Chronique d’une forme d’«arnaque» d’Etat

par pierre Dieme

Inaugurations d’infrastructures avant la fin des travaux Brt, Ter, RN6, etc. des réceptions officielles au parfum de «tromperie» d’Etat des Sénégalais, sans que leur mise en service effective ne soit possible dans l’immédiat

Les Sénégalais vont enfin pouvoir voyager à bord de leur Bus rapid transit (BRT, SUNU-BRT). Annoncée depuis la mi-février, la mise en service pour exploitation commerciale de SUNU-BRT est prévue pour demain, mercredi 15 mai ; soit quatre (04) mois après son inauguration en grande pompe par l’ancien chef de l’Etat, Macky Sall, le 14 janvier dernier et environ neuf (09) mois après le lancement des essais statiques pour la phase test, le lundi 21 août 2023. Seulement, force est de relever, avec le BRT et à l’image du TER et d’autres projets, l’Etat, particulièrement le défunt régime de Macky Sall, aura habitué les Sénégalais à des inaugurations «politiques» d’infrastructures alors que les travaux des chantiers continuent. Des réceptions officielles au parfum de «tromperie» d’Etat des Sénégalais, notamment à la veille de grands rendez-vous électoraux, sans que leur mise en service effective ne soit possible dans l’immédiat.

Enfin les portes de SUNU-BRT vont s’ouvrir aux milliers de passagers qui l’attendaient jusque-là, sur une voie dédiée dégagée. Le démarrage des rotations pour exploitation  commerciale du Bus rapid transit (BRT) est prévu demain, mercredi 15 mai 2024. Le gouverneur de Dakar a présidé une rencontre d’échange à cet effet, en présence du Conseil exécutif des transports urbains durables (CETUD), hier lundi. Ainsi, les usagers de ce nouveau moyen de transport de masse innovant dit écologique, parce que 100% électrique, devront pouvoir voyager moyennant 400 FCFA pour un aller simple dans une même zone et 500 FCFA au-delà d’une zone. Un tarif social (200 à 250 FCFA) est prévu les personnes vulnérables. Les bus transporteront les clients de Pétersen, notamment des allées Papa Guèye Fall, dans la commune de Dakar-Plateau, à la Préfecture de Guédiawaye, dans la banlieue de Dakar, via Grand Médine, Case-bi… pour la ligne B1 par exemple. Et vice versa. Ce sera du lundi au dimanche, de 6 heures du matin à 21 heures, y compris les jours fériés. Destiné à améliorer la mobilité urbaine à Dakar, pour les navettes du BRT, un bus est prévu toutes les 6 minutes.

A en croire les prévisions du projet, le BRT doit transporter jusqu’à 300.000 voyageurs par jour, soit «12.000 voyageurs par heure et par sens avec chaque bus devant prendre 150 voyageurs». Sa mise en service officielle intervient quatre (04) mois après son inauguration par l’ancien président de la République, Macky Sall, le 14 janvier dernier, prévoyant alors son exploitation commerciale un mois plus tard, en mi-février. Seulement, contrairement à cette attente, l’exploitation commerciale du BRT finira par être retardée encore. Le ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement d’alors, Mansour Faye, avait justifié ce retard par les manifestations politiques nées de l’annonce du report de la présidentielle du 25 février 2024. Pour lui, ces incidents ont causé des dégâts sur les installations, motivant ainsi le report de «l’exploitation commerciale»

Le BRT a été officiellement réceptionné par l’ancien président Macky Sall, le 14 janvier, à quelques semaine de la présidentielle de 2024, initialement prévue pour le 25 février, puis reportée au 24 mars. Mais cette réception n’était pas synonyme de mise en circulation pour exploitation commerciale, puisque des travaux de finition étaient encore en cours sur le tracé de BRT.

Déjà classé parmi les «projets prioritaires du gouvernement pour répondre à la demande criant de transport moderne», l’ancien Premier ministre, Amadou Ba, candidat de la majorité au pouvoir lors de la présidentielle de 2024, avait procédé, le mercredi 27 décembre 2023, au lancement de la phase dite «active» de la mise en service du BRT, avec l’ouverture des deux auto-ponds de Liberté 6 et Case-bi, informant alors de son inauguration, le 14 janvier 2024. Auparavant, les essais statiques, avaient été lancés, le lundi 21 août 2023.

LE BRT : PLUSIEURS FAUX DEPARTS, A L’IMAGE DU TER

D’ailleurs, plusieurs dates avaient été arrêtées pour la mise en service officielle du BRT, en vain. Le mardi 21 novembre, lors de son passage à l’Assemblée nationale, l’ancien ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, Mansour Faye, avait annoncé la mise en circulation du BRT vers la fin du mois de décembre 2023, expliquant que le retard dans l’exploitation, initialement programmée des mois plus tôt (en octobre 2023), est essentiellement causé par les évènements des mois de mars et de juin 2023, avec 23 stations saccagées. Non sans évaluer les dégâts, estimés à 5 milliards de FCFA. Avant les casses, le BRT aura été financé à hauteur de 420 milliards de FCFA, grâce à l’apport de la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement et le Fonds vert pour le climat. Ses travaux ont été lancés le 28 octobre 2019.

Cette manière de procéder à des inaugurations «politiques» d’infrastructures à la veille d’élections et lors des tournées économiques du Président de la République, sans que les chantiers ne soient effectivement achevés, aura marqué le magistère de Macky Sall. A titre d’exemple, SUNBRT rappelle ainsi la donne du Train express régional (TER) qui avait aussi été inauguré le 14 janvier 2019. Donc à la veille de la présidentielle de février (2019) et en période de précampagne. Après son voyage inaugural lancé (le 14 janvier 2019) par Macky Sall, l’exploitation commerciale, initialement programmée 6 mois après (en juin 2019), ne sera effective que le 27 décembre 2021.

Finalement, près de deux ans après sa réception officielle. Toujours concernant le Train express régional (TER), comme lors du lancement des travaux, le samedi 5 mars 2022, le président Macky Sall a réceptionné en grande pompe la gare du TER de l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD) de Diass, d’un coût de huit (8) milliards de FCFA, le samedi 8 juillet 2023. Il a salué le respect du délai de livraison de l’ouvrage, les travaux étaient prévus pour durer 17 mois, et avait engagé les services compétents à délivrer le reste du chantier, notamment la ligne ferroviaire Diamniadio-AIBD (de Diass) distant de 19 km, en décembre 2023, le terrassement du tracé des rails de cette phase 2 d’un coût de 207 milliards de FCFA étant alors presque terminé. Annonçant du coup que la flotte du TER va passer de 15 à 22 trains, à la fin des travaux de cette seconde phase. Comme pour conforter le président Sall, l’APIX avait posté sur son site que cette deuxième phase du projet allait durer un an et demi et devrait être achevée en 2023, depuis son lancement, le samedi 5 mars 2022. Mais, le président Sall n’aura pas la «chance» et la «faveur» d’inaugurer cette partie du projet TER, puisqu’il aura entretemps quitté le pouvoir le 2 avril dernier et les travaux de cette deuxième phase du TER se poursuivent toujours.

AUTRES INFRASTRUCTURES, MEME REALITE

Projet de son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade, sur financement du Millenium challenge account-Sénégal (MCA), le président Macky Sall, en plus du lancement des travaux de PROMVILLES à Ziguinchor, a inauguré la route nationale n°6 (RN6), plus connue sous l’appellation de la «route du Sud», le 22 octobre 2018. C’était au terme de sa tournée économique de 5 jours en Casamance. Cette route a coûté 117 milliards de FCFA dont 62 milliards du gouvernement américain et 55 milliards de l’Etat du Sénégal en contrepartie. Alors que cette route sur élevée qui relie, sur 326 km, Ziguinchor-Tanaff-Kolda-Kounkané-Vélingara et Manda Douanes était encore source de frayeur pour les usagers. En effet, au moment de sa réception officielle, le pont de Niaguis était toujours en chantier et la déviation causait du tournis aux automobilistes, surtout les gros porteurs, de peur que le vieux pont-barrage qui servait de passage ne cède à tout moment et qu’ils se retrouvent au fond de l’eau, dans le bras de fleuve qu’il enjambe. Même situation pour le pont de Sindone et le tronçon reliant le rondpoint de la gare routière de Ziguinchor à la sortie de la ville jusqu’à Boutoute, toujours en chantier. Il y avait également la menace des tranchées devant servir de canaux d’évacuation d’eaux de pluies etc. creusées au bas-côté de la chaussée qui étaient encore en l’état dans plusieurs localités, de Ziguinchor à Tanaf, attendant leur coulage au béton et servant de piège mortel pour le bétail. Les travaux à ces niveaux se sont poursuivis plusieurs mois voire au moins un an après. Ce qui aurait expliqué d’ailleurs, contrairement à l’inauguration du Pont de Kolda à laquelle il avait pris part, l’absence de l’ambassadeur des Etat Unis à cette cérémonie de Ziguinchor, en plus des lenteurs et du dépassement du délai d’exécution du projet, selon des sources.

S’agissant toujours du désenclavement de la Casamance, le pont de Marsassoum, situé à 55 kilomètres dans l’Ouest de Sédhiou, enjambant la commune de Marsassoum et la zone des Kalounayes, dans le département de Bignona, a été ouvert à la circulation, le lundi 17 janvier 2022, dans la plus grande sobriété. Ses travaux ayant démarré en 2018, alors sous l’autorité du président Macky Sall, ce pont s’étend sur un linéaire de 485 mètres, pour un investissement de vingt (20) milliards de FCFA. Un an après, en tournée dans la région, Macky Sall a inauguré officiellement le pont de Marsassoum, portant désormais le nom de Famara Ibrahima Sagna, le 28 février 2023. Cependant, l’ouvrage connexe, notamment le bitumage de la bretelle entre Diébang et la route nationale n°4 (RN4) était toujours en chantier. Une bretelle revêtue qui, avec le pont, contribueront à la continuité territoriale et à désenclaver la région naturelle de Casamance : Sédhiou-Bignona ou Sédhiou Ziguinchor sans interruption, par voie terrestre. La liste, loin d’être exhaustive, pourrait inclure la gouvernance libérale sous Me Abdoulaye Wade qui, le jeudi 22 février 2012, pour ce qui était qualifié de vol inaugural, a atterri à 11 heures sur le tarmac de l’AIBD encore en plein chantier. Donc, à la veille de la présidentielle de 2012.

Ibrahima DIALLO

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