Durant cette année 2019 qui s’achève dans quelques heures, l’actualité politique aura été particulièrement agitée. Le point d’orgue en aura été l’élection présidentielle de février dernier. Toutefois, d’autres événements majeurs l’auront marquée comme la suppression du poste PM, l’ouverture d’un Dialogue national et la mise en place d’un comité pour le piloter dirigé par Famara Ibrahima Sagna. Un dialogue boycotté par le Pds, Rewmi et Pastef, autrement dit la frange la plus représentative de l’opposition. Maurice Soudieck Dione, docteur en sciences politiques, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, et Dr Cheikh Atab Badji, MBA en sciences politiques, géostratégie et relations internationales…analysent pour nous les temps forts, politiquement parlant, de l’année 2019 dans notre pays…
Déjà avant la fin de l’année 2018, le dépôt des candidatures à l’élection présidentielle avait démarré le 11 décembre et s’était poursuivi jusqu’au 26 décembre. 87 candidats potentiels s’étaient alors manifestés auprès du ministère de l’Intérieur en vue de recueillir les parrainages nécessaires à la candidature à la présidentielle du 24 février 2019. Des parrainages qui devaient représenter au moins 0,8 % des citoyens inscrits sur les listes électorales. La majorité présidentielle avait investi naturellement le président sortant Macky Sall comme étant son candidat. Le Pds en avait fait de même pour Karim Wade. Khalifa Sall, bien qu’en prison, avait aussi été investi par les siens. La liste provisoire des candidatures retenues par le Conseil constitutionnel a été rendue publique le 14 janvier 2019. Une liste dont la composition avait confirmé l’alors Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne qui avait déclaré qu’il n’y aurait pas plus de cinq candidats retenus par le Constitutionnel ! Effectivement, à l’arrivée, seuls le président sortant Macky Sall, l’avocat Me Madické Niang, le professeur Issa Sall, l’ancien Premier ministre Idrissa Seck et le leader de Pastef, Ousmane Sonko, avaient réussi à passer à travers les mailles du filet dudit Conseil constitutionnel. Malgré les nombreux recours introduits, le nombre de candidats retenus n’a pas évolué.
Cinq prétendants pour un fauteuil !
Le 31 janvier 2019 à minuit, la campagne électorale pour la présidentielle démarrait. Elle s’animera brusquement lors que le 07 février, l’ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade, est rentré de versailles (France) en jet privé pour faire face à Macky Sall qu’il accusait d’être derrière l’invalidation des candidatures de son fils, Karim, et de l’ex-maire de Dakar, Khalifa Sall. Son cortège, parti de l’aéroport de Diass, met près de cinq heures pour rejoindre la permanence de son parti dans la soirée, après un trajet jalonné d’étapes en banlieue. Autant d’étapes où il était acclamé à chaque fois par la foule de ses partisans. Arrivé à sa permanence, Abdoulaye Wade appelle les quatre autres candidats à boycotter le scrutin et les jeunes à saboter la tenue de l’élection. Un appel qui tombera dans l’oreille de sourds. La campagne qui a pris fin le 22 février sera émaillée de violences. Des affrontements entre partisans des différents candidats ont fait plusieurs blessés. L’épisode le plus sanglant s’est joué à Tambacounda où des affrontements entre les gros bras de la sécurité du candidat Issa Sall du PUR (Parti de l’Unité et du Rassemblement) et des militants du parti au pouvoir ont fait au moins un mort, plusieurs blessés graves. En outre, les véhicules du cortège du candidat ont été incendiés.
Plusieurs arrestations seront opérées dans les rangs des membres de la garde rapprochée du candidat. Laquelle finira d’ailleurs par être désarmée par les gendarmes. Le 24 février, l’élection s’est tenue avec une forte participation des électeurs, notamment des personnes du troisième âge. Elle s’est déroulée sans incidents majeurs. En début de soirée, le Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne investit certains médias dont la RTS pour proclamer la victoire dès le premier tour du candidat de BBy Macky Sall. Des résultats que les autres candidats dénonceront à travers une déclaration faite tard dans la soirée. Le lendemain, des militants de l’opposition improviseront une marche pour dénoncer les résultats. D’après les résultats provisoires rendus publics le jeudi 28 février, et qui seront validés par le Conseil constitutionnel, le président sortant a remporté la présidentielle dès le premier tour, avec 58,27 % des suffrages exprimés. Idrissa Seck, avec 20,50 %, arrive second, devant Ousmane Sonko (15,67 %), Issa Sall (4,07%) et Madické Niang (1,48 %). Toutefois, les quatre candidats défaits, bien que s’étant regroupés dans un cadre pour dénoncer les résultats officiels, n’ont pas déposé de recours comme beaucoup s’y attendaient. Sa victoire en poche, le Président Macky Sall prête serment et annonce tendre la main à tout le monde, notamment à ses adversaires malheureux. Quelques jours plus tard, il fait annoncer par son Premier ministre la suppression de son poste. Pour des impératifs de « fast tract ».
L’un des actes majeurs en 2019, la suppression du poste de Premier ministre
Justement, selon Dr. Cheikh Atab Badji, analyste politique, l’un des actes politiques majeurs de 2019 reste incontestablement la suppression surprise du poste de Premier ministre. « Elle intervenait, au-delà des logiques sous-jacentes qui obéissent à des calculs politicopoliticiens, dans un contexte très particulier d’un mandat inédit dans l’histoire politique du Sénégal, celui d’un mandat à priori non renouvelable et qui porte les tares d’une lutte souterraine de succession. Cependant du point de vue administratif, cette suppression n’est pas sans conséquences surtout en termes de collusion et d’embouteillage de dossiers à arbitrage. Mais sur le plan politique, en termes strictement de politique publique, cette suppression du poste de PM pouvait avoir une incidence très positive car donnant l’occasion aux ministres de faire eux-mêmes la déclinaison programmatique de la vision du chef de l’Etat.
Autrement dit, en lieu et place de l’historique Déclaration de politique générale (DPG), nous continuons d’attendre les déclarations de projets politiques des différents ministres (et non ministères si vous permettez la nuance) pour dire aux Sénégalais comment ils comptent mener l’action publique dans leur section, quels sont les objectifs et les résultats attendus. Je pense que c’est seulement ainsi qu’on pourra évaluer leur action et ainsi seulement aussi que la mesure de création de cadre formel et institutionnalisé d’évaluation des politiques publiques peut avoir un sens. Malheureusement, cette option politique ne semble pas être à l’ordre du jour pour le moment » expliquait notre analyste. Mais pour le Professeur Maurice Soudieck Dione, il convient d’abord de partir des raisons officielles qui ont été avancées pour la suppression du poste. En effet, le Premier ministre sortant, Mahammad Boun Abdallah Dionne, rappelle-t-il, affirme que c’est pour diminuer les goulots d’étranglement et favoriser la circulation des informations. À l’heure du numérique, parler de circulation des informations est, selon l’universitaire, difficile à comprendre, car en un clic, en une seconde, l’information peut circuler. Donc si le problème est lié à un facteur humain, c’est-à-dire la rétention d’informations, ce n’est pas, selon Maurice Soudieck Dione, la suppression du poste de Premier ministre qui en est la solution. C’est pourquoi, l’argument des réformes administratives par le haut de l’exécutif lui semble être également un leurre. Poursuivant, l’enseignant chercheur à l’Ugb pense que la tare essentielle du système politique sénégalais, c’est l’hyper-présidentialisation qui constitue un danger pour la démocratie, les droits et libertés.
Le président Macky Sall n’a opéré aucune réforme sérieuse
Car, dans le principe, soutient-il, tout le constitutionnalisme repose sur l’idée de limitation du pouvoir pour en neutraliser les nuisances politiques. Le président Sall a été, selon lui, « non seulement signataire de la Charte des Assises nationales, mais il a également commandité une étude pour améliorer les institutions du pays, avec la mise en place de la Commission nationale de réforme des institutions, avec un budget de 700 millions de francs. Malgré tout cela, il n’a opéré aucune réforme sérieuse pour rééquilibrer les pouvoirs du président de la République, en renforçant l’Assemblée nationale, en créant les conditions pour une indépendance effective de la justice. Et voilà qu’à l’entame de son second mandat, il s’illustre par une instrumentalisation de la Constitution, en bouleversant l’architecture juridique et institutionnelle de la République par la suppression du poste de Premier ministre, et le renforcement de ses propres pouvoirs ! La centralisation poussée entraîne l’apoplexie au centre et la paralysie aux extrémités. Donc, contrairement aux raisons officielles avancées, la concentration excessive des pouvoirs ne saurait rapprocher l’administration des administrés. Bien au contraire, cela renforce la déresponsabilisation dès l’instant que tout remonte au niveau du président de la République, ce qui nuit à une bonne administration du pays, dans ses impératifs d’efficacité et de célérité. À signaler que c’était une des raisons qui avaient amené le président Senghor à ramener le poste de Premier ministre en 1970, à cause de cette tendance à la déresponsabilisation qu’il qualifiait de « ponce-pilatisme ».
Dès lors, une telle administration peut-elle être une administration de développement puisqu’on parle de réforme visant le mieux d’État, slogan creux et inopérant qui avait été agité pour justifier les programmes d’ajustement structurel avec toutes leurs conséquences sociales désastreuses ? En vérité, cet argument n’est pas recevable. Car, c’est le gouvernement du Premier ministre Dionne qui a réalisé l’essentiel du bilan du président Sall. Ce bilan tant chanté et exalté, au point que le Premier ministre a été désigné tête de liste lors des Législatives du 30 juillet 2017, et a dirigé le pôle programme de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Donc en quoi le poste de Premier ministre est-il un obstacle à la réalisation des projets du Président ? Au cas où il y aurait des ministres forts dans le gouvernement qui échapperaient à l’autorité du Premier ministre, le Président avait la latitude d’élever ces derniers au rang de ministre d’État, afin qu’ils lui rendissent directement compte, à défaut de les rappeler à l’ordre en tant qu’il est leur supérieur hiérarchique », estime le Professeur Maurice Soudieck Dione.
La réforme du pouvoir exécutif, un problème de gouvernance mal posé
Partant de l’énoncé selon lequel un problème bien posé est à moitié résolu, l’enseignant-chercheur à l’UGB soutient que la réforme du pouvoir exécutif entreprise par le président Macky Sall au lendemain de sa réélection cache en réalité un problème de gouvernance mal posé. D’où, selon lui, la solution non pertinente de supprimer le poste de Premier ministre qui n’a pas bougé de l’architecture institutionnelle depuis 1991. Selon lui, le vrai problème, c’est d’abord d’avoir jeté dans la mare politique tous les plus hauts fonctionnaires du ministère de l’économie et des Finances. Ce en les mettant au cœur des activités politiciennes avec l’argent qui a coulé à flot sans qu’on sache clairement sa provenance lors des élections législatives en 2017 et surtout lors de la Présidentielle du 24 février 2019 ! Il y a aussi les clans qui se constituent au sein du Gouvernement et par rapport auxquels ceux qui détiennent les cordons de la bourse doivent s’écarter. Lemieux, estime l’universitaire, ce serait de choisir des hommes compétents, soucieux uniquement de l’efficacité dans la gestion, qui ne sont pas engagés dans la politique, pour gérer ce ministère et ses différentes directions.
Pour se résumer, il estime que la suppression du poste de Premier ministre est un faux remède à un problème mal posé. En effet, le vrai problème que nous avons, c’est, selon lui, un problème de gouvernance transparente des ressources de l’état. Sur l’autre argument avancé par les partisans de la réforme et selon lequel la suppression du poste de Premier ministre est une question de cohérence, le Pr Dione souligne que « cela nécessite plusieurs observations. D’abord, c’est le président de la République qui est élu au suffrage universel sur la base d’un programme. Donc l’incohérence serait de donner ensuite la prérogative à une autre personne qui n’a pas été élue la prérogative de définir la politique de la nation. Ensuite, on ne peut pas comprendre que le Premier ministre ne puisse pas être responsable, dans la mesure où c’est lui qui se charge avec son Gouvernement de l’exécution de la politique définie par le président de la République.
En plus, rien ne l’oblige à accepter le poste et rien ne le retient également à ce poste, s’il estime que la politique définie ne lui convient pas ou ne lui convient plus ! La suppression du poste de Premier ministre pour renforcer les pouvoirs du président de la République, n’est pas du tout une mesure rassurante. En effet, dans l’histoire politique du Sénégal, chaque fois que le poste de Premier ministre est revenu dans l’armature institutionnelle, le système politique s’est inscrit dans une phase d’ouverture démocratique. En 1970, la restauration du poste par le président Senghor a été le prélude au multipartisme limité après la période de l’autoritarisme et du parti unique de fait (1963-1974). En 1991, le retour du poste de Premier ministre annonce une ère de dégel et de relèvement qualitatif de la démocratie dans une dynamique politique marquée par l’avènement du Code électoral consensuel de 1992, entre autres réformes qui ont consolidé la démocratie. À l’opposé, à chaque fois qu’on a consolidé les pouvoirs du président de la République, c’est soit au sortir d’une crise politique grave, comme après celle de 1962, soit pour les besoins d’affirmation du président de la République nouvellement élu, comme Abdou Diouf en 1983, après qu’il a terminé le mandat du président Senghor qui a démissionné le 31 décembre 1980, pour lui céder le pouvoir. Or le Président Sall est en train de dérouler son second et dernier mandat ! ».
Dialogue national…
La mise en place d’un Comité pilotage du dialogue national et la nomination du doyen Famara Ibrahima Sagna pour le présider mais également le boycott d Pds, de Rewmi, de Pastef entre autres partis de l’opposition constituent aussi un des moments phares de l’année qui s’achève. Selon le docteur Cheikh Atab Badji, il faut lire le boycott sous un autre registre. Deux « petites questions » peuvent, d’après lui, aider à y voir plus clair. « Que gagnent-ils (Ndlr, les partis boycotteurs) dans le dialogue ? Que perdent-ils du fait du dialogue ? Et la question subsidiaire est la suivante : la perte politique vaut-elle le gain politique ? Et pire encore, le dialogue dans ce contexte risque de créer dans l’imaginaire du citoyen lambda l’idée d’une opposition « dialogueuse » considérée à tort ou à raison comme « collabo » et une opposition radicale qui voudrait se faire passer pour la vraie opposition. Sachant que le risque est gros dans ce contexte où toute erreur politique se paie cash de prendre part à ce dialogue » soutient le Dr Atab Badji. De son côté, le Professeur Maurice Soudieck Dione soutient que le dialogue national renseigne tout simplement sur les pathologies de la démocratie sénégalaise, qui peuvent être appréhendées à deux niveaux essentiellement notamment celui de la défaillance de la régulation normative et au niveau de la défaillance de la régulation discursive. Il s’explique : « La défaillance de la régulation normative renvoie aux manœuvres frauduleuses et à la manipulation politicienne, outrancière et persistante des règles de la compétition politique à des fins de conservation du pouvoir, malgré les deux alternances survenues dans notre pays. Les pratiques décriées sous le régime du président Abdoulaye Wade sont aujourd’hui les mêmes qui sont perpétrées et perpétuées sous le régime du président Sall. Le déficit de concertation autour des règles du jeu, l’imposition du parrainage qui a permis d’écarter beaucoup de candidats à la candidature sur une base injuste, avec des milliers de parrains invalidés pour la plupart d’entre eux, alors que ces derniers détenaient en bonne et due forme leur carte d’identité CEDEAO et étaient inscrits donc sur le fichier électoral.
Le contrôle des signatures conformément à la loi n’a pas été réalisé comme tel par le Conseil constitutionnel, en plus de beaucoup d’autres entorses. Les difficultés relatives à l’applicabilité du procédé du parrainage aux élections locales, repoussées au 28 mars 2021 au plus tard, en violation du respect du calendrier républicain et du principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales posé à l’article 102 de la Constitution. En plus de cela, il y a eu les manipulations de l’appareil judiciaire pour emprisonner et ensuite écarter des candidats, notamment dans les cas de Karim Wade et de Khalifa Ababacar Sall. Il faut ajouter à cela la violation persistante des droits de l’opposition et des opposants. Dans ces conditions, on constate une régression de la démocratie sénégalaise de plusieurs décennies. Un Président élu avec 58,27% des voix doit appliquer son programme. Pourquoi appeler encore 87 personnes autour d’un dialogue national ? Le dialogue national apparaît ainsi comme un moyen de politiquespectacle pour saupoudrer les effets pervers de l’autoritarisme. C’est peut-être ce qui explique le boycott de beaucoup de partis d’opposition. » L’autre défaillance de notre démocratie sur laquelle le dialogue national nous renseigne, c’est, selon lui, la défaillance de la régulation discursive. La démocratie c’est, à en croire le Pr Maurice Soudieck Dione, une confrontation d’idées et de projets pour que le peuple puisse se déterminer. Hélas, se désole-t-il, l’espace public national est pollué par des attaques crypto-personnelles, des invectives, des calomnies, le manque de tenue et de retenue qui fragilisent les institutions, en plus de la majorité qui se fait ellemême l’écho de ses propres scandales ! « Notamment, sur les engrais et semences distribués fabuleusement et indument à des opérateurs proches du pouvoir au détriment des bénéficiaires légitimes, les paysans, qui vivent dans des conditions de précarité extrême, en plus de la politisation de l’octroi des financements. Dans cette situation, les aspirations et préoccupations des Sénégalais sont prises en compte par des mouvements sociaux comme Nio lank sur la question de la hausse de l’électricité, qui reflète une mauvaise gestion de la Senelec qui a bénéficié de près de trois ans au cours desquels le prix du carburant pour produire l’électricité a drastiquement baissé. Les partis politiques de l’opposition brillent par leur absence dans ces revendications populaires essentielles, piégés qu’ils sont pour la plupart par le dialogue national dans son versant politique. Cela montre que les acteurs du jeu politique, Pouvoir comme Opposition, ne sont finalement intéressés que par le pouvoir qui semble être une fin en soi, un moyen de promotion et d’enrichissement personnels, au détriment des intérêts des populations. Comment comprendre que le Comité de pilotage du dialogue national soit installé sep mois après l’ouverture solennelle de ce Dialogue et qu’entre-temps, seule a fonctionné la commission du dialogue politique qui en principe est une composante du Dialogue national ! Cela pose plus généralement un problème de fond, à savoir pourquoi les acteurs cherchent-ils le pouvoir ? Le pouvoir est-il un instrument de transformation qualitative de la société au bénéfice des citoyens dans le sens de l’intérêt général, ou est-ce un instrument de puissance et de réjouissances, d’accaparement éhonté des ressources du pays ? », se demande l’universitaire.
Retrouvailles Wade et Macky…
Si le Dr Cheikh Atab Badji pense que les retrouvailles entre l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, et l’actuel, Macky Sall, rentrent dans le cadre du « politiquement nécessaire » pour les deux camps, le professeur Dione, lui, estime que cette réconciliation semble achopper sur un point essentiel : « le rétablissement de Karim Wade dans ses droits pour qu’il puisse poursuivre sa carrière politique et professionnelle, après avoir été la victime expiatoire de la juridiction d’exception qu’est la Crei. Ce avec toutes les péripéties rocambolesques qui ont entaché sa condamnation, et toutes les violations de ses droits et libertés, dans le cadre de la traque détraquée des biens mal acquis, qui a perdu toute crédibilité. »
Avancées démocratiques…
A la question de savoir s’il notre pays a enregistré des avancées démocratiques en 2019, l’enseignant chercheur en politique à l’Ugb dit ne pas avoir vu d’avancée démocratique au Sénégal durant l’année 2019. « Ce fut une année marquée par une élection fermée, une concurrence électorale déloyale, surtout en amont du processus, où beaucoup de candidats ont été écartés par le procédé pernicieux et injuste du parrainage ou par l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire. C’est aussi une année caractérisée par l’interdiction, la répression et l’emprisonnement de citoyens, dont le tort a été d’exprimer leur mécontentement sur la conduite des affaires publiques, sur la base d’une liberté reconnue par la Charte fondamentale du pays », indique Maurice Soudieck Dione.
Dr Atab Badji, lui, estime qu’en démocratie rien n’est donné. Les acquis s’arrachent au prix de luttes, selon lui. Ainsi l’une des grandes avancées démocratiques c’est incontestablement, à l’en croire, l’apparition sur le champ politique de nouveaux acteurs politiques, issus majoritairement de la société parapolitique, mais aussi d’hommes politiques au discours nouveau. « Conséquence : les politiques classiques, véritable preneurs d’otages de la démocratie, sont contraints au jeu démocratique, quitte à jouer aux souteneurs de circonstance », soutient en conclusion l’enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.