Nous avons tous l’obligation de rendre compte

par pierre Dieme

Nous tous, nous comprenons les paroles de l’imam et du prêtre lorsqu’ils nous rappellent la nécessité de respecter les règles de vie édictées par Dieu car nous savons tous que nous devrons rendre compte de nos faits et gestes après notre mort. 

Nous sommes tous effrayés à l’idée que devant toute l’Humanité ressuscitée nous devrons rendre compte de tout, jusqu’à nos actes les plus cachés, les plus innommables. 

Habitués donc aux sermons des imams et des prêtres, l’exercice de la reddition des comptes sur terre ne devrait être qu’une formalité. Malheureusement c’est tout le contraire !

Cela commence par les autorités élues sur la base d’un programme. Elles devraient régulièrement rendre compte devant la population de l’état d’exécution de leurs programmes, des avancées, des échecs, des corrections apportées, des modifications, etc. 

Toute personne chargée d’une mission devrait rendre compte de ses activités, des résultats obtenus et des échecs devant les autorités ou les personnes qui l’ont chargée de cette mission. 

C’est d’ailleurs ce qui m’avait poussé à élaborer le rapport d’activités 2012-2019 du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation que j’avais envoyé à mes supérieurs en avril 2019 lorsque j’avais quitté le gouvernement. 

Y-a-t-il un autre ministre dans l’histoire du Sénégal qui a fait de même chose? Je n’en suis pas sûr.

La reddition des comptes est essentielle dans la gestion des ressources publiques. 

Et c’est pourquoi les institutions de contrôle doivent jouir d’une autonomie et d’une indépendance totales. 

Leurs rapports doivent suivre sans aucune entrave le cours normal de la justice. 

Les institutions comme l’IGE, l’OFNAC, la Cours des Comptes et le Parquet financier jouirons d’une autonomie et d’une indépendance totales leur permettant d’exercer pleinement les missions qui leurs sont confiées. 

Le Procureur n’aura plus aucun pouvoir d’entraver la suite des rapports qu’elles lui transmettront. 

Mais la reddition des comptes ne s’arrête pas là comme le pensent malheureusement ou malicieusement les Sénégalaises et les Sénégalais. 

Tout agent de l’État doit rendre compte de ses activités et de l’exécution des missions qui lui sont confiées et en raison desquelles il perçoit un salaire. 

Oui, être en retard, être absent sans raison du travail, faire preuve de laxisme au travail, demander de l’argent pour le travail pour lequel on est payé, être désobligeant par rapport au public que l’on doit servir, sont autant de comportements coupables.

L’étudiant boursier qui ne travaille pas suffisamment pour réussir est aussi un coupable. 

L’enseignant qui ne donne pas assez de devoirs à ses apprenants, qui fait du xar matt alors qu’il devrait consacrer son temps libre à préparer ses cours, à corriger ses devoirs qu’il rend tardivement, est aussi coupable. 

L’inspecteur des impôts, des domaines ou de la douane qui donne des faveurs, ou pire qui échange ses libéralités contre des contreparties sonnantes et trébuchantes est aussi un coupable. 

Le médecin, l’infirmier, l’infirmière, la sage femme qui arrivent en retard, s’absentent du travail, p oussent les malades à aller dans les cliniques privées où ils servent, bâclent leurs consultations ou leurs soins pour rejoindre les cliniques privées, sont aussi des coupables. 

Que dire alors des magistrats qui donnent des jugements sous la pression de l’autorité politique, religieuse, coutumière ou en contrepartie d’une offre financière ou matérielle ? Ils sont aussi des coupables. 

Les politiciens devront aussi rendre compte devant le peuple de leurs promesses de campagne électorale. 

C’est à ce prix seulement que « la parole d’un politicien n’engage que ceux qui l’ont entendu » disparaîtra de notre culture politique. 

La politique est malheureusement chez-nous synonyme de mensonge car le politicien n’est jusqu’ici soumis à aucune obligation de reddition de compte. 

L’entreprise de transformation nationale à laquelle nous vous convions mettra chacun d’entre-nous devant ses responsabilités. 

Car c’est lorsque chacune et chacun d’entre nous librement, consciemment, fera l’effort d’assumer ses responsabilités que nous pourrons, ensembles, bâtir la société transparente, juste, solidaire et inclusive à laquelle nous aspirons tous. 

Nous tous, dans cet environnement social malsain, posons des actes que nous savons, en notre âme et conscience, inappropriés ou même totalement répréhensibles. 

Ce pendant nous nous rassurons maladroitement en nous disant : 

             nous ne sommes pas les seuls à le faire ! 

Pourtant l’adage populaire, comme d’habitude, a donné la bonne solution qui relève du bon sens. La bonne attitude est: 

                je n’en fais pas partie!

Notre société devra donc établir un cadre sain, transparent, impartial où chacun devra rendre compte des missions qui lui sont conviées, des ressources dont il a la charge et même de l’exercice de son leadership que sa notoriété lui confère. 

C’est à ce seul prix que les mentalités pourront changer et épouser une culture de la performance, de l’intégrité et de l’éthique.

Je vous souhaite une excellente journée dominicale sous la protection divine.

Dakar, dimanche 20 août 2023

Prof Mary Teuw Niane

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