Un gouvernement « de missions et de combats » pour la continuité d’un système qui a fait faillite !
Le gouvernement Macky Sall/Amadou Ba2/APR/BBY vient de monter sur scène et s’inscrit, pour une durée de vie de six mois, dans une continuité périlleuse, en tant que « gouvernement de missions et de combats » autour des quatre priorités suivantes : i)une bonne organisation de l’élection présidentielle du 25 février 2024 ; ii)une prise en charge des urgences économiques et sociales ; iii)un fonctionnement adéquat des services publics ; iv)la finalisation des projets prioritaires du chef de l’Etat et le déploiement du plan d’actions prioritaires du Plan Sénégal émergent /PAP3.
Pure hypocrisie en vérité, avec cette volonté affichée de piper les dés d’avance à travers un système de parrainage au contrôle nébuleux, un fichier électoral connu et détenu par le seul pouvoir, un MINT et une DGE ouvertement partisans, chargés d’organiser l’élection, sans parler des tentatives d’exclusion arbitraire et à tout prix du candidat Ousmane Sonko, leader de Pastef-Les Patriotes et chef reconnu de l’opposition. Par ailleurs, à quoi sert une « croissance » dont ne se satisfont que le FMI et la BM, loin des réalités vécues par nos braves populations des villes et des campagnes ? La hausse impitoyable et vertigineuse de tous les prix, les vagues incessantes de migrations dites irrégulières en direction de l’Europe et de l’Amérique, avec à presque tous les coups leurs lots de morts dans les flots des océans, les sables des déserts et sur les divers chemins vers un illusoire Eldorado, ne suffisent-elles pas comme preuves des échecs amers des politiques publiques du pouvoir Sall/Ba/ APR/BBY, qui ont fait perdre à nos jeunesses, couche la plus dynamique de notre pays et de notre continent, tout espoir de vie décente et digne sur leurs propres terres, pourtant si pourvues par la nature de richesses immenses en tous genres ?
Dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’enseignement supérieur et des collectivités territoriales, à chacun suffit sa peine, pourrait-on dire. La dernière illustration en est la grève sans cesse renouvelée depuis plusieurs mois, des agents des collectivités territoriales, sans parler des menaces de perturbations, par les syndicats d’enseignants, de l’année scolaire et universitaire à peine démarrée, cela du fait de la persistance d’engagements signés mais non respectés par le régime en place.
Plus fondamentalement, douze longues années de PSE n’ont réussi qu’à enfoncer le Sénégal dans le groupe des 25 pays les plus pauvres au monde, avec une dépendance accrue vis-à-vis de l’extérieur, un cartel de milliardaires enrichis illicites face à des montagnes de misère et de pauvreté entassées dans nos villes comme dans nos campagnes. A ce train, l’exploitation en ligne de mire du pétrole et du gaz n’y changera pas grand-chose, ces ressources aussitôt découvertes étant déjà largement vendangées et bradées au profit de nos autocrates prédateurs et de leurs maîtres impérialistes, selon leur logique du ‘’festin de l’hyène’’ ou séddëleb bukki !
Voilà qui pose de plus en plus nettement l’exigence de mettre en œuvre un authentique Plan Sénégal Indépendant (PSI) comme alternative, dans la perspective d’une Afrique souveraine, unie, libre et prospère. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons disposer, non pas d’une éphémère équipe nawetaan de campagne électorale autour d’un Premier ministre candidat, maintenu à son poste pour pouvoir user à souhait des moyens de l’Etat, mais bien d’un gouvernement capable de remplir ses missions, de relever les défis et de remporter les grands combats conformes aux attentes de nos compatriotes, de notre jeunesse en particulier.
Le système, sa Justice et ‘’l’exception de Ziguinchor’’ qui confirme la règle
Tout d’abord, il n’est pas inutile de rappeler ici les recommandations formulées par le vénéré guide Cheikh Ahmadou Bamba Mbacke dans une lettre adressée à Samba Laobé Fall, dernier Damel du Cayor (1883-1886), l’exhortant à ne jamais tomber dans la tyrannie et l’injustice car « tout homme injuste le regrettera un jour» et « tout tyran assurera sa propre perte ».
Qui ose aujourd’hui vanter sans frémir le « Sénégal de la bonne gouvernance et des droits de l’homme » ? Un complot n’est jamais parfait, a-t-on l’habitude de dire, et bien souvent le grain de sable qui fait dérailler la machine bien huilée du Tyran, surgit là où l’on s’y attend le moins ! Qui aurait imaginé « la main de Dieu » dans l’affectation-sanction, au tribunal d’instance de Ziguinchor, du juge Sabassy Faye ? N’existerait-il pas quelque part une forme de justice immanente volant au secours des Hommes justes et clouant au pilori les Princes tyranniques ? Le juge Faye a su rester inébranlable : avec courage, probité morale et en fidélité à son serment, il a simplement dit le droit, ordonnant au ministre de l’Intérieur et à sa DGE de procéder immédiatement à l’annulation de la radiation d’Ousmane Sonko des listes électorales et par conséquent, de remettre ses fiches de parrainage à son mandataire.
Cette décision, somme toute normale et ordinaire dans tout État de droit digne de ce nom, a été accueillie avec à la fois un énorme soulagement et une grande surprise par les populations sénégalaises, plutôt habituées en l’espèce, à des verdicts de politique politicienne émanant d’une justice aux ordres. Craignant peut-être une seconde défaite qui pourrait apparaitre alors comme une humiliation, l’agent judiciaire de l’État a choisi in extremis de se désister en renonçant à poursuivre son recours devant la Cour d’appel de Ziguinchor, le système préférant sans doute miser sur l’audience du 26 octobre de la Cour Suprême, portant sur « l’affaire Mbaye Prodac ».
En effet, le système reste le système, en tant qu’ensemble organisé de relations et d’interrelations, expression d’un pouvoir au service d’intérêts déterminés, s’exerçant à travers des démembrements fonctionnels en termes d’Exécutif, de législatif et de judiciaire, avec son administration, son commandement territorial, ses gouverneurs, préfets et sous-préfets convertis en acteurs partisans, ses lois, règlements et institutions, ses organes répressifs, militaires et sécuritaires, son socle social, culturel et idéologique, ses mécanismes de reproduction et de perpétuation (CF ma contribution : Sonko, la désobéissance civique et l’antisystème, in SenePlus.com du 19 mai 2023).
Voilà pourquoi, quand l’opinion en arrive à souhaiter que l’exception devienne la règle, ou qu’une seule hirondelle suffise à faire le printemps, c’est là le signe irréfutable que le système est pourri et qu’il urge de le dessoucher ! Et dans ce cadre, à l’intérieur du système, des acteurs individuels armés de leur conscience, de leur probité et éthique de responsabilité, servent souvent d’éclaireurs, à l’exemple tout frais du Juge Sabassy Faye, ou juste quelques jours avant lui, de l‘Avocat général près la Cour Suprême Mme Marième Gueye Diop. A y regarder d’ailleurs de plus près, bien souvent ce type de postures n’est point de circonstance, il relève plutôt de toute une trajectoire, toute une éducation qui forgent l’âme de la personne : du tandale, jikko la !
L’UMS a eu à recadrer l’agent judiciaire de l’État, mais le système reste le système et il s’octroie toujours les moyens « légaux », surtout dans nos ‘’démocraties arachidières ou bananières’’, de faire bloquer, saboter ou remettre en cause les décisions de justice prononcées en sa défaveur. Les moments des tournants décisifs ou des choix clairs agissent bien souvent comme des révélateurs chimiques : les diables et les diablotins sortent de leurs boites, apparaissant au grand jour ; les rats quittent le navire ; les militant-e-s authentiques des causes justes assument leur éthique de responsabilité, d’abord personnelle puis collective, en fidélité à un choix libre et volontaire, porté par un engagement solidaire autour d’un idéal commun.
A présent, le constat est fait : le pouvoir ne peut plus diriger comme avant, et le peuple n’accepte plus d’être dirigé comme avant : seule la résistance populaire, légitime et diversifiée en marche, arrivera à inverser les rapports de forces, à créer les conditions nécessaires jusqu’à faire basculer des pans entiers du système en place dans le camp de ‘’l’antisystème’’, le camp de l’alternative populaire. Organiser et réussir, à travers le parrainage citoyen, le plébiscite de la candidature de Sonko, participe de cette résistance et de cette marche vers la victoire finale, dans l’engagement, la détermination et la solidarité.
Madieye Mbodj est Professeur de Lettres à la retraite.