Assane Mbacké : »Macky Sall a parlé avec moi en prison, on m’a proposé 100 millions pour quitter Sonko »

par pierre Dieme

Serigne Assane Mbacké a fait face à la presse, cet après-midi à Touba, pour revenir sur les circonstances de son arrestation, son séjour carcéral et sa libération. Le leader du mouvement Appel 221 accuse le président Macky Sall d’être l’auteur de son emprisonnement. Il compte porter plainte contre l’État du Sénégal et organiser une grande manifestation pacifique à Mbacké, le 20 octobre prochain, pour exiger la libération des « détenus politiques ». Serigne Assane Mbacké a confié que lors de son séjour carcéral, un proche du président de la République lui a proposé 100 millions F CFA pour garder le silence et tourner le dos à Ousmane Sonko. Le membre de Pastef a déclaré que Macky Sall a parlé avec lui au téléphone, lors de sa détention. Seneweb vous livre, en intégralité, les révélations de Serigne Assane Mbacké.
« C’est avec une grande fierté et un immense plaisir que je me retrouve ce soir devant vous pour tenir cette conférence de presse, la première depuis ma récente sortie de prison.Avant tout propos, permettez-moi de rendre grâce à Allah, de prier sur le sceau des prophètes et de renouveler toute ma gratitude à son serviteur, Cheikh Ahmadou Bamba.Je voudrais également décerner une mention spéciale à Serigne Mountakha Mbacké, khalife général des mourides, à qui je souhaite santé et longévité. Que sa mission soit une grande satisfaction pour notre guide Serigne Touba !
À travers Serigne Mountakha, je transmets mes salutations et renouvelle ma gratitude à tous les dignitaires mourides du pays et à toutes les autorités religieuses du Sénégal, sans exception.
Chers amis de la presse,La tenue de cette conférence est pour moi un acte de grande bravoure, de courage et de détermination. Parce que depuis l’annonce de cette rencontre, j’ai reçu toutes sortes de menaces possibles et imaginables. En vain, ces intimidations tentaient de me dissuader de prendre la parole. Mais ce n’est que peine perdue.Petit-fils de Serigne Touba, de Mame Thierno Birahim, de Serigne Mboussobé et de Cheikh Mouhammadou Fadal, je ne saurais être du rang des peureux qui lâchent prise dès la première bravade. Que ceux qui ont essayé se le tiennent pour dit : Serigne Assane Mbacké n’est ni un couard ni un corruptible.
Ceci dit, je voudrais devant vous, chers amis de la presse, revenir sur les péripéties de mon arrestation à la fois lâche et arbitraire, ordonnée par le président Macky Sall. Le jour des faits, des éléments de la police m’ont trouvé dans mon véhicule, en compagnie de mon frère, de mon chauffeur et de ma secrétaire qui, d’ailleurs, a raté son examen du baccalauréat à cause de cette injustice. C’est donc dans mon véhicule que nous avons été interpellés et conduits au commissariat sans motif. 
Après notification de la garde à vue, nous avons été déférés. Mais ce que les gens ne savent pas, c’est que j’ai eu quatre retours de parquet. Une pratique malheureusement courante qui vient gonfler les nombreux abus dont sont victimes les militants et sympathisants du Pastef et de l’opposition dans son ensemble.
Mais, ces retours de parquet étaient loin d’être fortuits. En effet, ils étaient sciemment organisés pour laisser à mes ravisseurs le temps de me soumettre des propositions, m’invitant à abandonner la lutte si je voulais éviter le mandat de dépôt. Naturellement, à toutes ces propositions, j’ai opposé une fin de non-recevoir. C’est ainsi que j’ai finalement fait face au procureur qui, littéralement, s’est précipité, non sans gêne, pour me décerner un mandat de dépôt. 
Une fois à la maison d’arrêt de Diourbel, je suis resté deux mois et demi sans recevoir de la visite. Toute demande de ma famille ou de mes amis était systématiquement rejetée. Pourtant, au même moment, ils permettaient à des émissaires de Macky Sall de venir me voir pour poursuivre les tentatives de dissuasion. Des personnes envoyées par le régime m’ont proposé des millions et même l’exil. La seule condition posée était de tourner le dos à Ousmane Sonko. Et, le comble, c’est quand un très proche collaborateur de Macky Sall lui-même m’a appelé au téléphone depuis La Mecque où ils effectuaient la Umrah ensemble, pour me proposer la somme de deux cents millions F CFA. Il m’a ensuite passé le président lui-même qui m’a dit : ‘Serigne Assane, tu devrais arrêter ton activisme ; tu as été un de mes plus farouches défenseurs, tu t’es longtemps battu pour moi. Il faut revenir vers moi.’ 
Mais, là encore, j’ai décliné son invitation. À cette période, Dieu sait que j’étais à quatre mois d’arriérés de loyer dus à mon bailleur à Dakar.
Si je fais état de cet épisode de ma récente vie carcérale, c’est pour vous dire que notre engagement pour notre pays, pour plus de justice sociale, de démocratie et pour un développement économique et social durable et inclusif n’a pas de prix. Sinon, j’aurais rejoint Macky Sall et son régime depuis très longtemps.
Car, en 2014 déjà, j’avais eu des propositions similaires. À l’époque, j’avais engagé contre la première dame, Marième Faye Sall, un combat contre la corruption à travers la fondation Servir le Sénégal et porté plainte contre elle devant la CREI. À l’époque, ils avaient essayé de me soudoyer, en me proposant beaucoup d’argent et un exil de deux ans que j’ai catégoriquement refusé. La suite est connue : j’avais été injustement mis en prison sur ordre de la première dame. Mais notre combat contre Marième Faye Sall est loin d’être terminé. Même si Macky Sall a dissous sa fondation, nous sommes plus que jamais déterminés à aller jusqu’au bout de combat de principe.
Pour en revenir aux évènements du mois de mars dernier qui ont été à l’origine de l’arrestation de plusieurs centaines de jeunes, il faut dire que ces arrestations ont été pour la plupart arbitraires. Certains ont été arrêtés alors qu’ils vaquaient tranquillement à leurs occupations, d’autres ont été interpellés dans des moyens de transport « Mbacké-Touba » et d’autres encore interpellés juste devant leur magasin ou atelier alors qu’ils fermaient boutique pour rentrer tranquillement chez eux. Il faut également déplorer l’arrestation de plusieurs élèves et étudiants qui ont été torturés, entassés dans des cellules étroites, en leur faisant payer des pots qu’ils n’ont pas cassés. Ils sont encore des milliers dans les prisons de Diourbel et devraient être libérés sans délai ni condition. À ce propos, je lance un appel aux dignitaires religieux pour leur dire que ce sont leurs disciples qui ont été injustement arrêtés par la police et la gendarmerie de Macky Sall. Il faut qu’ils interviennent pour leur libération. Pour notre part, nous allons tenir une grande marche pacifique pour exiger leur libération.
Dans le même sillage, nous exigeons la libération de tous les détenus politiques. Ils sont plus d’un millier aujourd’hui au Sénégal, ce qui constitue une honte, une grosse tache noire dans le tissu de la démocratie sénégalaise qui se ramasse aujourd’hui par morceaux. Nous exigeons la libération de Bassirou Diomaye Faye, Omar Bamba Diop, Fadillou Keïta, Toussaint Manga, Nit Doff et tous les autres détenus politiques qui n’ont qu’un seul tort : soutenir Ousmane Sonko et défendre les intérêts du Sénégal et des Sénégalais.
Quant à Ousmane Sonko, c’est aux Sénégalais de le sortir de cette situation. C’est au peuple sénégalais de lui rendre un morceau de ce qu’il lui a donné en termes de lutte pour plus de justice, de démocratie et de paix sociale. Je lance un appel à tous les Sénégalais épris de justice. Il faut arracher Ousmane Sonko des mains de Macky Sall. Nous y arriverons si nous sommes déterminés, car Dieu est avec les justes. Sonko doit être libéré, quel qu’en soit le prix. Car seule la lutte libère.Vive le Sénégal !

Vive la démocratie !Merci de votre aimable attention. »

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