J’ai été convoqué par le Président de la Cour suprême du Sénégal à une audience, ce vendredi 17 novembre 2023, qui déterminera la possibilité pour M. Ousmane SONKO de se présenter à l’élection présidentielle de février 2024. M. SONKO est le principal opposant du pouvoir en place et de la Françafrique. Un homme qui veut libérer son peuple de ses chaines. Fin du Franc CFA, des bases militaires et des accords de coopération, resouverainisation des ressources halieutiques et hydrocarbures, fin de l’immigration massive… Il est l’homme politique le plus populaire et espéré du Sénégal. Il vient d’être transféré en prison. Il m’a demandé de l’assister et de me rendre à ses côtés. Cette audience, à trois mois des élections, devant la plus haute juridiction du pays, lie un destin à celui d’un peuple entier. Les autorités françaises, qui vient de sceller un pacte avec le Président sortant en lui offrant l’immunité, suite aux poursuites que nous avions entamées à son encontre pour crimes contre l’humanité, renvoie sans s’engager vers les autorités locales, tout en autorisant mon déplacement. Ces mêmes autorités m’ont fait arrêter et emprisonner il y a trois mois dans d’anciennes écuries où 3000 prisonniers sont entassées. Le Président de la plus puissante Cour de ce pays m’invite désormais à venir plaider. A travers cette convocation, la capacité pour le Président de la Cour suprême de s’assurer du respect de son autorité. Sa légitimité. Cette audience vient après massacres, meurtres, tortures et privations arbitraires de liberté qui ont frappé des milliers de sénégalais. Elle vient en un pays plongé dans la mort, où les universités demeurent encore aujourd’hui fermées, six mois après les faits, par peur d’une jeunesse qui menace à tout instant de se réveiller. Jour après jour, des centaines de sénégalais prennent mer et pirogues pour nos terres, désespérés, faute de devenir et d’alternatives à construire, lassés par la violence que ce pouvoir ne cesse d’enfanter. M. SONKO a été comme moi enlevé, arrêté et placé en détention, pour s’y être opposé. A Dakar et ailleurs, des mobilisations massives se préparent pour l’assurer du soutien du peuple, exiger que justice soit dite, que la souveraineté du peuple sénégalais soit respectée. Des mobilisations massives pour dire: nous sommes, avons été, et demeurerons à vos côtés. Que peut le droit dans tout ça ? Tout. Ou rien. Notre gouvernement voit avec anxiété la situation se développer. Il voit s’effilocher le dernier lien avarié qui, sur le continent, lui aura permis, des siècles durant, de piller, esclavagiser, exproprier. Violer. Il voit avec anxiété s’allier deux de ses plus féroces opposants qu’il pensait éliminés, en tremblant au point de chercher à m’interdire de sortie du territoire en un premier temps, avant de reculer. Enfermer en ses terres l’un de ses ressortissants. Plutôt que de le laisser aller à la vie, plaider contre la mort qu’il a semée. Ce gouvernement, notre
Me Juan Branco annonce sa présence à l’audience du 17 novembre
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gouvernement, qui accompagne d’une main la répression politique au Sénégal, félicitant et promouvant ses dirigeants, multiplie d’une autre les mesures visant à entraver ses oppositions et ceux qui sont chargés de les représenter. Certains de ses membres nourrissent une haine et une fixation obsessionnelle, compréhensible, à mon égard, qui les ait exposés, multipliant entraves, calomnies, vexations et humiliations pour isoler et réduire, masquant mal les difficultés qu’il éprouve, au point où, encore récemment, l’un de ses plus puissants impétrants, ministre de son Etat, devait être dépêché sur la plus puissante chaine de télévision du pays pour tenter de m’ériger, dix longues minutes durant, en premier harceleur de la nation, instrumentalisant des épisodes adolescents pour se victimiser pitoyablement. Les porteurs de fange tentent irrémédiablement de souiller quiconque a le malheur de les exposer dans leur crue nudité. Nous sommes pris en une lutte pour la vie. Nos États de droit se sont effondrés consorts, ici et là-bas, de sorte que le piège se trouve tant ici que là-bas. De sorte que des avocats ont à risquer vie et liberté pour exercer leur métier. Là bas, au Sénégal, des corps tiennent droit, et s’apprêtent une nouvelle fois, une dernière fois, à rugir et se lever pour réclamer liberté et souveraineté. Ces êtres me réclament à leurs côtés, pour porter leur voix en cette enceinte dont ils seront tenus écartés. Je tiens à prévenir le gouvernement français qu’il sera tenu responsable de tout incident qui pourrait m’y arriver. Derrière moi se trouvent bien des êtres prêts à poursuivre le chemin que nous avons entamé, et qui demanderont compte. Et qui s’assureront qu’il n’y ait aucune impunité. Au Sénégal, on me réclame pour exercer mon métier. J’irai, pour défendre ceux qui se battent pour leur liberté, leur dignité, et leur souveraineté.