I / Le Tribunal d’Instance de Ziguinchor est-il compétent pour juger l’affaire.
A cette question, le juge de Ziguinchor a répondu par l’affirmative en invoquant les dispositions des articles L32, L33 du Code électoral qui lui ont permis de conclure qu’« en matière électorale, la personne est domiciliée au lieu de son principal établissement et pour son activité professionnelle, au lieu où elle exerce celle-ci alors que la résidence s’entend comme le lieu d’habitation effective et durable dans la commune ; que les articles L32 et L33 de ce texte précisent que l’on ne s’inscrit qu’une seule fois sur une seule liste électorale
d’une seule commune . Ainsi, le critère de compétence en matière électorale est le lieu d’inscription de l’électeur.
Si on analyse bien la question, on se rend compte aisément que le juge de Ziguinchor a raison de retenir sa compétence en ce sens que ce problème s’est déjà posé dans l’affaire Karim Meïssa Wade contre Etat du Sénégal et la Tribunal d’Instance Hors Classe de Dakar, dans son ordonnance no 470 du 23 juillet 2018, retenu le lieu d’inscription de l’électeur comme critère essentiel de compétence territoriale. Cette décision a été confirmée par la Cour Suprême dans son arrêt n0 49 du 30 août 2018 en ces termes « Considérant que Karim Meïssa Wade fait grief au président du T.I de s’être déclaré incompétent alors que l’article L45 du Code électoral a prévu une compétence matérielle du tribunal d’instance et le tribunal compétent est celui du domicile du demandeur ;
Mais considérant que le président du TI qui a d’abord invoqué
les dispositions du Code électoral et du décret portant révision exceptionnelle
des listes électorales pour en déduire que « le législateur électoral a entendu retenir comme critère de compétence territoriale le lieu d’inscription de l’électeur » puis, a énoncé que « le président du tribunal d’instance ne saurait, en l’absence d’une attribution légale de compétence univoque, retenir sa compétence en ce
qui concerne le contentieux de l’inscription sur les listes électorales les représentations consulaires ou diplomatiques », a fait l’exacte application de la loi ».
Qu’il s’ensuive que le moyen doit être rejeté.
Conclusion
Donc, la Cour suprême elle-même a tranché ce débat depuis 2018.
II/ Est-ce que la signification faite par l’huissier pour informer Ousmane Sonko de sa radiation sur les listes électorales est régulière.
Pour répondre à cette question, le juge de Ziguinchor a considéré que la signification n’a pas été régulière parce qu’« il résulte du récépissé de la poste que la lettre recommandée tendant à aviser monsieur Ousmane Sonko du dépôt fait à la sous-préfecture de Dakar-Plateau a été adressée à la Cité Keur Gorgui Mermoz Dakar alors que, selon les propres déclarations de l’huissier, c’est à cause du défaut d’autorisation du greffe de la prison de Sébikhotane qu’il n’a pu accéder à Ousmane Sonko .
Pourtant, l’huissier de justice chargé de notifier un acte à une personne doit se rendre au dernier domicile connu de la personne pour lui remettre l’acte. Si la personne concernée s’y trouve, l’acte lui est remis personnellement. Si elle est absente, l’huissier peut remettre l’acte à un tiers présent au domicile s’il l’accepte, et, si le destinataire n’y demeure plus, il devra se présenter à la nouvelle adresse s’il l’obtient, et en tout lieu où il peut rencontrer le destinataire (sur le lieu de travail, à l’hôpital ou à la maison d’arrêt)
Conclusion
La signification d’huissier n’a pas été faite régulièrement
III/ Est-ce que la radiation de Ousmane Sonko des listes électorales est régulière.
Le juge de Ziguinchor a retenu « qu’il résulte de l’article 312 du code de procédure pénale qu’« à partir de l’accomplissement des mesures de publicité prescrites par l’article 311 du même code, le condamné est frappé de toutes les déchéances prévues par la loi …
En fait, l’article 311 susvisé prévoit que « l’extrait de la décision de condamnation est, dans le plus bref délai, à la diligence du Ministère public, inséré dans l’un des journaux de la République.
Il est affiché en outre à la porte du dernier domicile du condamné, à la porte de la mairie de sa commune ou à la porte des bureaux de son arrondissement ou de l’arrondissement ou le crime a été commis et au tableau d’affichage du tribunal de grande instance.
Pareil extrait est adressé au représentant du service des domaines du domicile du contumax ».
Et pour le juge, aucune preuve de ces formalités qui permettent d’appliquer la déchéance n’a été versée à la procédure. Ainsi, la mesure de radiation du nom de Ousmane Sonko des listes électorales est irrégulière et sa requête est donc juste et fondée.
Conclusion
Pour écarter l’état de contumace de Ousmane Sonko, le président du tribunal d’instance de Ziguinchor s’est fondé sur la violation de la loi quant aux formalité de publicité. En effet, l’article 312 du code de procédure pénale dispose « A partir de l’accomplissement des mesures de publicité prescrites par l’article précédent, le condamné est frappé de toutes les déchéances prévues par la loi.
Donc, pour que la déchéance puisse frapper le contumax, il faut que les formalités de publicité soient accomplies dans les formes et délai prévus par la loi, ce qui ne semble pas le cas en l’espèce.