Au Sénégal, la proposition de loi d’amnistie a passé l’étape de la commission des Lois, mardi 5 mars. Son examen par ce groupe restreint de 30 parlementaires est la dernière étape avant son arrivée mercredi 6 mars en plénière et son analyse par tous les députés de l’Assemblée. Ce projet initié par le président Macky Sall, censé pacifier le jeu politique après le report de l’élection présidentielle, fait déjà polémique. Il pourrait toutefois profiter notamment à Bassirou Diomaye Faye, de l’ancien parti Pastef.
Lors de son étude par la commission des Lois mardi 5 mars, le projet de loi d’amnistie a été approuvé à seize voix pour, trois contre et sept abstentions.
Selon le premier article de ce projet de loi, pourraient bénéficier d’une amnistie toutes les personnes accusées de crimes dans le cadre des manifestations qui ont eu lieu entre février 2021 et février 2024, ainsi que celles arrêtées pour des motivations politiques.
Si aucun nom n’a été avancé, Bassirou Diomaye Faye, le candidat à la présidentielle du parti d’opposition dissous Pastef (les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) pourrait entrer dans ce cadre : sa libération pourrait devenir possible. Arrêté en avril 2023 pour outrage à magistrat, il est depuis en détention provisoire, notamment pour des « actes de nature à compromettre la paix publique ».
La période, tout comme les accusations qui pèsent sur lui, correspondent à celles visées par ce projet de loi.
La question est plus complexe pour Ousmane Sonko. Le plus farouche opposant à Macky Sall a été rendu inéligible et exclu de la course à la présidentielle après sa condamnation à six mois de prison avec sursis pour diffamation contre le ministre du Tourisme. À la lumière de cette loi d’amnistie, cette condamnation pourrait être qualifiée de politique.
D’autant plus que le projet de loi précise, dans son introduction, que le texte « permettra à des personnes privées de leurs droits civiques et politiques d’en être rétablis » : ces quelques lignes pourraient donc ouvrir le débat sur la libération, voire même la candidature d’Ousmane Sonko à la présidentielle, dans le cas où la liste de candidats serait rouverte.
Reste en revanche une autre condamnation qui pèse comme une épée de Damoclès sur l’avenir politique d’Ousmane Sonko, et qui n’est pas couverte par le projet de loi : il a été condamné à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », après son accusation de viols répétés par une employée d’un salon de massage de Dakar.
Beaucoup d’inconnues mais une polémique même au rang de la majorité présidentielle
Le projet de loi a encore beaucoup d’aspects inconnus et il fait déjà polémique, y compris au sein de la majorité présidentielle. Au moins 60 personnes ont été tuées, des centaines de Sénégalais arrêtés, dont certains victimes de mauvais traitements durant la période.
Pour les organisations de défense des droits de l’Homme, une amnistie générale privera ces familles de justice : il serait alors impossible de poursuivre les forces de l’ordre responsables de la répression policière ou de mauvais traitement. Cette amnistie risque donc de promouvoir l’impunité.
Même crainte du côté de certains membres de la majorité qui voudraient voir jugés et non pas amnistiés tous ceux qui ont saccagé des lieux publics. Ou encore les membres de l’opposition qui ont encouragé cette violence, par exemple.
Au vu de l’enjeu, les échanges promettent donc d’être longs et agités jusqu’à mercredi à l’Assemblée nationale.
RFI