Comme par hasard, l’arrestation d’Ousmane Sonko et la dissolution du Pastef sont intervenues au surlendemain du putsch au Niger, c’est-à-dire à un moment où le pré-carré français en Afrique occidentale rétrécit comme une peau de chagrin.
Pourtant, le 3 juillet dernier, le président Macky Sall, face à la réticence de ses maîtres impérialistes et à la profonde désapprobation de plusieurs segments du peuple sénégalais, dont certains groupes politiques de sa majorité, avait dû abdiquer et renoncer à sa troisième candidature à la prochaine présidentielle. Tout le monde s’en était félicité, pensant, qu’une nouvelle ère de décrispation allait s’ouvrir. C’était sans compter avec l’esprit vindicatif et la posture politicienne, dont les ténors de Benno Bokk Yakaar ont toujours fait montre et qui a transparu tout au long d’un discours, qui était censé poser les premiers jalons de ce qui, à défaut d’être une réconciliation nationale aurait au moins pu constituer les prémisses d’une coexistence pacifique et d’un assainissement du climat politique.
Au lieu d’adopter cette position de sagesse, le président a choisi de prendre parti pour les faucons de son camp, qui ne font que piller, en toute impunité, les maigres ressources de la Nation. Ce clan de flagorneurs parasites a pris le leader du Pastef et sa propension à porter les habits de lanceur d’alerte en grippe, d’autant plus qu’ils sont atterrés face aux perspectives de reddition de comptes, en cas de changement de régime.
Il est révé lateur, à ce niveau, que les deux premières procédures judiciaires initiées contre lui l’aient été par des politiciens cités dans des scandales à milliards, qu’il s’agisse du complot de Sweet Beauty ou de la prétendue diffamation dans l’affaire Prodac.
Les émeutes spectaculaires de février-mars 2021, où ils ont failli perdre le pouvoir, ont renforcé la conviction des pontes du Benno-APR que le leader Pastef était l’homme à abattre.
Ils se sont, donc, depuis lors attelés à construire la figure de l’ennemi violent et cruel, transformant de simples appels à la mobilisation et à la résistance constitutionnelle, (pourtant utilisés, dans le passé, par divers opposants comme Me Wade et le président actuel) en appels au meurtre.
Pire, on a observé une judiciarisation de l’activité politique et une criminalisation des opposants, qui ont servi de prétexte à un renforcement de l’appareil répressif et à un dévoiement des missions assignées aux FDS infiltrées par des nervis et des hommes-liges, sans aucune expertise sécuritaire.
Ces forfaitures n’ont pu être possibles, que parce que l’arsenal juridique avait été rendu plus répressif et est devenu digne des pires dictatures, ce qui se traduit par des arrestations aussi abusives qu’arbitraires et des prisons surpeuplées. Pour justifier cette répression tous azimuts des opposants, le pouvoir n’a eu cesse de les provoquer, du moment que tout acte de rébellion légitime voire de résistance constitutionnelle du citoyen face aux violations de ses droits est considéré comme un acte terroriste et un appel à l’insurrection.
Rappelons que dans notre pays, l’Assemblée nationale avait voté, dès le 28 octobre 2016, l’article 279 du Code pénal, qui sous prétexte de durcir la lutte contre le terrorisme, cherchait plutôt à en élargir l’acception, pour le confondre à tout acte d’opposition, abusivement redéfini comme trouble grave à l’ordre public.
L’histoire a prouvé que les régimes autoritaires se servent du terrorisme comme alibi pour faire reculer les droits et libertés. On en a eu une illustration emblématique avec le Patriot act, une loi antiterroriste votée aux Etats-Unis, en octobre 2001, juste après les horribles attentats du World Trade Center, qui continue d’inspirer les législations de plusieurs régimes anti-démocratiques en la matière.
Le 25 juin 2021, au lendemain des émeutes de l’affaire Adji Sarr, notre Assemblée a voté, malgré les protestations de membres de l’opposition et de la société civile, deux projets de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénal, pour prétendument renforcer la lutte contre le terrorisme.
C’est pourquoi, il faut rester circonspect quand un régime autoritaire qualifie une attaque criminelle, aussi odieuse soit-elle, comme celle d’un bus de transport au cocktail Molotov, survenue à Yarakh, d’attentat terroriste. Et ce, d’autant plus, qu’aucune des morts enregistrées depuis 2021 durant les émeutes n’a encore fait l’objet d’investigation.
Définitivement écarté de la course à la prochaine présidentielle, l’alchimiste de l’avenue Léopold S. Senghor, perdu dans ses formules et obsédé par l’idée de transformer l’étiolement progressif de l’électorat de son clan maffieux en déferlante marron-beige, au soir de la prochaine présidentielle du 25 février 2023 s’attelle, vainement, à neutraliser son principal challenger, à savoir Ousmane Sonko.
Mais curieusement malgré tous les moyens à sa disposition qui ne se limitent pas au seul trésor de guerre colossal que lui et ses compères de Benno ont amassé en une décennie de prédation, en toute impunité, leur camp n’a fait que subir des échecs répétitifs. Ces revers sont d’autant plus humiliants qu’il ne s’agit pas de combats démocratiques, à la loyale, mais de coups fourrés et de crocs-en-jambe, tous aussi imprévisibles et inélégants, les uns que les autres.
C’est en désespoir de cause qu’ils ont opté pour l’incarcération arbitraire du véritable chef de l’opposition et pour la dissolution illégale de son parti, qui ressemble, à s’y méprendre à un putsch préventif contre un éventuel danger de révolution patriotique, populaire et panafricaniste.
PAR NIOXOR TINE