Casamance – Réinstallation des réfugiés : L’armée démine le terrain

par Dakar Matin

Après près de 30 ans d’errance, les populations de Bissine, situé dans commune d’Adéane, étaient sur le point de rentrer chez elles. Ce projet de retour, maintes fois différé à cause de l’insécurité qui régnait autour de cette zone frontalière avec la Guinée Bissau, va encore être retardé à cause d’une nouvelle offensive de l’Armée qui continue de sécuriser le secteur, après que ses hommes ont sauté sur des mines.

Il y a un mois, deux véhicules de l’Armée sautaient sur des mines, faisant trois morts et des blessés. Cette insécurité avait contraint les populations de Singhère Diola à quitter leur localité, occupée par des combattants d’Atika pris désormais pour cibles par l’Armée sur le pied de guerre. Depuis cet accident, elle multiplie les bombardements nocturnes sur les cantonnements des rebelles.
Le long de la bande frontalière de la zone Est, les populations font quotidiennement état de tirs nourris à l’arme lourde de l’Armée sur des positions de combattants d’Atika. D’ailleurs, du village de Papia jusqu’à Ngore-sinho en territoire bissau guinéen, des sources concordantes font état de fortes détonations, notamment la nuit. Du côté de l’Armée, on a décidé de sortir les grands moyens pour «nettoyer» tous les cantonnements d’Atika localisés au niveau de la bande frontalière. En riposte aux derniers incidents survenus dans la zone de Bissine et pour sécuriser du coup tout ce secteur du département de Ziguinchor. Cette nouvelle situation vient de différer le retour des populations déplacées de Bissine et de 13 autres villages, et de provoquer de nouveaux déplacés et de réfugiés en territoire bissau guinéen.
Aujourd’hui, tous les patelins situés le long de la frontière entre le Sénégal et la Guinée Bissau, notamment ceux nichés au niveau des no man’s land entre les deux pays, ont quitté les lieux pour se réfugier de l’autre côté de la frontière. Et plusieurs sources concordantes estiment que l’Armée poursuit son avancée et se rapproche de plus en plus de Sikoune, la plus grande base d’Atika située dans le Balantacounda, jadis dirigée par Ousmane Niatang Diatta, destitué par ses frères combattants. Cette base rebelle, aujourd’hui scindée en deux, est dirigée d’un côté par Compas Diatta, récemment révoqué à son tour par ses combattants, et de l’autre par Adama Sané, nouvellement promu. Et c’est d’ailleurs pour prêter main forte aux combattants de Sikoune et sécuriser cette base que nos mêmes sources font état de mouvement de troupes venues de la base de Kassolol, dirigée par César Atoute Badiatte.
Une nouvelle situation de violence et d’insécurité au niveau de cette zone transfrontalière et qui a fini de raviver la peur chez les populations des villages bissau guinéens. Ce pilonnage quotidien et nocturne à l’artillerie lourde a poussé des femmes et enfants vers les localités bissau guinéennes, éloignées de la bande frontalière.

L’Armée pilonne les cantonnements d’Atika


Un coup de frein pour ces villageois qui avaient commencé à emballer leurs bagages pour rentrer chez eux. Après près de 30 ans d’errance. Cette situation que tout le monde conjuguait au passé dans la zone sud-ouest du département de Ziguinchor montre que les acquis semblent très fragiles. Cette contrée qui polarise les villages déplacés des communes de Boutoupa Camaracounda et d’Adéane était soumise aux assauts des combattants d’Atika et des bandes armées qui y faisaient régner leurs lois depuis plusieurs décennies. Mais il y a près de deux mois, l’Armée a engagé une vaste opération de sécurisation dans ce secteur du département de Ziguin­chor, frontalier avec la Guinée Bissau voisine. Une dynamique qui s’est soldée par l’installation d’une importante base militaire à Bindjalou Man­jacque, commune de Bou­tou­pa Camara­counda. Et ce, avant de prendre possession de Bissine, une localité de la commune d’Adéane, abandonnée par ses populations en 1992 du fait de la crise.
Sur place, l’Armée tient deux zones stratégiques, car Bissine et Bindjalou Manjacque sont des passages obligés pour accéder au niveau des départements de Ziguinchor et de Goudomp, voire en Guinée Bissau voisine. En plus, elle a réussi à établir dans la zone un cordon sécuritaire pour empêcher aux bandes armées de pénétrer dans la zone sénégalaise et d’en sortir comme elles l’auraient souhaité. Cette présence militaire va permettre de lutter contre le vol de bétail très récurrent au niveau de cette bande frontalière. S’y ajoutent des enjeux liés également à la coupe illicite de bois, à la culture de chanvre indien et à l’insécurité ambiante notée lors de chaque campagne de récolte de l’anacarde. Une période de récolte de noix de cajou qui mobilise les communautés locales avec son lot d’exactions et de violences perpétrées par des bandes armées sur les populations civiles. L’autre enjeu de taille pour l’Armée, qui a fini d’imposer ses bases dans l’arrondissement de Niaguis, est surtout de favoriser le retour au bercail des populations de Bissine et environs qui avaient abandonné leur terroir au plus fort de la crise casamançaise en 1992 pour se réfugier dans les départements de Goudomp et de Ziguinchor. Des populations déplacées qui aspirent de plus en plus à un retour au niveau de leurs terres qui regorgent d’énormes richesses économiques longtemps exploitées par des bandes armées.

Lequotidien.

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