Célébration du 8 mars : de la nécessité d’africaniser la lutte

par pierre Dieme

A travers le monde, la journée internationale de la femme est célébrée le 8 mars. Comment en est-on venu à choisir cette date ? Est-elle la plus appropriée pour célébrer les femmes africaines ?

Célébrer l’héroïsme des femmes de Nder
On le voit que ce soit en Russie ou aux Etats-Unis, la date du 8 mars a été adoptée pour commémorer des événements d’ampleur historique actés par des femmes. Compte tenu de ce fait, il est légitime de se demander si l’Afrique ne devrait pas s’accorder sur un des nombreux événements mettant en lumière l’héroïsme des femmes du continent. C’est en tout cas le souhait de la sociologue Fatou Sow Sarr qui milite pour une meilleure reconnaissance du sacrifice et du sens de l’honneur des femmes de Nder. Invitée du Jury du dimanche, il y a deux années, elle a réaffirmé la nécessité de « sénégaliser » le combat. « Le 8 mars, ce sont les femmes du textile de New-York. Je trouve que les femmes de Nder se sont sacrifiées pour leur patrie et que cette symbolique est encore beaucoup plus puissante, mais elles ne sont pas célébrées. Moi, j’ai toujours dit que la France n’est pas ma référence. Pour moi, nos références sont nos propres valeurs, nos cultures », avait-elle déclaré. En 1820, Nder, capitale du royaume du Walo, subit une attaque de maures venus du Nord alors que la plupart des hommes étaient absents. Certains accompagnaient le Brack parti se faire soigner à Saint-Louis et les autres étaient aux champs.

Livrées à elles-mêmes, les femmes organisent leur défense et parviennent à repousser un premier assaut des envahisseurs au prix de lourdes pertes. Face à l’imminence d’un second assaut, elles optent collectivement pour le sacrifice ultime afin d’échapper à une vie de servitude et de déshonneur. Elles entrent toutes dans une case et y mettent le feu. Mais avant, la Linguère Amar Fatim Mbodj prit le soin de faire s’échapper ses deux petites filles, Ndieumbeut et Ndaté Yalla, qui deviendront toutes les deux linguères et farouches résistantes à la colonisation.

Les linguères du Walo exerçaient déjà le Pouvoir
Cet événement est significatif à plus d’un titre. Il met en lumière l’aspect combattif et guerrier des femmes ainsi que leur attachement à l’honneur et à la liberté. Il nous révèle aussi que plus d’un siècle avant que l’Europe et l’Amérique n’accordent le droit de vote aux femmes, dans certaines contrées africaines les femmes détenaient et exerçaient le pouvoir. Par exemple au Walo, les linguères choisissaient le Brack et exerçaient le pouvoir à ses côtés. Loin d’être un cas isolé, cette situation était une parfaite illustration du caractère matriarcal de plusieurs sociétés africaines. Comme le révèle Cheikh Anta Diop, « le matriarcat est à la base de l’organisation sociale en Égypte comme dans le reste de l’Afrique noire ». Cependant, le contact avec l’occident à travers la colonisation va progressivement éroder la place accordée aux femmes. « La situation d’infériorité de la femme est une séquelle du colonialisme », aimait à dire Sékou Touré. Ainsi, la lutte pour l’émancipation des femmes africaines n’est pas une initiative importée d’ailleurs mais juste un combat légitime pour un retour à l’ordre normal des choses.

Marlyatou DIALLO

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