Crise économique, appauvrissement des populations, tension politique… Au Sénégal, les maux s’accumulent et jettent des milliers de personnes à l’exil. Vers les Canaries, ils fuient un pays où démocratie et opportunités reculent
Depuis l’été 2022, le phénomène migratoire entre le Sénégal et l’archipel espagnol des Canaries connaît une recrudescence sans précédent. D’après un reportage du quotidien français La Croix publié le 6 novembre dernier, les départs clandestins en pirogue depuis les côtes sénégalaises vers les îles espagnoles se sont massivement intensifiés ces derniers mois.
Cette nouvelle vague migratoire trouve son origine dans la profonde crise que traverse le secteur de la pêche artisanale au Sénégal, pilier économique employant 15% de la population. « La mauvaise gestion des ressources halieutiques et la surpêche industrielle étrangère ont vidé progressivement les eaux sénégalaises de leurs ressources », explique Aliou Ba de l’ONG Greenpeace.
Conséquence, de nombreux pêcheurs n’ont d’autre choix que de se reconvertir dans l’organisation des traversées migratoires par désespoir. C’est le cas de Lamp, capitaine d’une embarcation de 70 passagers âgé de 40 ans. « Pêcher n’est plus rentable, émigrer est devenu une nécessité pour subvenir à mes besoins et à ceux de mes 4 enfants », témoigne-t-il.
Au-delà de la communauté des pêcheurs sinistrée, c’est tout le pays qui subit de plein fouet une triple crise économique, sociale et politique aggravée par la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine. Le chômage des jeunes diplômés explose tandis que le pouvoir d’achat des ménages s’effondre. Dans ce contexte, de plus en plus de profils divers tentent leur chance sur la route migratoire, dont des femmes, des enfants et même des travailleurs en quête d’opportunités.
Selon les chiffres officiels du gouvernement espagnol, avec 23 537 arrivées recensées entre janvier et octobre 2023, soit 79% de plus qu’en 2022 à la même période, les Canaries traversent la pire crise migratoire de leur histoire récente. Pire encore, des ONG dénoncent régulièrement des naufrages meurtriers dans l’Atlantique dont les bilans humains sont inconnus.
Mais face à l’ampleur du phénomène, les autorités sénégalaises peinent à endiguer les départs, tandis que les passeurs profitent de la détresse sociale pour développer un véritable trafic organisé. Entre corruption, surpêche étrangère et crise multidimensionnelle, la route migratoire des Canaries risque de devenir l’une des plus mortelles au monde si rien n’est fait pour offrir un avenir aux jeunes du Sénégal.
Brice Folarinwa de SenePlus