La pandémie de COVID-19 touche la quasi-totalité de la planète et constitue une menace extrêmement grave pour l’humanité. A l’instar de tous les pays du monde, le Sénégal a pris des mesures drastiques pour lutter contre la propagation du Coronavirus.
Certaines de ces mesures sont nécessaires et salutaires (arrêté d’interdiction des rassemblements publics sur les lieux clos et ouverts) et font l’objet d’un consensus, tandis que d’autres (état d’urgence assorti d’un couvre-feu de 20 heures à 6 heures du matin) sont contestables, car leur efficacité n’est pas démontrée pour freiner la propagation de l’épidémie Covid-19 (un couvre-feu à 20 h est inutile, inefficace, et n’a jamais empêché la circulation d’un virus).
Par décret n°2020-878 du 26 mars 2020, un projet de loi a été initié, habilitant le Président à prendre par ordonnance, pendant une durée de 3 mois, des mesures, d’ordre économique, budgétaire, social, économique, et sécuritaire. Sur le principe, une loi d’urgence pour enrayer l’épidémie de Covid-19 est opportune pour éviter une catastrophe sanitaire, accompagner les entreprises menacées de faillite et soutenir les populations fortement impactées (par des mesures sociales appropriées). Néanmoins, le projet de loi d’habilitation contient une disposition floue, extrêmement dangereuse qui nécessite l’attention de tous les sénégalais.
En effet, dans le paragraphe 4 de l’exposé des motifs, il est précisé « que le gouvernement tiendra informée des mesures prises ou mises en œuvre ». Cette disposition est imprécise, floue, générale et peut être la porte ouverte à tous les abus. En France, la loi d’urgence du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie du Coronavirus a détaillé les mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de Covid-19 :
- Aider et soutenir la trésorerie des entrepriseset des associations afin de limiter les faillites et les licenciements
- Adapter le droit du travail (accord de branche ou d’entreprise autorisant l’employeur à imposer des dates de prise de jours de congé dans la limite de six jours, conditions facilitées pour le versement de l’intéressement et de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat aux salariés…) ;
- Prolonger l’indemnisationdes chômeurs en fin de droits
- Adapter les procéduresadministratives et juridictionnelles
- Faciliter la garde des jeunes enfantsdans le contexte de fermeture des structures d’accueil
- Protéger les publics fragiles(personnes handicapées, âgées, pauvres…)
- Permettre le maintien des droits des assurés sociaux et leur accès aux soins (complémentaire santé, allocations familiales…) ;
- Assouplir les règles de fonctionnement des collectivitéslocales (délégation de pouvoir étendue confiée aux maires…).
Avant son adoption par l’assemblée, le projet de loi détaillé comprenant également le report du second tour des élections municipales du 21 mars 2020 avait été soumis préalablement au Sénat qui l’a adopté le 19 mars 2020. Les sénateurs ont encadré les pouvoirs du Premier ministre dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire (pas de clause générale de compétences).
Le projet de loi habilitant Macky Sall à prendre par ordonnance des mesures est un fourre-tout et ne fournit aucune indication ou précision quant aux mesures d’urgence prévues au niveau budgétaire, économique, social, sanitaire et sécuritaire (en France, la loi ne fait pas référence au volet sécuritaire, puisque le dispositif insiste sur la notion d’état d’urgence sanitaire, le sujet est circonscris).
Le projet de loi doit détailler les mesures que compte prendre Macky Sall, dans le domaine de la loi. En l’absence de précisions concernant les mesures prévues, ce projet de loi ne doit absolument pas être voté en l’état.
La situation exceptionnelle qui prév aut dans le contexte actuel lié au risque sanitaire concernant la propagation de l’épidémie Covid-19 ne doit pas nous faire perdre notre lucidité. L’unité nationale qui est nécessaire dans ces circonstances exceptionnelles (conjoncturelles) pour faire face à une menace extrêmement grave ne justifie pas tous les écarts
Toutes les mesures doivent être motivéespar la crise sanitaire et proportionnées aux risques encourus.
Oui, pour une loi d’urgence économique, sanitaire et sociale dans le cadre de COVID-19.Non à l’adoption du projet de loi en l’état(non à l’adoption d’un projet de loi flou et nondétailléhabilitant le Président à prendre par ordonnance des mesures, pendant une durée de 3 mois).Dans son discours du 23 mars 2020, Macky Sall a affirmé « que la vitesse de progression de la maladie imposait de relever le niveau de la riposte, invoquant un sérieux risque de calamité publique ». Par conséquent, les mesures sanitaires, sociales et économiques envisagées doivent être déclinées.
La vigilance de tous les citoyens et des parlementaires de l’opposition est requise (pas de chèque en blanc).
Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr