Quand Maître Ngagne Demba TOURE dénonçait la gouvernance du secteur minier au Sénégal

par pierre Dieme
Gouvernance du secteur minier au Sénégal : une inertie financière persistante.
Le Sénégal est un pays vraiment particulier. En dépit d’un sous-sol riche en substances minérales avec une exploitation en pleine abondance, l’Etat a pris l’option de se contenter de miettes là où les compagnies font des profits de plusieurs centaines de milliards.
Selon le rapport de l’ITIE, les revenus générés par l’exploitation minière s’élèvent à 167, 75 milliards F CFA en 2020. Un montant dérisoire comparativement à l’immense quantité de minerais produits. Et pour preuve, le rapport d’analyses des données minières de l’année 2020 produit par le Ministère des mines et de la géologie, sous l’impulsion de la Direction du contrôle et de la surveillance des opérations minières (DCSOM), nous fournit les informations suivantes :
– Zircon : 84 376 tonnes
– Or : 12,4 tonnes
– Phosphate : 2 230 504 tonnes
– Calcaire : 6 558 605 tonnes
– Basalte : 3 700 408 tonnes.
Sans compter la production non négligeable d’autres substances telles que l’argent, l’argile, l’ilménite, l’hormite, le manganèse, la latérite, le leucoxène, la marne, le rutile, le silex, les minéraux lourds, etc.
D’après le même rapport, la valeur financière de cette production se chiffre à 631,4 milliards F CFA.
Cette situation irritante pouvait être renversée si l’Etat avait changé de choix stratégique pour considérer les mines comme un puissant levier de financement des politiques publiques. Mais le Document de Programmation Pluriannuelle des Dépenses (DPPD) 2023-2025 nous en dit autrement.
En effet, dans ce référentiel de pilotage stratégique du secteur, le programme de développement du secteur minier (compte non tenu de la géologie) s’articule autour de trois axes majeurs : le renforcement du système d’information et de gestion minier, la valorisation du potentiel minier et la modernisation du contrôle et du suivi des opérations minières.
Ce qui indique que l’accroissement des revenus tirés de l’exploitation minière ne fait même pas partie des priorités de l’Etat.
Une hérésie qui se traduit dans les indicateurs qui estiment le taux de progression des recettes minières à 7% en 2020.
Pire encore, le gouvernement n’en envisage qu’une augmentation insignifiante de 15% à l’horizon 2025.
Le paroxysme de cette ineptie financière transparaît dans le faible taux de recouvrement des redevances minières qui est aujourd’hui évalué à 60 %. Il en résulte un raisonnement déductif montrant que les compagnies minières ne paient pas 40% des redevances dues à l’Etat.
Un cataclysme qui vient s’ajouter aux innombrables ravages des exonérations fiscales contenues dans le code minier de 2003 et dont la correction s’est avérée infructueuse nonobstant le percutant exposé des motifs du code de 2016.
De tout ce qui précède, il ressort une absence totale de vision dans un secteur aussi stratégique que celui des mines.
Pourtant, l’axe 1 du Plan Sénégal Emergent l’identifiait parmi les secteurs prioritaires et moteurs de croissance.
Peut-on croire à un changement de cap si les mines ne représentent que 4,2 de l’économie du pays.
Jumma Mubarak !
Par Me Ngagne Demba TOURE
Juriste spécialisé du pétrole, des énergies et des mines,
Militant, membre du MONCAP, membre de la Haute Autorité de Régulation de PASTEF,
SG PASTEF Grand Yoff
Dakar, le 28 octobre 2022

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