall. Après avoir disparu des radars politiques au plus grand dam de ses militants, Karim Wade réapparut, pour ce qui me concerne, en avril.
En juin 2019, il me fit déplacer à Doha pour un supposé poste de conseiller en communication. C’était l’appât ! À la fin d’un tête-à-tête de presque 7 heures, Karim Wade en vint à me relater l’histoire des traitres : ceux qui rencontrent en catimini le président Macky Sall. Rappelez-vous le contexte ! La victoire de Macky Sall avait laissé un goût amer à l’opposition, convaincue alors de le pousser au second tour. À l’intérieur du PDS, les leaders historiques et Karim Wade se regardaient en chiens de faïence : qui avaient trahi ou qui allaient trahir ?
Je répondis à Karim Wade que si je devais instruire dans cette affaire c’est à la condition d’avoir plus d’éléments probants, et de la replacer dans un cadre plus large de recomposition politique. Seule la science politique présente un intérêt à mes yeux.
De retour à Paris, Karim Wade me confirme de nouveau les noms de Decroix et d’Oumar Sarr. Quelques jours plus tard, il m’adresse un nouveau message : « Je vous confirme, Amadou Sall a également rencontré Macky. » Il soutient que « c’est Mahmoud Saleh qui a amené les trois amis au Palais. (Sic) »
Après cela, j’enquête, je regroupe, je confonds cette source à d’autres, et surtout je cherche le mobile politique : mes éditos sont sciemment longs car ils reposaient sur la technique des faisceaux d’indice (La face cachée des opposants sénégalais. Qu’est-ce qui fait courir Oumar Sarr ? Une négociation peut en cacher une autre). L’avenir, d’ailleurs, m’a donné raison avec l’entrée au gouvernement d’Oumar Sarr.
Au moment où je fais part à Karim Wade du démenti de Decroix auprès de la presse sénégalaise et de son post sur Facebook en guise de réponse à mon éditorial (Ma réponse à l’éditorialiste de SenePlus, 9 septembre 2019
Il est normal de recevoir des informations politiques lorsque nous écrivons quotidiennement sur ce sujet. L’accusation de Karim Wade était intéressante et forte, il était question d’entrisme, de tourner le dos à l’opposition, de rallier le camp de la majorité. Aujourd’hui, le problème est ailleurs. Comment ces deux-là (Karim et Decroix) peuvent-ils alors se trouver, deux années plus tard, dans la même coalition ? Comment le leader de cette coalition peut-il cohabiter avec un allié qu’il accusait, il n’y a pas si longtemps, de transhumant et de traitre ? Comment peuvent-ils se faire confiance l’un à l’autre ? Qu’est-ce qu’ils les poussent à faire alliance ? C’est à ces questions que les numéros 1 et 3 de la coalition devraient répondre.
D’aucuns me rétorqueront que le PDS, c’est l’affaire de Me Abdoulaye Wade. En août 2019, Karim Wade m’appelle et me confirme qu’il veut le PDS. Il contrôle tout désormais, y compris les entrées et sorties chez Me Abdoulaye Wade. Comme il le fit naguère, lors du deuxième mandat de son père. De surcroît, Karim Wade et Mamadou Diop Decroix se parlaient, bien avant cette coalition. Souvenez-vous lorsque Decroix, mandaté par Karim Wade, selon ses dires, demandait, en avril de cette année, la réouverture de son procès.
Gardez votre sang froid, monsieur Mamadou Diop Decroix ! C’est ce que vous me suppliiez de faire dans votre réplique, jugée par Karim Wade, le nouveau leader de votre coalition et de votre reconquête du pouvoir, « d’affligeante et de médiocre. »
Karim Wade, de toute façon, c’est Edmond Dantès. Le PDS n’est qu’un instrument de vengeance, ni plus ni moins. À ce propos, la farce politique de cette coalition, made in Sénégal, atteint son paroxysme : Edmond Dantès-Karim Wade (fortuné) côtoie Gérard de Villefort-Abdoul Mbaye qui l’a jeté en prison. Karim Wade ressent un mépris à son égard. J’avais interviewé l’ancien Premier ministre au sujet de la CREI. Certaines de ses réponses était une aubaine pour Karim Wade en vue de démontrer le caractère politique de son emprisonnement. Mais, malgré mon insistance, pour en tirer profit en termes de communication, rien n’a été fait car tout ce qui vient d’Abdoul Mbaye pour Karim Wade doit être traité avec indifférence.
Je pourrais multiplier les exemples. À mes yeux, l’important est de comprendre que le système politique au Sénégal est au bord de l’implosion. Il n’est plus adapté aux aspirations des jeunes d’aujourd’hui. Mars 2021 nous l’a rappelé. La leçon du juge Kéba Mbaye sur l’éthique en politique n’a pas été retenue. Si la mal gouvernance a encore de beaux jours devant elle, c’est aussi car une partie de l’opposition, appelée à alterner, ne vaut pas mieux que les sortants !
Pour terminer, une question me taraude : Pour BBY, cette nouvelle coalition de l’opposition n’est-elle pas plus présentable et acceptable en vue de la grande confrontation de 2024 ? Le camp présidentiel n’a-t-il pas intérêt à lui faire gagner plusieurs localités et départements en 2022 ? Cette coalition n’est-elle pas le fruit d’un plus gros mensonge contre le peuple ? Tout est envisageable dès lors que Karim Wade proclamait : « Decroix est alors un menteur. »
EMMANUEL DESFOURNEAUX