La décision n°9/C/2023 du 14 décembre 2023 est un pas de plus pour la recevabilité de la candidature de monsieur Ousmane SONKO malgré le refus de l’Administration de lui délivrer ses fiches de parrainage et l’attestation de versement de la caution. En effet, le Conseil constitutionnel, fidèle à sa jurisprudence en la matière, vient d’affirmer qu’un constat d’huissier, établi après que le requérant ait accompli toutes les diligences utiles, peut remplacer le refus de l’administration de livrer des documents demandés. En l’espèce, les députés de l’opposition avaient saisi la juridiction constitutionnelle afin qu’il déclare contraire à la Constitution la loi de finances de 2024. Leur recours devrait être accompagné de deux copies de cette loi conformément à l’article 16 de la loi organique sur le CC. Cependant, selon les déclarations du député madame Daba WAGNANE, mandatée par le président du groupe parlementaire Birane Soulèye Diop, le SG de l’Assemblée nationale a refusé de donner une copie de la loi. Ce sont ces déclarations du député qui ont fait l’objet d’un PV de constat d’huissier. Pour le Conseil constitutionnel, le président du groupe parlementaire devrait saisir directement le SG du parlement directement. En cas de refus de ce dernier, établir un procès-verbal de constat d’huissier.
C’est la raison pour laquelle le recours a été déclaré irrecevable.
Toutefois, l’enseignement à tirer de la décision se trouve dans ces trois considérants (5, 6 et 7) :
« Considérant toutefois que la requête n’est pas accompagnée de deux copies du texte de loi attaqué; considérant que, pour justifier cette carence, les requérants ont joint à leur requête un procès-verbal de constat interpellatif d’huissier du 6 décembre 2023, dressé à la requête du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi (…), représenté par son président Birane Soulèye Diop, qui déclare qu’il a mandaté Madame DABA WAGNANE, député, laquelle « s’est présentée au SG de l’institution parlementaire pour obtenir une copie de la loi votée, en vain »; que le huissier instrumentaire ayant interrogé Madame Daba WAGNANE, cette dernière déclare ceci « le SG m’a répondu : la loi n’est pas encore promulguée »; Considérant qu’il ressort de cet acte que le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi, représenté par son président Birane Soulèye Diop, n’a pas interpellé les personnes habillées à délivrer les textes de loi et notamment le SG de l’institution parlementaire, mais plutôt madame Daba Wagnane; que les seules déclarations de cette dernière, consignées dans le procès-verbal d’huissier, ne peuvent établir que les requérants ont accompli les diligences utiles; »
On peut donc conclure que le refus de la CENA et celui de la CDC de délivrer, pour la première les fiches de parrainage et, pour la seconde, l’attestation de versement de la caution, ne sont pas un obstacle à la recevabilité de la candidature de monsieur Ousmane SONKO.Sauf infirmation de l’ordonnance du président du tribunal hors classe de Dakar par la Cour Suprême, ce qui semble peu probable, rien en droit (y compris le procès en cassation dans l’affaire Mame Baye Niang) ne peut empêcher la candidature de Ousmane SONKO.D’ailleurs, l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant la Cour Suprême oblige cette dernière à surseoir à statuer et de saisir le Conseil constitutionnel, seul habilité à se prononcer sur la constitutionnalité des lois. La Cour suprême avant de saisir le Conseil constitutionnel doit juste s’assurer que le recours est recevable devant elle et qu’elle est compétente pour se prononcer au fond (ce qui ressort des décisions Moussa OUATTARA et Demba MBAYE). Le Conseil constitutionnel a un mois pour se prononcer sur le fond (art. 17 de la loi organique 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au CC).
Dr Mamadou Salif Sané, Enseignant-chercheur droit public à l’UGB