Procés Ousmane Sonk- Adji Sarr : La thaumaturgie judiciaire  ( l’analyse d’un juge )

par pierre Dieme

La critique d’une décision justice n’est pas très souvent un exercice facile car, le plus souvent, ceux qui s’essayent à l’exercice se bornent à apprécier le dispositif sans chercher au préalable à comprendre les chemins empruntés par le juge pour arriver au résultat final. Pour ne pas tomber dans ce travers, nous essayerons, autant que faire se peut, d’adopter une démarche objective et dépourvue de tout parti pris en s’appuyant sur un argumentaire au mieux élaboré afin d’être convaincant.

Dans son jugement No 67 du 1er juin 2023, la Chambre criminelle de Dakar a acquitté Monsieur Ousmane Sonko, Président du parti politique « PASTEF-LES PATRIOTES » du chef de menaces de mort avant de disqualifier les faits de viol à lui reprochés en corruption de le jeunesse et de le condamné à une peine d’emprisonnement de deux (02) ans ferme et à  une peine d’amende de six cent mille (600.000) francs CFA.

Pour arriver à cette conclusion, la Chambre criminelle est passée par un long cheminement pour expliquer le pourquoi et le comment de sa décision. Seulement, malgré une littérature bien fournie, la Chambre semble simplement peigner la girafe,  tellement elle est loin de connaître un rayon du problème qui lui a été posé.

Dans sa narration des faits, Adji Sarr a expliqué avoir été victime de viol répétitif de la part de Ousmane Sonko qui s’est servi tantôt d’une arme à feu tantôt de son influence politique pour la contraindre à se soumettre à la satisfaction de ses désirs. Aussi, de guerre lasse, sest-elle finalement résolue à porter l’affaire à la connaissance de certains de ses proches afin que assistance lui soit prêtée. 

Mais la bizarrerie dans la démarche de la Chambre réside dans le fait d’affirmer de manière péremptoire que Ousmane Sonko a effectivement entretenu des rapports sexuels avec Adji Sarr,mais consentis,  parce que tout simplement un prélèvement vaginal effectué dans les conditions et dans les formes les plus clandestines a conclu à une présence de spermatozoïdes. N’oublions pas que le gynécologue Alphousseyni Gaye, a déclaré avoir reçu Adji Sarr le 02 février 2021 c’est à 24 heures avant le début de l’enquête ouverte par la section des recherches de la gendarmerie nationale. Donc, le prélèvement vaginal dont fait état la Chambre criminelle a été effectué avant le debut même de la procédure et, en conséquence,  n’est pas à labri d’une manipulation. Alors, si la Chambre a  fondé sa décision sur cette seule pièce de la procédure,  outre bien sûr les déclarations de Adji Sarr apodictiques pour elle, on peut légitiment penser que sa décision est un simple brimborion .

En effet,  depuis l’enquête de police jusqu’à l’interrogatoire d’audience, tout le monde a vu  Adji Sarr répondre à toutes les questions  à elle posées par des billevesées et en vrai inventeur de coquecigrues afin de jeter,  au mieux, l’opprobre sur ses victimes du jour. Alors comment la Chambre criminelle a réussi à faire passer tout ce meli mélo factuel dans son unité de transformation, créée en la circonstance, pour arriver à ce produit du jour.

D’abord du point de vu formelle, le jugement analysé présente beaucoup de faiblesse. En effet, ni la manière de rediger les qualités du jugement,  ni celle de poser les préventions n’ont respecté l’orthodoxie rédactionnelle des décisions de justice à ce niveau d’instance. Dans un jugement correctionnel, il n’est vraiment pas habituel de voir un juge parler de la prétention des parties parce qu’en droit pénal, cela n’a aucun sens. Le juge civil l’aurait fait, cela aurait été la bonne démarche mais en matière pénale, on doit plutôt exposer les faits tels que racontés par les parties et/ ou mis en exergue par les résultats de l’enquête.

Sur le fond, la démarche n’est pas aussi des meilleures. En effet, la Chambre a condamné Ousmane Sonko d’un délit qui, non seulement n’existe pas dans l’arsenal répressif sénégalais mais, pire, même si on considère qu’elle voulait dire attentat à la pudeur par corruption de la justice comme c’est écrit dans l’article 324 du code pénal, cette infraction ne peut nullement être retenue contre lui pour la bonne et simple raison qu’un « client » ne peut pas être tenu pour  responsable d’un commerce qui n’est pas bien sûr le tien. Il est un client,  pas un vendeur ou  prestataire. Autrement dit, même si on considère qu’un commerce de sexe était tenu au salon sweet-beauté, en quoi Ousmane Sonko serait-il responsable de l’illicéité  d’une telle activité à cet endroit.

A notre connaissance, Ousmane Sonko ne s’est jamais mêlé au recrutement ou à la formation des employés. Alors, pourquoi donc on l’a considéré comme coupable d’une infraction qui punit les personnes qui organisent la prostitution ou la perversion d’autrui pour en tirer des revenus.

Mais le désir de présenter à l’opinion Ousmane Sonko comme un véritable bélître était trop grand pour permettre à ses accusateurs d’analyser les faits en tenant compte de toutes ses considérations.

Notre dessein n’est pas de critiquer les magistrats,  mais de les inviter à une plus grande rigueur dans le raisonnement juridique, et ce d’autant plus que tout le monde peut être victime de la justice, même eux. N’est-ce pas dans son réquisitoire le Procureur s’est offusqué du refus par Ousmane Sonko de se présenter à certaines convocation de la justice ?

Édouard Bricon disait : Nous rendons rarement justice à celui dont nous croyons avoir à nous plaindre.

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