Le Sénégal, cette terre livrée au pillage

par pierre Dieme

Des villes aux campagnes, un même constat s’impose : la terre est devenue la proie convoitée des appétits spéculatifs et capitalistes. Hugues-Alexandre Castanou, Aby Sène, et Bakary Faty dressent un tableau saisissant de la spoliation foncière au pays

Dans un nouveau volet de sa série sur les défis du Sénégal contemporain, le chercheur en histoire Florian Bobin reçoit trois invités pour analyser la question brûlante de l’accompagnement des terres au Sénégal. Hugues-Alexandre Castanou, ingénieur civil spécialiste du développement urbain, Aby Sène, chercheuse en conservation de la nature, et Bakary Faty, hydrologue et militant, dressent un tableau saisissant des multiples formes de spoliation foncière qui gangrenent le pays.

Des villes aux campagnes, un même constat s’impose : la terre est devenue la proie convoitée des appétits spéculatifs et capitalistes, au détriment des populations locales. Dans les grands centres urbains comme Dakar, un « boom immobilier » profite à une véritable nouvelle bourgeoisie prédatrice, de connivence avec un État kleptocrate. À coups de décrets controversés, on dépossède allègrement les villages de leurs terres ancestrales pour y bétonner des résidences de luxe.

Dans les communes rurales, ce sont des maires véreux qui morcellent illégalement les territoires pour des lotissements contraires aux intérêts de leurs administrées. À Madina Wandifa, raconte Bakary Faty, le maire a ainsi loti 235 hectares en 10 ans, provoquant l’ire et l’emprisonnement d’opposants courageux.

Mais c’est peut-être dans les aires protégées que la rapine atteint son paroxysme. Sous couvert de conservation de la nature, on chasse brutalement les populations autochtones de leurs terroirs, comme à Djoudj en 1971. Ces terres sont ensuite livrées au pillage des industries extractives et de l’agro-industrie, au mépris de la biodiversité qu’elles étaient censées préserver.

Face à cette curée généralisée, une résistance citoyenne se structure, à laquelle participe des mouvements comme le FRAPP. Mais elle se heurte à une répression féroce de la part d’un pouvoir qui protège avant tout les intérêts de ses alliés prédateurs. Une lutte inégale, mais vitale pour l’avenir d’un Sénégal qui se dévore lui-même.

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