Alors qu’il s’apprête à quitter le pouvoir en 2024, le président sénégalais doit composer avec une situation financière tendue. Parmi les difficultés rencontrées figure un important besoin de liquidités, qui pousse l’Etat à s’endetter à l’international à des taux particulièrement élevés.
La manœuvre a été exécutée en toute discrétion, à la fin du mois d’avril. L’Etat sénégalais a confié un mandat à un pool de trois banques occidentales –l’américaine Citibank, la britannique Standard Chartered et la française Société générale – afin de lever des fonds sur les marchés internationaux. Menée conjointement par les trois institutions financières, l’opération comportait une tranche de 175 millions d’euros dont le décaissement a servi à honorer l’engagement de Dakar au sein du projet pétrolier Sangomar, opéré par Woodside Energy et censé débuter en 2024.
Déjà actionnaire de 10 % du gisement grâce à un prêt de cette société australienne, l’Etat a émis cette dette syndiquée afin d’en acquérir 8 % supplémentaires, conformément à ses engagements initiaux.
Le prix du risque
Que Dakar se soit tourné vers le marché international peut surprendre. Ces derniers mois, peu de pays africains s’y sont risqués en raison de taux d’intérêt jugés prohibitifs. Le taux effectif global avoisine les 10 % pour cet emprunt, d’une durée de trois ans. Des conditions peu avantageuses en comparaison de celles que le Sénégal a pu connaître par le passé. En 2018, le pays avait ainsi levé près d’un milliard d’euros sur les marchés internationaux à 4,75 %, sur dix ans.
Ce renchérissement du crédit constitue en grande partie la répercussion de l’inflation galopante due au contexte de la guerre en Ukraine, ainsi que de la reprise post-Covid-19. Mais la perception d’un risque politique élevé, alimenté notamment par les troubles ayant suivi les déboires judiciaires du principal opposant Ousmane Sonko, en juin, a également une part de responsabilité. Si la valeur des obligations souveraines sénégalaises libellées en dollars a bondi depuis l’annonce du chef de l’Etat Macky Sall de renoncer à sa candidature à la présidentielle de février, les investisseurs occidentaux se montrent encore assez réticents. Une situation qui n’est pas sans préoccuper le premier ministre Amadou Ba, candidat officiellement désigné pour porter les couleurs de la majorité lors du très attendu scrutin.
Dépenses électorales
Car le Sénégal a farouchement besoin d’argent frais. Alors que l’Etat doit honorer d’autres remboursements à court terme concernant Sangomar, l’élection de février 2024 augure de dépenses conséquentes pour le Trésor. Celles-ci ont été programmées dans les lois de finance des deux dernières années, mais Dakar pourrait néanmoins avoir recours à l’emprunt sur les marchés – par exemple à travers l’émission d’obligations à échéance de moins d’un an – pour améliorer son confort financier et éviter des retards de paiement.
Pour pallier son manque de liquidités, Dakar a emprunté, début septembre, 100 milliards de francs CFA (150 millions d’euros) auprès de la Société générale. Un prêt sur quatre ans dont le taux avoisine 7,25 %. Parallèlement, l’Etat sénégalais a multiplié les souscriptions de bons du Trésor au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), au cours des derniers mois. Si ces emprunts sur le marché régional ont été contractés pour la plupart à des taux relativement intéressants (autour de 6 %), ils viennent néanmoins creuser la dette publique du pays, qui s’élève à plus de 76 % du PIB. Et ce alors même que le Fonds monétaire international (FMI) a conclu en mai un accord avec le Sénégal pour une aide de 1,8 milliard de dollars, moyennant la mise en œuvre d’une politique de réduction des déficits.
Sur le volet sensible de la dette, le ministère des finances est notamment accompagné par le cabinet Global Sovereign Advisory (GSA), dirigé par Anne-Laure Kiechel. Dakar fait également appel aux conseils de la banque Rothschild depuis plusieurs années. Ces derniers mois, ses équipes ont d’ailleurs incité les dirigeants sénégalais à multiplier les roadshows auprès des grandes places financières mondiales afin de rassurer les investisseurs. Le grand argentier du pays, Mamadou Moustapha Bâ, s’est rendu à Dubaï et Abu Dhabi dans cet objectif en juillet. Amadou Ba doit de son côté effectuer une grande tournée des bailleurs au mois de décembre.Son cabinet planche actuellement sur des étapes à New York, Washington, Londres et Bruxelles