«Il y a un manque de confiance et de dialogue entre les acteurs politiques»

par Dakar Matin

Installé dans la violence et les tensions depuis les événements de mars 2021, le processus électoral en vue de la présidentielle divise. Pour Babacar Guèye, cela s’explique par l’absence de confiance mutuelle au sein de la classe politique

A quelque mois de l’élection présidentielle de février 2024, le processus électoral continue de faire débat au Sénégal. Invité de l’émission Objection de Sud Fm hier, dimanche 3 décembre 2023, le Professeur Babacar Gueye, Président du Collectif des Associations de la Société Civile (COAS) est revenu sur les difficultés que rencontre le Code électoral actuellement. Selon le professeur, cela est dû à un manque de dialogue, de confiance de la part des acteurs politiques. Il s’est également prononcé sur certaines questions d’actualité.

«Le climat dans lequel ce processus électoral se déroule depuis 2022 qui vient après les évènements de mars 2021 qui se sont caractérisés par des violences, est particulier. C’est un processus qui est installé dans la violence, dans les tensions. Je ne me souviens pas d’avoir vécu un processus aussi difficile comme celui que nous sommes en train de vivre en ce moment. Difficile à cause de l’adversité, qui frise parfois l’animosité. Difficile également à cause des enjeux économiques de cette élection avec la découverte du pétrole et du gaz qui a suscité beaucoup d’envie et de traumatisme. Cela montre ensemble que nous avons un processus assez spécial à l’occasion de cette élection présidentielle de 2024  », a expliqué le Professeur Babacar Guèye. Poursuivant son propos, le président du COAS dira : « Ce qui fait défaut, c’est qu’il n’y a pas de confiance entre les acteurs politiques. Les acteurs politiques n’ont pas confiance les uns envers les autres. Aussi, vous ne pouvez de faire de démocratie sans démocrates. Parce que ce sont les démocrates qui font la démocratie. En fait, il y a des lacunes que nous avons constatées au sein même de la classe politique. Peut-être qu’il va falloir approfondir la réflexion pour qu’en sorte la politique soit regardée autrement que comme un moyen d’accéder à une rente financière ou à des postes de responsabilité. Ce qui dramatise l’enjeu des élections, c’est peut-être une absence de dialogue et de concertation entre les acteurs politiques ».

C’est ainsi, ajoute le professeur Guèye, parlant des fiches de parrainage de Sonko 2024  : « Lorsque cette affaire a éclaté, nous sommes allés voir la DGE pour comprendre pourquoi la décision du juge Sabassy Faye n’a pas été appliquée. Normalement, lorsqu’un juge prend une décision, cela est notifié au préfet, au gouverneur qui notifie à l’organe de gestion notamment la DAF. Puisque la DGE est soumise au ministère de l’Intérieur et quoi qu’il en soit, il faut que dans cette affaire, la décision du juge soit respectée. Etant donné que le recours n’était pas suspensif. Ainsi, nous avons écrit une déclaration pour constater la violation de la part de la DGE. Ensuite, lorsque la DGE a refusé d’obtempérer suite à l’injonction de la CENA. Nous sommes intervenus lorsque le Président de la République a pris le décret pour dissoudre complétement la CENA. Ce qui est une violation manifeste contre la loi », a fait savoir M. Guèye.

Manquements dans le parrainage

Par ailleurs, le professeur Guèye n’a pas manqué de déplorer les manquements qu’il y a dans le parrainage. « Ce qu’on peut déplorer, c’est le fait que pour ce parrainage-là, les cortèges soient bloqués par les forces de l’ordre. Ça, on peut le déplorer. Et cela est dû à une lacune dans la rédaction du Code électoral relativement au parrainage. Peut-être, il aurait fallu prévoir que durant ce parrainage, les candidats doivent avoir la possibilité de sillonner le pays pour recueillir des parrains. Malheureusement, comme cette disposition n’existe pas dans le Code électoral, c’est un manquement ».

Evoquant le cas Ousmane Sonko dans ce processus électoral, le Professeur Babacar Gueye a précisé : « nous n’avons pas fait d’appréciation sur ce cas en particulier. Mais nous avons constaté que la décision de Ziguinchor n’a pas été exécutée. Nous l’avons déploré et en le déplorant, nous parlons indirectement. Parce que nous ne voulons pas personnaliser le débat ». Cependant, le professeur pense que la candidature d’Ousmane Sonko est légale dans la mesure où sa condamnation n’est pas encore définitive. « Puisque aucune condamnation définitive ne pèse sur lui en ce moment. Donc, il a encore la possibilité d’être candidat. Par contre, si on voit les délais qui restent pour le parrainage, il va être difficile de matérialiser sa candidature », a-t-il déclaré.

Un processus électoral plombé par la judiciarisation de l’espace politique

Revenant par ailleurs sur le processus des élections, Cependant, le Pr Guèye affirmera : « Le constat qu’on peut faire, c’est que ce processus électoral a été marqué par une tension politique persistance, marqué par une judiciarisation de la politique qui, finalement, porte préjudice aux débats sur les programmes. On n’a pas pu avoir de véritables débats programmatiques durant toute cette période. A cause d’une judiciarisation excessive de la politique. Justement, ces enjeux notamment, économiques autant que financiers devraient favoriser le débat programmatique. Comment les uns et les autres vont se comporter lorsque le Sénégal commencera à exploiter son gaz et son pétrole  ? Nous aurions aimé entendre les candidats sur ces questions-là. Qu’il y ait des débats entre les candidats sur ces questions. Mais tout cela n’a pas été possible à cause de cette judiciarisation qui a complètement parasité l’espace politique ». Sur ce, poursuit le Professeur Guèye, « Depuis 2007, nous revendiquons qu’on aille vers la mise en place d’un organe indépendant pour organiser des élections. Malheureusement, les régimes qui se sont succédé ne nous ont pas écoutés. Nous estimons que c’est la meilleure manière de crédibiliser les élections, c’est faire en sorte que tous les acteurs acceptent le verdict des urnes », a-t-il souligné.

Barthelemy COLY

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