Sénégal : Audit de la Cour des comptes, Une dette cachée de 18 558 milliards et un déficit réel de 12,3% du PIB!

par Matar Cissé

C’est officiel, ce mercredi 12 février 2025, le rapport explosif de la Cour des Comptes tant attendu révèle des pratiques de gestion financière profondément inquiétantes dans les finances publiques sénégalaises. Ce rapport, qui couvre la période de 2019 à 2024, expose une série d’irrégularités et de manipulations comptables, démontrant que la situation budgétaire et financière du pays est bien plus grave que ce que le gouvernement a laissé entendre. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et remettent en cause plusieurs faits.

PIB

Le premier constat de cet audit est une manipulation flagrante des chiffres concernant le déficit budgétaire. Le gouvernement, en annonçant un déficit de 4,9% du PIB pour 2023, masquait la réalité, selon la Cour des Comptes, ce déficit aurait en fait atteint 12,30% du PIB. Un écart majeur de 7,4 points de pourcentage qui met en évidence des dépenses non budgétisées et une dette bancaire non incluse dans les documents officiels.

En 2022, l’écart est tout aussi alarmant, le gouvernement annonçait un déficit de 6,08% du PIB, mais après recalcul, ce déficit est revu à la hausse à 12,65% du PIB. Ces différences s’expliquent par l’absence de prise en compte de dépenses essentielles et une dette bancaire de 2 096,46 milliards de FCFA, non inscrite dans les comptes publics.
L’encours total de la dette publique s’élève à 18 558,91 milliards de FCFA au 31 décembre 2023, soit 99,67% du PIB, bien au-delà des chiffres officiels. Ce montant englobe 11 864,20 milliards de FCFA de dette extérieure et 6 694,71 milliards de FCFA de dette intérieure. Cependant, cette dette a été gonflée par des emprunts réalisés en dehors des circuits budgétaires, avec des certificats nominatifs d’obligations (CNO) émis de manière irrégulière, sans autorisation parlementaire.

L’audit de la Cour des Comptes a également mis en avant une gestion de la trésorerie qui laisse entrevoir de profondes irrégularités. Des comptes bancaires commerciaux, gérés directement par le ministre des Finances, ont été utilisés pour des dépenses extrabudgétaires, en violation des règles de gestion publique. Des sommes considérables ont été détournées des comptes de dépôt pour être affectées à d’autres fins, un acte d’une grande gravité.

Un montant de 481,42 milliards de FCFA a été décaissé de manière irrégulière à partir des surfinancements. En outre, des écarts de 104,87 milliards de FCFA ont été relevés entre les données gouvernementales et celles du Trésorier général, indiquant une sous-estimation des disponibilités réelles du Trésor. Des dépôts à terme (DAT) ont également été effectués dans des banques commerciales, sans que la totalité des fonds n’ait été reversée au Trésor, notamment un montant de 198,29 milliards de FCFA.

Au-delà des manipulations des chiffres officiels, plusieurs mécanismes complexes ont été mis en place pour dissimuler la vérité sur l’état des finances publiques :
-Des recettes ont été comptabilisées dans les mauvaises années pour gonfler artificiellement les chiffres et réduire ainsi les déficits. Par exemple, 43,97 milliards de FCFA en 2019, 66,86 milliards de FCFA en 2020, et 131,04 milliards de FCFA en 2023 ont été réaffectées de manière douteuse.
-Les surfinancements, comme ceux de 2021 et 2020, ont permis de masquer une partie de la dette. Par exemple, un surfinancement de 54,71 milliards de FCFA en 2020 n’a été reporté que partiellement, laissant un écart de 3,4 milliards de FCFA.

-Des conventions de substitution de débiteurs ont été signées pour un montant de 238,19 milliards de FCFA, souvent sans explications claires ni justification officielle.
Ces pratiques témoignent d’une volonté manifeste de masquer la réalité financière du pays, tout en dissimulant des dettes colossales qui pèsent désormais lourdement sur l’avenir économique du Sénégal.

Les conclusions de cet audit font écho à une situation alarmante de la gestion des finances publiques sénégalaises qui s’est opérée dans une complexité totale, avec des manipulations de chiffres et des détournements de fonds à grande échelle.

Zaynab SANGARÈ
Journaliste d’investigation
Spécialisée en data journalisme

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