Le Président de la République, Macky Sall a repris ses tournées dites économiques ponctuées par des promesses d’investissements à coût de milliards de F CFA et d’autres inaugurations. S’il y a une volonté manifeste de donner un coup de puce à son «candidat de cœur», en perspective de l’élection présidentielle du 25 février 2024, Amadou Bâ, ces tournées cachent aussi une stratégie de polir son image écornée par des affaires politico-judicaires. C’est la conviction de l’expert en communication politique, Momar Thiam qui s’est entretenu avec Sud Quotidien.
Quelle appréciation faites-vous des tournées dites économiques du président de la République à quelques mois seulement de la fin de son mandat ?
Les tournées dites économiques du président de la République, Macky Sall peuvent être appréciées de différentes manières. Evidemment, le président Wade, qui avait initié cela à partir de 2007-2010 après être réélu pour un second mandat, avait donné l’impression qu’à travers ces tournées économiques et la liesse populaire qui s’en est suivie, d’être plutôt dans une démarche communicationnelle, peut-être pour jauger sa popularité. Donc, on peut dire dans un premier temps que cette tournée économique effectivement, c’est pour jeter un projecteur sur une région, sur une ville ou sur un département, à travers la présence du président de la République, avec la mobilisation des services de l’Etat. Jeter ce coup de projecteur, c’est aussi parler justement des besoins de ces régions ou de ses départements mais surtout, des réalisations du gouvernement à travers le président de la République ou vice-versa dans ces régions-là. C’est à ce titre que ces tournées-là sont appréciées dans un second temps comme des campagnes de communications déguisées. Parce que si vous regardez bien le traitement qui est fait par la presse en général, autour de ces tournées économiques, c’est pour dire que le président est venu pour justement s’enquérir de l’état de la situation de ces régions ou départements, mettre sur le table ou rappeler toutes les réalisations à travers des programmes de développement que le gouvernement a initié avec la volonté du président de la République et surtout, parler des réalisations qui ont été faites jusque-là».
Chapelet de réalisations
«Donc, il y a un chapelet de réalisations qui est égrené à chaque fois que le président de la République vient faire ses tournées économiques et en profite. Surtout, on va dire une coïncidence organisée entre guillemet dans le cadre le cas de Kédougou, inauguré l’aéroport de Kédougou ou quelque fois inaugurer des œuvres gigantesques que son gouvernement a réalisé dans ces endroits-là. Et, c’est une manière aussi pour dire que nous avons travaillé pour vous et que nous avons tenu nos engagements, il faut nous renvoyer la balle pendant les élections.
C’est d’ailleurs, là où quelque fois, on a un petit peu de soucis d’interprétation de cette manière de communiquer, puisque qu’à chaque fois, que le président se déplace dans le cadre de ce qu’ils appellent des tournées économiques, on annonce souvent des enveloppements à coût de milliards pour justement réaliser ou faire de grandes choses dans ces régions et après on a l’impression qu’après cela, il y a que des effets d’annonces et que derrière il n’y a pas d’évaluation pour dire qu’est-ce qui a été fait, il n’y a pas un diagnostic de l’existant.
A partir du moment où le président de la République est confronté à un agenda qui veut qu’il doit quitter le pouvoir le 2 avril 2024 et qu’il y a une élection à laquelle il ne participera pas et qu’il a un candidat. C’est une manière aussi dans l’analyse d’entrevoir non seulement une campagne électorale déguisée, mais une manière de remobiliser les troupes dans ces régions-là ou dans ces départements-là, pour dire effectivement, je m’en vais, je suis venu constater tout ce que j’ai entrepris et que j’avais demandé au gouvernement de faire, et en plus de cela j’ai un candidat, la majorité a un candidat et qu’il faudra continuer dans cette dynamique-là, avec ce candidat-là. C’est la raison pour laquelle, Amadou Ba, candidat désigné de Benno Bokk Yaakaar à travers l’aval du président de la République, disait qu’il va s’inscrire dans la continuité.
Mais il faut dire aussi une chose. Si à partir du moment où le président fait ses tournées dites économiques et que dans ses tournées, il n’est pas accompagné par le candidat choisi par lui-même avec l’aval de Benno Bokk Yaakaar, c’est peut être aussi quelque chose qui interpelle pour dire, mais finalement, est-ce qu’il fait pour le candidat ou il le fait pour lui. »
Justement, comment jugez-vous les promesses du Président de la République à coût de milliards alors qu’il quitte le pouvoir le 2 avril 2024 ? Quelle garantie peut-il avoir que son successeur va respecter de tels engagements ?
Je suis tout à fait fonder à dire qu’effectivement, on annonce des réalisations futures à coût de milliards, mais malheureusement, derrière il n’y a pas une évaluation qui est faite pour voir est-ce que ces milliards-là annoncés ont été mis sur la table et qu’est-ce qui a été réalisé avec. S’il fait ces promesses-là et que ces promesses sont inférées dans ce que l’on appelle la continuité des affaires publiques effectivement son successeur demain n’est pas tenu forcément de suivre cette démarche pour le développement économique. Sauf si le candidat qu’il a choisi, s’inscrit dans la continuité.
D’aucuns estiment que le Chef de l’état chercherait juste à polir son image qui a été écornée dans des affaires judiciaires et des libertés ? Et qu’il chercherait à sortir par la grande porte ? Êtes-vous de cet avis ?
«Effectivement l’image qu’on a du président de la République compte tenu des affaires judiciaires, des affaires de mal gouvernance etc., est une image un tout petit écornée de l’opinion publique, peut-être qu’au niveau de l’opinion nationale l’image est autre. Il cherche peut-être aussi à dire au revoir aux populations, une manière de jouer de sa proximité avec ces populations-là, à travers ses tournées. Mais c’est aussi une manière effectivement pas forcément de sortir de la grande porte, parce que ça c’est l’histoire qui nous le dira, parce qu’on jugera demain, une fois qu’il ne sera plus là, notre jugement sera plus exhaustif par rapport à son œuvre à la tête de ce pays. Mais, il chercherait aussi effectivement à jouer d’une proximité relationnelle pour être celui qui demain, pourrait bénéficier quelque part de la bienveillance des populations. Et que ça permettrait un petit peu à assouplir son image ternie par les affaires judiciaires, ces affaires de mal gouvernance mais ça c’est l’avenir qui nous le dira.
Recueillis par Ousmane GOUDIABY