Gouvernance, de l’espoir à la désillusion

par Dakar Matin

L’arrivée au pouvoir du président Macky Sall en 2012 avait suscité un grand espoir qui a été toutefois de courte durée. En effet, avec la persistance de certaines pratiques qu’on croyait définitivement rayées de la sphère politique, la gouvernance politique au Sénégal semble ainsi fonctionner à l’envers.

Elu quatrième président de la République au second tour d’une élection présidentielle du 26 février 2012 très tendue du fait de l’entêtement du président sortant, Me Abdoulaye Wade à briguer un troisième mandat alors qu’il avait dit lui-même qu’il a verrouillé la limitation des mandats à deux, l’actuel chef de l’Etat, Macky Sall, dans ce contexte politiquement tendu au Sénégal, avait suscité un grand espoir chez bon nombre de Sénégalais. Son parcours de directeur général, ministre puis de Premier ministre et président de l’Assemblée nationale injustement débarqué du perchoir pour avoir voulu convoquer le fils de son mentor de président de la République, Karim Wade, à l’époque directeur exécutif de l’Agence Nationale de l’Organisation de la Conférence Islamique (Anoci), pour s’expliquer devant les députés sur sa gestion des fonds mis à sa disposition dans le cadre des chantiers de l’Organisation de la conférence Islamique (OCI) qui s’est tenu à Dakar du 13 au 14 mars 2008, avait fini de séduire plus d’un au Sénégal.

Bon nombre de Sénégalais voyait en lui, premier président de la République né après l’indépendance, l’homme de la situation. Le président qu’il fallait au Sénégal pour redorer le blason et l’image de l’Etat fortement écornés par des multiples scandales et pratiques aux antipodes des valeurs républicaines. Et ce, d’autant plus qu’il disait lui-même au lendemain de son accession à la magistrature suprême inscrire son mandat sous le signe de la rupture à travers une gouvernance sobre et vertueuse.

Seulement, la désillusion ne va pas tarder. Et, il n’a fallu que trois ans de gestion pour le nouveau régime de commencer à montrer les signes de la limite de sa promesse de rupture annoncée dans la gestion les affaires publiques. Et ce, en dépit de certains actes posés dans le sens de matérialiser justement cette rupture dans la gouvernance des affaires notamment, à travers la création et le renforcement des missions d’organes de contrôle (Ofnac), la réforme des textes comme le code pénal, le code pétrolier pour ne citer que ceux-là. Car, au plan politique, le régime en place ne va tarder à ressusciter certaines mauvaises pratiques du passé tout en se positionnant comme un leader dans la déconstruction des fondamentaux de l’Etat. Il en est ainsi entre autres du reniement de la parole de président de la République avec le respect de l’engagement de la réduction de la durée de son mandat de 7 ans à 5 ans.

 En effet, après avoir à plusieurs reprises clamé haut et fort, lors des sorties officielles, son engagement à réduire la durée de son mandat pour donner ainsi à son mentor et prédécesseur, Me Abdoulaye Wade qui tenait à briguer un troisième mandat, une leçon de démocratie, l’actuel chef de l’Etat est finalement revenu sa parole. Outre le reniement de la parole du président de la République, il y a également le sentiment d’une justice à double vitesse du fait de la gestion des dossiers judiciaires impliquant des proches du régime par la justice.

En effet, depuis l’avènement du président Sall à la tête du pouvoir exécutif, le parquet semble n’avoir d’yeux et d’oreilles pour voir et entendre que les délits et autres crimes commis par les adversaires politiques du président Sall et des Sénégalais lambdas.

Pour preuve, les nombreux rapports de corps de contrôle dont l’Ofnac impliquant des responsables du régime, transmis au procureur de la République et classés sans suite. Plusieurs autres plaintes déposées par des opposants et membres de la société civile visant les responsables du régime en place dorment également dans le bureau du doyen des juges d’instruction ou les tiroirs du procureur de la République qui semble plus prompt à faire arrêter des opposants pour les renvoyer ensuite en prison par le biais d’un mandat de dépôt pour des déclarations jugées offensantes envers le chef de l’Etat. Pendant ce temps, il ferme ses oreilles quand il s’agit d’un responsable du pouvoir. Il en est du cas du député président du Conseil départemental Aliou Dembourou Sow qui n’est pas inquiété après avoir appelé ses partisans peuls à prendre des machettes et à attaquer ceux qui sont contre le troisième mandat du président Sall alors que Me Amadou Sall, membre du Parti démocratique sénégalais (PDS) pour avoir dit « Si Macky Sall condamne Karim, il ne passera pas une seule nuit au Palais » a été arrêté et envoyé en prison par l’actuel procureur de la République. Autre dossier dans lequel, le régime en place qui avait promis aux Sénégalais la rupture, a fait profil bas est la déclaration de patrimoine. Institué par la loi n°2014- 17 du 02 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine, ce principe a été pendant près six ans foulé au pied par les partisans du président Sall en toute impunité.

 ENGAGEMENT EN POLITIQUE DES MAGISTRATS

Autre pratique bannie de la sphère de la démocratie mais qui s’est invitée au cœur de la gestion de la République sous le régime du président Sall : l’engagement en politique des magistrats. En effet, c’est sous le régime en place qu’on voit des magistrats investir de plus en plus la sphère politique allant même jusqu’à créer des mouvements de soutien en violation totale des textes qui régisse leur profession. Il en est ainsi de Cheikh Issa Sall, directeur général de l’Agence de développement municipale (Adm) et responsable politique de l’Alliance pour la République (Apr) à Mbour, sans pour autant qu’il ne démissionne de la Magistrature. De l’actuel directeur de la Société de transport public Dakar dem dikk, Oumar Boun Khatab Sylla, président du mouvement politique « Valeur » pour soutenir le président de la République Macky Sall, qui avait déclenché la colère de ses collègues et de la société civile.

Du maire de Wack Ngouna, Amadou Lamine Dieng par ailleurs directeur général de l’institut de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres). Contrairement à leur jeune collègue jeune magistrat juge Ibrahima Hamidou Dème qui a démissionné de la magistrature pour se lancer dans la politique, ils ont juste préféré demander une disponibilité pour s’investir en politique en lieu et place de démission comme le prévoient les textes.

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