Il était une fois. C’était il n’y a guère longtemps. Moins d’un an. Nous étions, sans le savoir, à la veille de la mère des…fugues jamais entreprise par un ancien Chef d’Etat.
Depuis lors, depuis surtout le 2 Avril 2024, dans sa fuite éperdue, poursuivi par l’ombre de ses crimes et coups fourrés, aussi sanglants que cinglants, en crapule accomplie, Macky Sall, le fuyard, est en cavale, dans le vain espoir d’échapper à la houle qui monte sur ses pas, au nom d’une traque impitoyable qu’il sent se rapprocher de plus en plus de lui, au point de le pousser à abattre, avant-hier, l’une de ses ultimes cartes, en annonçant qu’il se retire de la politique.
Piètre stratagème pour gagner du temps. Sans doute, poussé, forçé, par ses hôtes Marocains, qui le trouvent encombrant, fâcheux, les offusquant par ses manoeuvres politiciennes, digitalement menées, il n’a eu d’autre ressort que de faire ce qu’il sait faire de mieux: ruser!
En se déclarant Président d’honneur de son parti politique en lambeaux, l’Alliance pour la République (Apr), la mal-nommée, tout en se rendant incommunicado, par le changement de ses contacts personnels, son nouveau manège est de faire semblant de sortir du jeu public Sénégalais sans couper tous ses vaisseaux. Il sait les temps maussades. La cohue est sur ses trousses. Le pays le réclame.
L’étau se resserre. Partout, au-delà du Royaume Chérifien, sa vraie nature se dévoile. Son cas est pire que ceux des salauds de naguère: il a tué, torturé, trompé, terrorisé. Pillé. Derrière lui, à l’image d’Attila, partout il est passé, rien ne pousse plus.
Son image pâlit face à celle d’un Mobutu, autre fugitif, qui est allé expier, finir ses jours, sur les terres du Makhzen -c’est-à-dire l’Etat profond au Maroc.
Au moins, l’homme à la toge de Léopard avait une ambition autour de son concept d’authenticité, l’une des variantes anciennes du panafricanisme.
Le tyran Khadaffi, qui se farcissait de jeunes demoiselles, sans oublier de transformer ses opposants en brioches rôties dans de lugubres Donjons, avait le mérite, lui, bien que ce fut sur le tard, de se poser en parangon de l’unité africaine.
Quoiqu’il n’y fut arrivé que par opportunisme, après qu’il a été mis sous embargo à la fin des années 1980 par le monde Occidental à la suite de l’implication de ses services dans l’attentat de Lockerbie, en Ecosse, et dans celui d’un vol UTA au-dessus de la bande Sahélo-Saharienne.
Ses échecs répétés dans ses tentatives d’instaurer le pan-arabisme puis le pan-islamisme finirent par le pousser à tenter d’être le chantre du pan-africanisme, comme illustré par le Sommet de Syrte convoqué par ses soins le 9 Septembre 1999, en remerciements à la levée par l’Afrique, un an plus tôt, des sanctions qui punissaient son pays.
Macky Sall ne vaut guère mieux non plus, comparé au duo de loufoques, sanguinaires, Idy Amin Dada et Jean-Bedel Bokassa. Lesquels laissèrent au moins, en l’état, les pays dont ils avaient la charge.
Ils ne restent, dans le souvenir des observateurs que, pour l’un, le symbole de l’homme noir, gros et gras, sur une chaise à porteurs, tenue par des blancs, comme pour se venger, pittoresquement, de ce que les colons avaient fait subir à ses ancêtres; tandis que le second, assis sur un champ national minéralier gorgé d’or, de diamants et minérais précieux qu’il se plaisait à distribuer à ses visiteurs Européens, en particulier au défunt Chef de l’Etat français, Valéry Giscard D’Estaing, dans le but de faire valider son plan pour devenir Empereur…
Il est difficile de trouver dans l’histoire humaine un être aussi vil que Macky Sall. S’il en avait eu les moyens, nul doute qu’il aurait même battu les records du pire qui ait vécu sur terre: Adolph Hitler!
Son histoire commence par un vécu modeste dans une obscure localité, Fatick, où il n’a laissé aucun souvenir flamboyant, n’ayant que le mérite, au nom de l’école publique, de surmonter les obstacles de sa naissance dans une famille où le père était un gardien et la mère une vendeuse de cacahuètes, pour finir par se hisser à la tête du Sénégal.
Ses fins exégètes avaient cependant flairé le danger qu’il représentait, en relevant, très tôt, ses forfaits avant même qu’il ne se retrouve à ce stranpontin suprême.
Il suffit de recueillir les informations que ses premiers complices en crime gardent pour deviner ce qu’il allait advenir de la gestion de notre pays lorsqu’il accède à sa magistrature la plus importante en mars 2012.
On peut citer parmi ceux-là, sans être exhaustif, Souleymane Baïdy Ndiaye, son homme-lige; Serigne Mboup, son compagnon des heures dures au sein de la société Petrosen où ils furent des collègues avant qu’il ne devienne son co-criminel; Amadou Dé, l’homme de Setico qui lui a conçu le cheval comme symbole de son parti politique; Delco Samb, son relais à la Sones, l’un des premiers lieux de ses crimes économiques, pour ne citer que ceux-là….Par la suite, d’autres sont entrés dans le jeu, pendant son pouvoir présidentiel, de Mar Thiam à Harouna Dia, Samuel Sarr, les Sows (Yérim et Omar), Khadim Bâ; les membres du patronat, des profitards, de toutes ses chapelles; sans oublier le reste du gang qu’ils avaient formé.
L’histoire de Macky Sall, celui que la planète a découvert ces douze dernières années, se décline toutefois en ying et yang, selon la philosophie Chinoise; en jour et nuit, in and out; zahir et bâtin; lumières et obscurités.
Le peuple Sénégalais garde de lui le souvenir d’un dictateur prêt à tout, machiavélique et méchant, pour conserver son poste au sommet de l’Etat.
Souvenez-vous: son plan était de ne pas en bouger avant l’an 2035. Sur le calque de son modèle qui n’était autre que le froid et clinique assassin Chinois Xi Jinping.
Et il était en passe d’arriver à ses fins. Tellement il avait semé une culture de la peur dans une société Sénégalaise dont il avait réussi le pari de la vider de sa faconde, de ses libertés et de sa joie de vivre et de parler.
« Quand on venait au pays », raconte I. Diagne, un Sénégalais établi au Canada, à bord du vol de la Royal Air Maroc, qui nous y ramène, voici plus de huit mois, « vous étiez accueilli par des forces de sécurité masquées et plantées à la porte de l’avion d’où elles extirpaient des personnes que la sécurité d’Etat avait indexées ».
La peur était prégnante. Sur toute l’étendue du territoire. « On osait plus ouvrir la bouche », acquiesce un chauffeur de taxi qui m’amène, voici 4 jours, à l’arrêt du bus pour y partir vers l’aéroport de Dakar.
Qui, Sénégalais de l’hinterland ou de la Diaspora, ne se souvient pas de cette fournaise à ciel ouvert que le pays était, où tous les prétextes étaient bons pour des nervis, escadrons de la mort, des forces de police, de gendarmerie ou de l’armée pour écraser n’importe qui pouvait leur sembler être à contre-courant des désidératas du monstre.
Boucherie humaine, où des dizaines de jeunes surtout furent froidement assassiné.e.s, comme Cheikh Wade, Adja Diallo, alors que deux gendarmes des renseignements disparaissaient et que des centaines de détenu.e.s politiques faisaient déborder des prisons déjà remplies, le Sénégal avait cessé d’être cette terre d’hospitalité et démocratique dont il s’était longtemps flattée.
Sous le genou du Boucher, Macky Sall, duquel dégoûlinait le sang de ses nombreuses victimes, le climat social n’était plus qu’un de terreur. De joie feinte aussi, paradoxalement, puisqu’autant il en rajoutait autant le culte de sa personne montait en gammes dans les rangs des larbins qui se pressaient autour de lui, pour lui chanter la mandoline.
« Je suis un Thiédodoncolis », osa-t-il dire, en plus d’assumer en faussaire des liens de parenté avec Koly Tenguela, l’unificateur du Fouta-Toro.
Sous les applaudissements nourris de ses indignes courtisans, il se permit même de se présenter en guerrier, descendant d’une éminente lignée guerrière, inventée de toutes pièces, sans qu’aucun.e d’eux, d’un larbinisme plus accentué que son audace, n’eût le moindre réflexe d’en douter.
Dans ce contexte, ce yin, ce Macky de l’intérieur, connu pour ses frasques et ses violations de règles humaines les plus élémentaires, la voie était toute tracée pour lui permettre de s’en donner à coeur-joie pour vider les caisses de l’Etat avec l’aide de ses comparses.
On se perdrait en conjectures à vouloir lister les crimes économiques qu’ensemble ils ont commis: -privatisation de nos hydrocarbures, d’abord par le méga-scandale Petrotim impliquant son frère Aliou Sall;
-marché Snedaï à milliards de francs Cfa donné à son acolyte Adama Bictogo;
-réfection interminable gouffre financier du Building administratif qui a englouti des dizaines de milliards Cfa au profit d’une coalition composée d’acteurs publics et privés sans que l’édifice ne soit toujours en état de service;
-les milliards Cfa détournés par Milouche et co des bracelets électroniques;
-les fonds, par centaines de milliards Cfa, destinés à la lutte contre les inondations mais déviés de leur cours…d’eau par des escrocs comme Spaghetti Sakho, Lansana Gagny, et semblables, dont des pions, comme lui, de Mansour Faye, avant une transhumance éhontée.
La liste des crimes économiques s’étend à perte de vue. Elle inclut aussi:
-le millier de milliard Cfa ramassé au titre de la lutte contre le Covid pour enrichir une cohorte de copains et coquins;
-les terres nationales distribuées à une camarilla de prête-noms, de Diamniadio à la région de Dagana;
-les mines d’or pillées par Oumar Sarr et Ahmadou Maky Sy avec d’autres prédateurs en mission commando;
-les mines de diamants privatisés entre malfrats à col blanc, dont les noms sont connus;
-des marchés publics surfacturés au nom parfois de la Défense, de l’éducation, comme l’université Mbow, le sport, à travers le Stade Wade;
-les projets autour de l’aéroport Blaise Diagne, le port de Ndayane, le TER, et tant d’autres arnaques.
Pour être précis, on se doit de noter, en raccourci, que la curée est interminable, infinie, passant des financements souterrains à des médias pour qu’ils servent de plateformes de dissimulation de ses forfaits; à l’argent de la corruption jetés à tour de bras auprès des familles religieuses et des forces syndicales ou sociales, bref aucun pan de la société n’a échappé à la boulimie dominatrice du tsunami humain, au dépeçage, qui se déployait sur l’étendue de la nation. Dans un silence de mort…
On en était arrivé-là parce que le yang, le bâtin, l’invisible prenait, hors du pays, le dessus sur la réalité qui l’étouffait.
Il en fût ainsi jusqu’à sa chute ou, du moins, peu avant qu’elle n’intervienne quand le monde entier se réveilla enfin au facteur Macky dont il venait de mesurer le pouls irrigué par ses méfaits.
Le monde revenait de loin. Pris à rebours, il avait jusqu’alors refusé de voir la terrible réalité. Comme s’il avait été fracassé par ses actes anti-démocratiques, aveugle devant les tueries dont les images étaient pourtant diffusées au moyen des médias sociaux, il n’avait jusqu’alors eu que les yeux de Chimène pour ce rondouillard aux grosses joues, aux lèvres abondantes et aux yeux clairs qui n’en révélaient pas moins un regard clinique d’assassin.
Longtemps, entre un Emmanuel Macron qui, Chef d’Etat français, ne répugnait pas à l’embrasser sur la bouche, sur le mode du baiser historiquement rendu célèbre pendant la guerre froide que s’étaient échangés un Léonid Brejnev, président de l’alors puissante URSS, et un Eric Honecker, celui de son principal satellite, la République démocratique allemande (de l’Est). Malgré les multiples raisons de s’éloigner de ce tueur souverain, le locataire de l’Elysée n’a jamais reculé pour observer une distance de décence avec lui.
Comme s’il narguait le peuple meurtri, écrasé, d’une nation Sénégalaise qui avait fini par le considérer comme le protecteur en dernier ressort de son bourreau.
Si Macky Sall a pu faire ce qu’il a réalisé au Sénégal en y créant une ambiance mortifère sans craindre quoi que ce soit, c’est qu’il avait bénéficié de soutiens extérieurs dont les plus dangereux ne se recrutaient pas dans les cercles interlopes de la franc-maçonnerie ou de quelques lobbies aux agendas impénétrables dans une Afrique largement restée fière de ses propres valeurs en dépit de sa pauvreté.
Qui ne garde pas en mémoire son statut d’étoile africaine lors du Sommet USA-Afrique, quand, à la Maison Blanche, en Août 2023, au milieu de ses meurtres et assassinats de personnes et de la démocratie Sénégalaise, il n’en fut pas moins le porte-parole du continent devant un (déjà) sénile Chef de l’Exécutif américain, Joe Biden.
En décembre l’an dernier, à Genève, il fut reçu en vedette par les organisations sectorielles du système des nations-unies, telles que l’OMS et l’OMC. En février 2022, c’était au tour de l’Union Européenne, sous l’emprise de la louche Ursula Von Der Leyen, de lui dérouler le tapis rouge lors d’un Sommet EU-Union africaine où l’Europe annonça qu’elle accordait 150 milliards d’euros sur 3 ans à l’Afrique.
Ne parlons pas de ses rencontres avec les autocrates d’un Sud Global, brusquement remis au goût du jour, qui, du Chinois Xi Jinping au Russe Vladimir Poutine, ont montré, sans discontinuer combien ils étaient à l’aise avec cet autocrate tropical…
Même l’Organisation des nations-unies (Onu), les boites à idées, comme la Fondation Mo Ibrahim, les médias internationaux, Jeune Afrique en tête, et des acteurs de pointe qui se posent en défenseurs des droits humains, à l’instar d’un Adama Dieng, et les membres les plus reconnus du secteur privé du continent, peu ont été les personnes qui ont su résister à l’attrait puant d’un Macky Sall, dont les limites intellectuelles connues de tous n’ont jamais semblé suffisantes pour réduire son statut de chouchou que le reste du monde, d’abord au coeur de l’Afrique, tenait mordicus à faire passer pour l’incarnation d’un leadership novateur sous nos tropiques.
La question est maintenant de savoir ce qu’il convient de faire dès lors que, chaque jour, pire que Nettanyahu et son génocide à Gaza, Bachar Al Assad et ses crimes de sang en Syrie, Sheikh Hasina, la Begum du Bangladesh, Blaise Compaoré au Burkina, Yaya Jammeh et ses jungulars de triste mémoire et autres hauts criminels des temps actuels, le cas de Macky Sall ne peut pas être banalisé.
Comment, du reste, la Cedeao, comme elle en a décidé à l’occasion de son Sommet du 15 décembre 2024, a-t-elle pu proposer l’ouverture d’un procès contre Jammeh sous son égide sans en demander pareil pour les autres dictateurs, tels que Macky Sall et Blaise Compaoré, qui ont autant que lui dans les pays qu’ils ont gouvernés avec un cynisme identique?
De jour en jour, les crimes exorbitants, son pillage de la nation, ses complicités infinies, sa destruction de notre capital social, les familles qu’il a détruites, le patrimoine multiforme qu’il a dilapidé pour en faire prioritairement le sien, en lâchant des restes à ses petites mains, partisanes, font que Macky Sall ne peut échapper à l’impératif de rendre gorge et compte.
L’instauration d’une haute cour de justice dans le pays ne peut, dès lors, avoir un sens que si elle vise d’abord le chef de gang qu’il est sans excuser aucun de ses complices dans leur projet commun, de prédation de toutes les valeurs matérielles et immatérielles du Sénégal.
Le yin devient lumière au Sénégal où il est plus que jamais clair que rien de bon ne pourra s’y reconstruire sans une radioscopie totale en vue d’une reconstruction de son hymen déchiré. Comme le tribunal de Nurenberg le fit pour l’Allemagne post-nazisme…
Le yang, sur fond blanc, de luminosité en principe, mais recouvert de noirceur, qui a fait voir au reste du monde une image édulcorée, d’épinal, du Sénégal par un monde extérieur complaisant, devra vite retrouver ses vraies couleurs: cela passe par une distanciation immédiate du Boucher de Dakar qui y a fait ses quartiers après avoir longtemps bénéficié de sa condescendance injustifiable. Extradez-le, et refusez-lui vos frontières, comme la plupart des grandes nations l’ont fait vis-à-vis d’Assad et d’autres criminels souverains.
Macky Sall doit être cueilli et jugé. Aucun refuge ne doit lui être accordé. Ses victimes et son pillage l’attendent de pied ferme. Toute autre solution le concernant serait une trahison du peuple Sénégalais.
Il ne peut pas avoir vidé, pillé, le Sénégal, y compris en couvrant des contrats surfacturés pour des infrastructures physiques destinées à l’enrichir avec ses acolytes, sur des projets routiers, immobiliers ou ferroviaires, entre autres, puis tué et emprisonné sans aucune retenue, planté les ressources financières d’un pays qu’il a outrancièrement endetté pour ses intérêts et ceux de sa bande, puis se croire hors de portée de la justice.
Le laisser libre serait donner droit à toutes les injustices. Le meilleur appel d’air pour ouvrir la voie aux futurs tyrans qui piaffent d’impatience, le prenant en exemple, pour faire main-basse sur des nations africaines plus que jamais, alors, à la portée de types de son engeance, s’il s’en sort indemne…
Aucun pays, Maroc et France en tête, Arabie Saoudite, Chine et autres, ne doit lui accorder un asile ni un refuge. Aucun pays, organisation ni fondation ne peut continuer à lui accorder un statut autre que celui de criminel en fuite sauf à vouloir être son parrain. Paria, il reste. Recherché. Sa tête mise à prix !
Son retour, pour y répondre de ses crimes, est un signal non-négociable pour le pays qu’il a sacrifié, cyniquement !
Adama Gaye*, journaliste et écrivain a été le premier à combattre sans discontinuer Macky Sall jusqu’à sa chute.