Alors que les opérations de sécurisation sont presque terminées avec le démantèlement de toutes les bases rebelles, le déminage constitue l’autre plus grande bataille à gagner en Casamance. Selon le Centre national d’action antimines au Sénégal, plus d’1,3 million m2 ont été déminés en Casamance sur un objectif de 3,6 millions m2. Il faut aller vite pour finir le travail et limiter les victimes, car déjà 672 personnes ont été tuées par ces engins explosifs.
L’Armée a pris les différents bastions rebelles. Pour Barkham Thiam, Directeur général du Centre national d’action antimines au Sénégal (Cnams), l’ambition est aussi de nettoyer 118 localités supposées infestées de mines d’ici 2026. Barkham Thiam pour qui la situation évolue d’ailleurs favorablement avec des équipes déjà sur place et l’arrivée d’une autre compagnie venue renforcer l’action de Handicap international (Hi), qui est sur le terrain depuis longtemps. «Le Covid-19 a un peu freiné l’évolution des choses mais sur les 3,2 millions m2 qui restaient, nous en sommes à 1,9 million m2 déjà réalisés, ce qui fait qu’il reste 1,2 million m2 à déminer ; et avec les nouvelles découvertes enregistrées récemment, il reste au total 1,6 million m2 à faire», reconnaît le patron du Cnams. Et à croire M. Thiam, sur les trois régions méridionales du pays, c’est Sédhiou, avec le département de Goudomp, qui reste à dépolluer. «Et à cela s’ajoutent, dit-il, les trois départements de la région de Ziguinchor, où sont répartis les 1,6 million m2 à déminer et qui polarisent en tout 118 localités.»
Par contre, il y a des contraintes auxquelles le Cnams fait face dans le cadre du déminage. «Elles se situent à deux niveaux : il y a d’abord l’accès aux zones suspectées contaminées par mines et ce, avec des parties prenantes au conflit qui ne sont pas toujours favorables à la présence d’équipes du Cnams sur le terrain. Mais par le biais du dialogue, il nous arrive d’évoluer sur le terrain», note-t-il. Il y a ensuite les soucis financiers, qui peuvent ralentir les opérations de déminage. «Le budget est très élevé, avec le déminage qui coûte très cher. Toutefois, l’Etat est entrain de fournir de gros efforts, nonobstant la contribution des partenaires techniques et financiers qui ont aussi leur rôle à jouer, en appoint à l’effort budgétaire national», enchaîne M. Thiam.
Par ailleurs, la présence d’un seul opérateur sur le terrain a longtemps constitué un handicap. Et la situation semble changer. «Aujourd’hui, une autre compagnie va venir à côté de Hi, concourir à accélérer le processus de déminage. Et nous avons également créé une capacité nationale comme 3ème opérateur, ce qui fait qu’on est aujourd’hui en opérateurs», ajoute-t-il. Quid du nombre de vicitmes de mines enregistrées sur le terrain ? «Depuis le dernier accident par mines enregistré à Kandiadiou dans le nord Sindian, le nombre de victimes de mines s’élève aujourd’hui à 672 victimes directes et indirectes. Et ce sont essentiellement les femmes et les enfants qui sont les plus affectés par ces accidents par mines», détaille le Dg du Cnams. Sur les localités où ces accidents sont le plus enregistrés, M. Thiam cite le département de Bignona, particulièrement les secteurs de Sindian et d’Oulampane, où des accidents ont fait un nombre élevé de victimes. «Et le dernier remonte au 22 octobre dernier, avec un bilan lourd d’une dizaine de jeunes victimes», rappelle-t-il.
Par ailleurs, le Dg du Cnams insiste sur l’urgence de respecter les délais. «Il faut dire que le travail se déroule bien avec une échéance fixée en mars 2026 par la Convention d’Ottawa ; un délai qui semble long et court à la fois. Et pour atteindre cet objectif de Sénégal sans mines en 2026, il s’agira de livrer les zones suspectes et contaminées par mines aux opérateurs qui doivent avoir un accès facile dans ces zones», souligne Barkham Thiam. Il espère que ce travail se déroulera indépendamment du processus de paix. «Car il y a certains qui pensent qu’il faut d’abord négocier et signer une paix définitive avant de procéder au déminage ; dans ce cas, le délai risque d’être un peu long et en plus nous risquons de voir cette liste des victimes de mines s’allonger davantage», prévient-il.
672 personnes tuées
Face à la presse, M. Thiam souligne que ces deux activités sont totalement détachables. «Et si les parties prenantes au conflit, les populations, les porteurs de voix, acceptent de laisser les équipes travailler, on peut procéder au déminage humanitaire, régler au moins l’intégrité physique des populations, assurer la liberté de mouvement des personnes et de leurs biens et ouvrir du coup la voie aux grands projets de l’Etat qui sont en cours et qui sont souvent compromis du fait de la présence des mines, de l’insécurité dans certaines secteurs», plaide-t-il.
Il faut savoir qu’il y a trente ans, des militantes et militants de la Société civile se sont réunis pour lancer la Campagne internationale pour l’interdiction des mines terrestres. Cinq ans plus tard, la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel les était ouverte à la signature. A ce jour, plus de 160 Etats l’ont signée et il est désormais quasi universellement admis que les mines terrestres sont inacceptables. Selon les Nations unies, plus de 55 millions de mines ont été détruites, plus de 30 pays autour du monde en ont été déclarés exempts et le nombre de victimes des mines a considérablement diminué. Il existe encore des stocks de millions de mines et on trouve toujours ces armes ignobles dans plus de 50 pays. Alors que les mines, les restes explosifs de guerre et les engins explosifs improvisés continuent de tuer ou blesser chaque année des milliers de personnes, dont de nombreux enfants.
Par Ibou MANE