Après environ douze ans d’exercice du pouvoir, le bilan de l’actuel chef de l’Etat, Macky Sall, dans le domaine de la gouvernance politique et démocratique se distingue de loin, par rapport à celui de ses trois prédécesseurs (Senghor, Diouf et Wade), par des entorses à la loi, le non-respect des décisions de justice défavorables au pouvoir. Nonobstant ses multiples réalisations dans le domaine des infrastructures (routières, maritimes, aériennes, sanitaires, scolaires…), le magistère de l’actuel chef de l’Etat a été fortement marqué par une difficile cohabitation avec l’Etat de droit.
Arrivé au pouvoir au terme du second tour de l’élection présidentielle de 2012, le président Macky Sall, comme ses trois prédécesseurs, a juré, «devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, de remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles…» Aujourd’hui, après environ douze ans d’exercice du pouvoir, le bilan de l’actuel chef de l’Etat notamment dans le domaine la gouvernance politique et démocratique semble remettre fortement en question ces engagements constitutionnels. En effet, nonobstant ses multiples réalisations dans le domaine des infrastructures (routières, maritimes, aériennes, sanitaires, scolaires…), l’actuel chef de l’Etat ne cesse de poser des actes «autoritaires» de nature en remettre fortement en question la réputation du Sénégal, longtemps présenté comme une «vitrine de la démocratie» dans la sous-région ouest africaine. Et ce, en ne se fixant aucune limite dans sa traque aux opposants, qu’il s’est justement promis de réduire à leur «strict expressions», contrairement à ces prédécesseurs.
La preuve, dans le cadre des batailles politico-juridiques avec ses opposants, l’actuel chef de l’Etat, malgré ses déclarations du genre «force restera à la loi», s’est toujours apposé à se plier aux dispositions de la loi ou des décisions de justice favorable à ces derniers (opposants), au détriment de l’Etat de droit. L’on peut ainsi citer, entre autres, les décisions rendues par la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le 31 mars 2022, ordonnant à l’Etat du Sénégal d’abroger «l’arrêté Ousmane Ngom», adopté en 2011 par le régime libéral du président Abdoulaye Wade et qui interdit des manifestations au centre-ville Dakar. Toujours concernant les décisions de la Cour de justice de la Cedeao rangées dans les placards, par le régime du président Macky Sall, nous pouvons également citer l’injonction à «supprimer le système du parrainages électoral» dans six mois, donnée par la Cour en avril 2021, suite à sa saisine par le parti Union sociale libérale (USL) de l’avocat Me Abdoulaye Tine. Mais il y a aussi la décision rendue par cette même Cour de justice de la Cedeao, en 2017, dans l’affaire Khalifa Ababacar Sall-Etat du Sénégal.
CAS D’ÉCOLE AU NIVEAU NATIONAL, EN DEHORS DES DECISIONS DE LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO
Durant environ douze ans d’exercice du pouvoir, l’actuel chef de l’Etat et son régime ne se sont pas seulement illustrés dans leur refus d’appliquer les décisions justice rendues par ces institutions juridiques internationales dont le Sénégal est partie. Au niveau national, le magistère de l’actuel président de la République a été également fortement marqué par des actes de défaillance à l’égard des dispositions constitutionnelles mais aussi des décisions de justice. Pami les cas, nous pouvons citer la violation manifeste de l’immunité parlementaire de Khalifa Ababacar Sall, en 2017. Aujourd’hui, c’est le leader de l’ex-Pastef et maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko, qui paie les frais de ce refus «d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles…».
Outre le domaine de la gouvernance politique et démocratique, les douze ans de règne de l’actuel chef de l’Etat ont été également marqués par une politique de reddition des comptes et de transparence dans la gestion des deniers publics à géométrie variable. La preuve, depuis son accession au pouvoir, aucun rapport d’un Corps de contrôle public concernant les malversations orchestrées par des ministres et autres directeurs généraux n’a fait l’objet de traitement judiciaire. En attestent les affaires liées au Programme des Domaines agricoles communautaires (Prodac), au Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), aux 94 milliards…, pour ne citer que ces scandales-là. Sans parler du dernier rapport de la Cour des comptes sur la gestion du Fonds «Force Covid-19» du Programme de Résilience économique et sociale (PRES) mis en place dans le cadre de résilience à la pandémie du Coronavirus, présume-t-on. Dans l’actuelle équipe gouvernementale du Premier ministre, Amadou Ba, plusieurs ministres dont la gestion des deniers publics a été fortement mise en cause par des organes de contrôle de l’Etat se pavanent librement. Et certains vont même jusqu’à mener des campagnes de dénigrement à l’encontre de ces organes de contrôle, en essayant de jeter le discrédit sur leurs membres, dans les médias. Le comble !
Nando Cabral GOMIS