Monsieur le Premier ministre, les petits-fils de tirailleurs vous remercient. Par Mohamadou Manel Fall

par Socé NDIAYE
Il était primordial de rappeler au Président Emmanuel Macron, ainsi qu’à la communauté internationale, une vérité longtemps occultée : “Si les soldats africains, mobilisés de force, maltraités et finalement trahis, ne s’étaient pas engagés sur les champs de bataille lors des guerres mondiales, la France aurait peut-être aujourd’hui un tout autre visage, peut-être même encore sous domination allemande.” Ces mots, cités par Ousmane Sonko, témoignent d’un acte de courage rare et d’un profond respect pour la mémoire de ces Sénégalais. En ravivant cette page méconnue de l’Histoire, il transcende les clivages politiques pour honorer des héros oubliés et poser les bases d’une nouvelle ère : celle de la reconnaissance et de la justice historique.
Dans les efforts de guerre, aucune communauté sénégalaise n’a été épargnée par cette mobilisation imposée. Pire encore, la France a cherché à affaiblir les guides religieux en enrôlant leurs propres descendants. Serigne Ahmed Sy, fils aîné d’El Hadji Malick Sy, Madani Tall, petit-fils d’El Hadji Omar Foutiyou Tall, grand propagateur de la Tidjaniya en Afrique, et Serigne Fallou Fall, fils aîné de Cheikh Ibrahima Fall, figurent parmi ces figures marquantes enrôlées, prouvant que l’implication sénégalaise transcendait les classes sociales et les appartenances spirituelles.
Sous la houlette de Cheikh Ibrahima Fall, les Mourides, guidés par une loyauté sans faille, ont répondu avec un sens inégalé du sacrifice. Dès 1914, suivant le ndigeul (directive spirituelle) de Cheikh Ahmadou Bamba, Cheikh Ibrahima Fall mobilisa près de 150 disciples pour répondre aux appels pressants de la France. Ces sacrifices n’étaient nullement motivés par une adhésion à la cause française, mais par un respect indéfectible envers leur guide spirituel et les valeurs qu’il incarnait.
Dans un geste de dévouement exemplaire, Cheikh Ibrahima Fall donna l’exemple ultime en envoyant trois de ses fils au front. Son fils aîné, Serigne Fallou Fall, matricule 2222, fut parmi les premiers à être mobilisés, accompagné de disciples tels que Serigne Modou Gueye Awa Tall, Seck Gaye Ndiaye, Aliou Touré, et bien d’autres. En 1918, alors que le conflit s’intensifiait, la France fit appel une nouvelle fois aux Mourides. En réponse, Cheikh Ibrahima Fall envoya deux autres de ses fils, Serigne Bassirou Fall et Serigne Abdoulaye Fall Ndar, accompagnés de nombreux disciples : Serigne Moussa Fall, Serigne Tall Gallo, Serigne Samba Nar, et d’autres figures emblématiques.
Ces hommes, envoyés dans des conditions de vie inhumaines, affrontèrent les épreuves les plus dures avec un courage et une abnégation sans pareils. Cependant, leur retour fut marqué par une profonde indifférence. Loin des honneurs mérités, ces héros durent faire face à des conditions précaires, des pensions dérisoires et une marginalisation injuste dans les récits historiques français. Cette mémoire collective mérite d’être pleinement honorée. Ces hommes, issus de toutes les couches sociales du Sénégal, ont consenti le sacrifice ultime pour une guerre qui n’était pas la leur. Leur engagement était avant tout guidé par la loyauté envers leurs communautés et leurs guides spirituels.
Aujourd’hui, il est impératif de se souvenir de leur combat, non seulement pour réclamer la reconnaissance des sacrifices des tirailleurs sénégalais, mais également pour exiger une véritable justice historique et mémorielle. La France et le monde doivent reconnaître l’apport inestimable des Africains dans les deux guerres mondiales et réparer ces injustices par des actes concrets. Ces héros oubliés méritent des hommages dignes, des récits inclusifs dans les livres d’histoire et une réhabilitation symbolique à la hauteur de leur contribution.
Mohamadou Manel Fall
politiquementmouride@gmail.com

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