Depuis plusieurs semaines déjà le gouvernement sénégalais est en «tournées économiques», qualifiée de précampagne par ses détracteurs
Pendant ce temps, les vrais enjeux de développement tels que l’éducation nationale et l’enseignement supérieur, l’économie de rente, entre autres, sont occultés au profit de nouveaux engagements en programmes à coût de milliards de francs CFA.
Lancées en 2014 par le président de la République, Macky Sall, dans le Nord du pays (Saint-Louis), les tournées économiques se veulent une opportunité d’apprécier les réalisations d’infrastructures et d’équipements socioéconomiques de base à travers les projets et programmes de développement communautaires et d’équité sociale et territoriale (PUDC, PUMA et PROMOVILLES), s’appuyant sur l’électrification rurale, l’hydraulique, les équipements de santé et scolaires, entre autres. C’est aussi l’occasion pour le chef de l’Etat de faire nourrir l’espoir d’un avenir plus radieux à ces populations en les promettant davantage d’avantages.
De 2014 à nos jours, et à plusieurs reprises, le président Macky Sall est allé rencontrer ces mêmes populations pour entretenir les «mêmes promesses» notamment lors des Conseils présidentiels suivis de Conseils des ministres décentralisés/délocalisés dans les capitales régionales, des tournées économiques souvent au relent de campagnes électorales. Dans toutes ces localités, des investissements à coût de milliards ont été annoncés. Et dans bien des cas, ces engagements politiques ont donné des résultats qui tapent à l’œil dans les différentes localités du pays, singulièrement à Dakar où on note des réalisations comme les autoponts, le Train express régional (Ter), le Bus rapid transit (Brt), l’autoroute Ila Touba… Du Nord au Sud, en passant par le Centre, l’Est et l’Ouest du pays, des infrastructures ont été réalisées ou en cours de réalisation. Mais, aujourd’hui, toutes ces réalisations semblent ne pas suffire pour emballer les populations, au point que le président de la République en personne soit amené à faire une «précampagne déguisée» sous le sceau de «Tournées économiques». Tout ceci, en renfort à son candidat et non moins Premier ministre, afin qu’il puisse prendre une large avance sur ses potentiels concurrents (adversaires) en lice pour la présidentielle de février 2024.
En tournée économique, depuis le 28 octobre dernier, dans la région de Thiès, puis dans le Nord, le Premier ministre, Amadou Ba, peut compter sur le renfort de son mentor (le président Macky Sall) qui s’est engagé à descendre sur le terrain pour lui. A Kédougou, où a démarré ce périple qui le conduira dans plusieurs régions, le chef de l’Etat s’est félicité du travail fait sous son magistère. Il a, à nouveau, promis à cette région un programme de 600 milliards de francs CFA, pour les trois prochaines années (2024- 2026).
Par la même occasion, lors du Conseil présidentiel territorialisé, il a fait savoir qu’entre 2014 et 2023, «le volume des investissements réalisés par l’Etat dans la région s’élève à 228 milliards 835 millions 708 mille 343 francs CFA. Ce qui correspond à un niveau d’exécution de 222,9% par rapport aux engagements initiaux». Pour s’en convaincre, il dit ceci : «En 2014, précisément le 16 avril, lors de la tenue du Conseil des ministres délocalisé, le coût des besoins en projets exprimés et présenté au Conseil, s’élevait à 192 milliards 820 millions 061 mille 315 francs CFA. A l’époque, le gouvernement s’était engagé à réaliser un ensemble de projets d’un montant de 109 milliards 600 millions de francs CFA, soit 56, 8% des besoins de la région répartis selon les trois axes du PSE»
Dans les jours à venir, le chef de l’Etat effectuera la même tournée économique dans les régions de Kaffrine, Kaolack et Fatick. Là aussi, des promesses à coût de milliards ne manqueront certainement pas. Tous ces déplacements coûtent lourdement au contribuable sénégalais. Du carburant, des hôtels, la restauration, la mobilisation de l’administration, tout ceci sur le dos des Sénégalais et pèse lourd sur l’économie nationale qui en berne. Les vrais enjeux sont occultés, au profit de la politique. Si cette dynamique dénommée tournée économique se poursuit jusqu’à l’ouverture de la campagne présidentielle, il n’est pas sans craindre de voir l’économie en pâtir.
Jean Pierre MALOU