A Monsieur Amadou Ba , héraut d’une continuité mortifère pour le peuple

par pierre Dieme

« Tout candidat qui refuse de déclarer son patrimoine avant le scrutin est disqualifié pour solliciter le suffrage du peuple. »

Monsieur le Premier ministre, le Sénégal, notre si cher et beau pays, est à la croisée des chemins de son histoire. En effet, le 25 février 2024, les Sénégalais sont appelés aux urnes pour élire celui ou celle qui aura l’insigne honneur, le redoutable privilège et la lourde et grande responsabilité de présider aux destinées de notre pays. L’élection présidentielle du 25 février 2024 se présentera comme un moment historique pour les Sénégalais invités à choisir la voie qu’ils estiment la meilleure pour le développement du pays, l’épanouissement du peuple et la garantie d’une paix civile, d’une cohésion sociale et d’une unité nationale, toutes choses, aujourd’hui, mises à rude épreuve par votre équipe gouvernementale, sous la responsabilité personnelle, première et particulière du Président Macky Sall.

Monsieur le Premier ministre, en réalité, il s’agira pour les Sénégalais de faire le choix entre la perpétuation de   la situation actuelle et le désir d’apporter les changements et les ruptures nécessaires pour de meilleures conditions de vie. Certains réduisent la prochaine élection électorale à une option entre le système actuel et l’antisystème souhaitable, entre le présent de toutes les affres sociales, de toutes les injustices ainsi que de toutes les forfaitures et une fenêtre de toutes les opportunités et de tous les espoirs.

Monsieur le Premier ministre, je m’intéresserai particulièrement et à juste raison à votre cas en tant que candidat de la coalition présidentielle, candidat de l’establishment français et de l’oligarchie capitaliste. La France vient de prouver, de manière flagrante et singulière, son intention de s’immiscer dans la présente élection présidentielle; les autorités françaises viennent de signer un décret prononçant la déchéance de la nationalité française du candidat Karim Wade. Cet acte va désiler les yeux des Sénégalais sur les véritables intentions de la France que j’ai eu à dénoncer dans une lettre ouverte adressée au Président Emmanuel Macron que le sieur Thierry Breton a traité « d’imbécile de gamin ».

Monsieur le Premier ministre, l’immixtion de la France dans l’élection présidentielle de notre pays s’explique aisément par le souci de l’État français de freiner le désamour entre la France et les peuples des anciennes colonies; notamment, ceux de l’Afrique de l’ouest. Le Sénégal constitue un des derniers bastions de la galaxie françafricaine; pour les autorités françaises il faut coute que coute conserver le Sénégal sou tutelle et le maintenir dans le giron. Et pour ce faire, tous les moyens, tous les efforts et toutes les énergies seront déployés; une intervention militaire n’est pas à exclure d’autant qu’il s’agit pour la France d’une question de survie tant sur le plan national qu’au niveau de son aura internationale.

Monsieur le Premier ministre, de tous les prétendants à la magistrature suprême, vous vous distinguez comme le seul à prôner la continuité de la gouvernance actuelle, du modèle de gestion en cours, en somme de la politique menée par le Président Macky Sall pendant ses deux mandats. Je me permettrais une parenthèse pour m’offusquer du débat indécent et malsain soulevé sur vos origines guinéennes. C’est incongru, irresponsable et dangereux de vouloir mettre en cause votre nationalité sénégalaise sous le fallacieux et inconsistant prétexte que vos ascendants sont originaires de la Guinée. Qu’à cela ne tienne, un tel état de fait ne peut aucunement vous dénier l’exclusivité de votre nationalité sénégalaise. N’en déplaise à vos contempteurs sur cette question, vous avez fait vos humanités à Dakar, occupé d’éminents postes de responsabilités dans l’administration et dans le gouvernement. Ce débat injustifié sur vos origines est méphitique et relève d’une petitesse d’esprit propre aux minus habens.

Monsieur le Premier ministre, vous avez publiquement revendiqué votre ancrage dans la gouvernance du Président Macky Sall ; n’avez-vous pas dit aux Sénégalais de considérer que si vous êtes élu, c’est Macky Sall qui l’est? Ce dernier n’a-t-il pas renchérit en déclarant que votre élection doit être considérée comme la sienne?  Nous avons ainsi assisté à un échange civilité et d’estime réciproque qui ne laisse plus aucun doute sur votre réelle volonté de poursuivre l’œuvre du Président Macky Sall. Ainsi donc vous demandez aux Sénégalais de vous élire pour continuer ce qui suit;

1/ Une gouvernance sombre, ténébreuse et nébuleuse;

2/ une gestion patrimoniale des affaire publiques;

3/ un partage clanique et familial des biens communs;

4/ un accaparement exclusif des ressources naturelles;

5/ une gabegie effrénée dans les dépenses publiques;

6/ la vassalisation éhontée de l’assemblée nationale;

7/ l’instrumentalisation et la réification de la justice;

8/ la judiciarisation à outrance des contentieux politiques;

9/ la politisation outrancière des affaires judiciaires;

10/ la prédation criminelle des réserves foncières;

11/ les atteintes manifestes aux libertés publiques;

12/ l’oppression et la répression des manifestations;

13/ l’assujettissement à des puissances étrangères;

14/ la désacralisation et la banalisation des institutions;

15/ l’impunité érigée en mode de gouvernance;

16/ les détournements des deniers publics et du patrimoine immobilier de l’État;

17/ la promotion de la médiocrité et le népotisme;

18/ la promotion des antivaleurs et la valorisation des insulteurs publics;

19/ l’encouragement soutenu des jeunes à l’émigration;

20/ l’exacerbation des réflexes identitaires et la rupture des équilibres sociétaux;

21/ la politisation à outrance de l’administration;

22/ l’appartenance ethnique érigée en critère de responsabilisation ou de promotion sociale;

23/ la liberté d’expression réduite voire bâillonnée;

24/ arrestations arbitraires et détentions abusives;

25/ augmentation vertigineuse des prix des denrées;

26/ siphonage du pouvoir d’achat des populations;

27/ le mensonge érigé en valeur paradigmatique;

28/ la perpétuation de la mafia politico-religieuse;

29/ l’embrigadement de patrons de presse stipendiés;

30/ etc…

Monsieur le Premier ministre, vous avez des comptes à rendre aux Sénégalais en tant chef du gouvernement mais aussi pour avoir été ministre de l’économie et des finances, donc responsable à plus d’un titre de la situation de pauvreté endémique, de misère accentuée et d’impécuniosité aggravée que vivent les populations. Votre responsabilité est totale et entière dans la détérioration des conditions d’existence des Sénégalais; et les gens sont en droit de vous demander d’où tenez- vous l’audace qui vous a poussé à vouloir solliciter le suffrage de vos compatriotes. Vous vous êtes engagé dans une vraie gageure d’où il vous sera difficile voire impossible de sortir vainqueur même avec le soutien de votre mentor qui est tout aussi responsable que vous.

Monsieur le Premier ministre, le Sénégal a connu sous le magistère du Président Macky Sall les plus gros scandales financiers; et aucun d’eux n’a pu être traité correctement afin d’édifier les Sénégalais sur les responsabilités des uns et des autres. On pourrait citer, sans que la liste soit exhaustive, l’affaire des 94 milliards avec l’implication de Mamour Diallo qui a été votre collaborateur, les 29 milliards de la Produc, les 71 du ministère de la santé et tant d’autres. De tous ces scandales, celui du fonds Covid-19 apparait comme le plus grave, le plus indécent, le plus catastrophique mais surtout celui qui a transgressé toutes les valeurs de l’humanité. De par le montant faramineux de 1000 milliards indexés et compte tenu du contexte qui avait exigé une mobilisation de toutes les couches de la population, ce scandale doit impérativement aboutir à la sanction de toutes les personnes impliquées. Malheureusement, il n’en sera rien, à la grande déception et grand dam des populations; et vous avez l’audace, la témérité et le toupet de solliciter nos voix.

Monsieur le Premier ministre, nous nous chargerons der mener une campagne soutenue, agressive et d’une férocité implacable pour exiger que ces scandales soient traités et que les responsabilités soient situées, on ne peut continuer à vivre dans cette impunité protectrice. Au-delà de cette exigence citoyenne, il vous sera demandé de faire solennellement et publiquement votre déclaration de patrimoine. La rumeur publique vous confère un statut d’homme très riche; vous seriez milliardaire alors que vous n’êtes qu’un fonctionnaire. En tout état de cause, un fonctionnaire milliardaire ne peut être qu’un voleur et un détourneur de deniers publics, quelqu’un qui aura tout simplement profiter de ses fonctions pour s’enrichir.

Monsieur le Premier ministre, vous devez aux Sénégalais des éclaircissements, des éclairages et des explications sur le scandale foncier relatif au domaine du Général Bertin. Que je sache, vous assumiez les fonctions de directeur général des impôts et domaines, donc et naturellement, au cœur de toutes les transactions et de tout ce qui a pu se passer. Ce domaine très vaste aurait fait l’objet d’une transaction impliquant les plus hautes autorités de l’État du Sénégal. Et selon le rapport de l’Inspection générale d’État sur l’état de la gouvernance et de la reddition des comptes publié en juillet 2001, notamment, dans les pages 76 à 81 et le rapport de la Cour des comptes publié en 2014, notamment, aux pages 96, 97 et 98, il a été décelé des opérations dolosives et frauduleuses mettant en cause de hauts responsables de l’État et de la direction générale des impôts et domaines, permettant à des citoyens de s’enrichir sans cause. Et, puisque vous avez, non pas l’ambition mais la prétention de présider aux destinées de notre pays et de pouvoir disposer, le cas échéant, d’un budget annuel de l’ordre de 7 milliards de nos francs, vous avez l’obligation et le devoir moral de vous laver de tout soupçon dans ces affaires scandaleuses, scabreuses et répugnantes très gravissimes.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes réputé disposer d’un patrimoine foncier inestimable sur l’ensemble du territoire national et même à l’étranger. Déjà, l’estimation de votre maison à Dakar pourrait avoisiner le milliard de francs; un édifice d’un luxe insolent dont il est difficile de croire qu’il est la propriété d’un simple fonctionnaire. Dans une lettre datée du 21 mai 2012 que vous aurait adressée un de vos anciens collègues des impôts et domaines, vous seriez propriétaire de 1900 mètres carrés dans le domaine maritime protégé, de dizaines d’hectares à Cerf-volant et dans plusieurs autres sites. Les Sénégalais vous sauraient énormément gré, si, par souci de vérité et de transparence, vous leur déclariez votre patrimoine réel. Dans sa lettre votre collègue aurait écrit ceci « Les investigations, enquêtes et recherches menées ont permis d’identifier et de localiser preuves et documents à l’appui, des biens illicitement et frauduleusement acquis par faux et usages de faux. »

Monsieur le Premier ministre, Amadou Ba, objectivement, politiquement, scientifiquement, mathématiquement et moralement, vous ne pouvez pas dépasser, dans l’hypothèse la plus favorable, vingt pour cent lors de la prochaine présidentielle, alors dites et faites comprendre à vos partisans qu’ils n’essaient pas, alors pas du tout, comme par le passé, d’attendre nuitamment, aux heures de crime, pour inverser le verdict des urnes et proclamer une impossible victoire au premier tour. Le « Syndrome Aly Bongo » pourrait s’abattre sur le pays.

                        A bon entendeur salut.

Dakar le 23 janvier 2024.                    Boubacar SADIO

                                                Commissaire divisionnaire de

                                                  Police de cl exc à la retraite.  

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