La confiance en son parti, en notre peuple, la confiance en notre futur devrait faire dire à un homme, fut-il le meilleur d’entre nous : j’ai fait ma part du travail que vous m’aviez confié, je tire ma révérence
Il y a aujourd’hui une vérité qui doit être énoncée de manière directe, simple et impérative, parce que la taire changera à jamais, et pour le pire, le visage de notre nation. Chaque Sénégalais a le droit de se positionner en fonction de ses affinités, de ses intérêts, de ses convictions, mais il est des engagements dont l’histoire est la seule mesure.
Notre pays est arrivé à un moment de son histoire où plus personne ne peut se servir d’excuses dans la lignée de celle de Nuremberg : « je ne savais pas, je ne pensais pas qu’il le ferait ». Cette vérité nous la devons à nous-même et à ceux qui viendront après nous.
Pour que notre pays reste celui que, malgré moult turpitudes, nous évoquons avec autant de fierté quand il s’agit de démocratie, ne faisons pas dire à cette vérité, ce qu’elle ne dit pas. Cette vérité n’est pas un appel à l’insurrection, elle n’est pas outrage au chef de l’État, elle n’est ni une menace à la sécurité, ni un trouble à l’ordre public. C’est la libre opinion d’un citoyen et l’expression d’une conscience libre.
Les Sénégalais méritent un respect et une confiance qui ne sont ni négociables ni soumis à conditions. Ce respect et cette confiance sont les deux principales raisons qui doivent faire admettre à un homme qui a fait son temps, que son action est terminée. Le respect de son peuple exige de lui que lorsqu’une loi fondamentale est promue, qu’il n’essaie pas de lui trouver un autre vêtement que celui de la raison et du respect de celle-ci. Quand une Constitution dit que le pouvoir est limité à deux mandats, le respect de son peuple consiste à ne jamais envisager d’en faire un troisième, encore moins un quatrième. La confiance en son peuple conduit un homme d’État à s’imaginer que ce moule qui l’a construit, peut façonner d’autres leaders à même de mener la barque à bon port.
Nous sommes à une période charnière qui permettra au Sénégal de verrouiller à tout jamais le principe de l’inaliénabilité de l’article 27 de notre Constitution.
Notre président en exercice peut grandement y contribuer et rester à jamais quelles que soient ses limites dans le cœur de tous les Africains épris de justice. Cette ambition est immense et cinq années de plus ne pourront jamais l’égaler. Comment peut-on être à l’aise avec l’idée qu’un président puisse rester dix-sept ans au pouvoir dans le Sénégal d’aujourd’hui ? La Constitution nous rappelle que cela est impossible : « nul ne peut » ne saurait avoir la même interprétation que « nul ne pourra ». Le présent est un temps pour l’éternité.
Refuser ce principe, c’est refuser l’évidence de la vérité. Il existe une que toute personne qui porte le nom de Diop dans ce pays saisira aisément. Considérons une famille qui décide que nul ne peut avoir plus de deux morceaux de pain au dîner. Imaginons si la personne qui a promu cette décision dise elle-même : « moi, je peux en avoir trois, parce que quand je disais cela, ma mère m’avait déjà donné un morceau ». En plus d’être une question de droit, de justice, de Constitution, de français, c’est une simple affaire d’arithmétique. Le bon sens le plus élémentaire, le sens de l’équité qui devrait caractériser chaque personne dans ce pays, devrait nous conduire à la même conclusion : finis tes deux morceaux de pain et consacre toi à d’autres occupations.
La confiance nous projette quelques années en avant. Si d’aventure le président obtenait un troisième mandat qu’une grande partie de nos concitoyens considèrent à juste titre indue car la Constitution l’interdit, la question à laquelle il devrait répondre et qui invalide son discours sur l’application de son programme est celle-ci : quelle confiance peut-il avoir en son gouvernement ? Sachant qu’il devrait alors partir en 2029, son gouvernement va-t-il se tourner les pouces pendant cinq ans, en se disant qu’il ne va pas se représenter ? Un gouvernement qui s’imagine que parce que le président va partir, il ne va plus effectuer son travail mérite-t-il son portefeuille ? Le politique travaille-t-il par conviction ou pour la carotte ?
La confiance en son parti, en notre peuple, la confiance en notre futur devrait faire dire à un homme, fut-il le meilleur d’entre nous : j’ai fait ma part du travail que vous m’aviez confié, je tire ma révérence.
Voilà les mots inscrits aujourd’hui sur le fauteuil du président. Il suffit de placer ce fauteuil dans le sens de l’histoire pour rester dans celle-ci.
As Malick Ndiaye est écrivain et universitaire.