Senghane SENGHOR, charge des affaires juridiques et de la protection à la Rencontre Africaine pour la Defense des Droits de l’Homme (Raddho), se prononce sur le retour de parquet
«Le retour de parquet est une violation absolue des droits de la personne. Elle est juridiquement sans fondement légal, aucun texte ne le consacre au Sénégal. C’est un abus de pouvoir, une détention arbitraire, rien d’autres. Mieux, c’est un traitement inhumain, cruel et dégradant qu’aucune circonstance ne saurait permettre. D’ailleurs, lors du passage du Sénégal devant le Comité des Nations Unies contre la Torture, en avril 2018, le Sénégal avait fortement été critiqué et le Comité avait, dans ses Observations finales, recommandé de «mettre fin à la pratique dite du «retour de parquet» ou ordre de remise à disposition, et fournir des moyens supplémentaires à l’appareil judiciaire en vue de réduire le délai de renvoi des gardés à vue devant les Tribunaux.»
En Octobre 2018, devant un autre Comité, celui des droits de l’homme des Nations Unies, les experts du Comité avaient exprimé leur préoccupation par rapport à la question et avaient recommandé au Sénégal de «Prendre les mesures nécessaires pour garantir en pratique le respect des délais de garde à vue, en luttant, notamment contre la pratique dite de retour de parquet».
La délégation sénégalaise s’est toujours engagée à chercher une solution à cette pratique attentatoire à la liberté, surtout qu’à ce stade, la personne entendue bénéficie de la présomption d’innocence. Malheureusement, le phénomène s’est gravement généralisé. De grâce, arrêtons, dans ce pays, de dire : «telle personne a bénéficié d’un retour de parquet». A mon avis, il est temps que les personnes victimes se mobilisent pour trainer le Sénégal devant la Cour de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest (Cedeao).
QU’EST-CE LE RETOUR DE PARQUET ?
Le ret our de Parquet est le terme générique, mais juridiquement on l’appelle «ordre de mise à disposition» : c’est un acte par lequel, un magistrat (Procureur ou Juge d’Instruction), après réception d’un dossier de déferrement, ou d’ouverture d’information judiciaire dont le règlement relatif à l’inculpation n’est pas encore définitif confie la ou les personnes poursuivies à la Police ou à la Gendarmerie où elles seront gardées avant d’être présentées à nouveau au magistrat en charge du dossier. En cas de retour de parquet, le/ les mis en cause sont confiés à un autre Commissariat ou Brigade de gendarmerie autre que celui dont l’enquête a été confiée. Dans la mise en œuvre du retour de parquet, la police ou la gendarmerie à qui le Juge ou le Procureur confie le ou les suspects n’a que la garde et la surveillance des mis en cause. (Pas d’audition, ni visite et autres actes relatifs à la procédure) parce que l’enquête préliminaire est bouclée et les procès-verbaux signés. Les personnes suspectées sont sous la responsabilité exclusive de l’autorité judiciaire qui les a confiées à la police ou à la gendarmerie. Il peut y avoir plusieurs obstacles qui justifient le retour de parquet. Le volume de travail des magistrats, en cas de médiation pénale devant le Procureur de la République, souvent, la personne déferrée propose une médiation pénale acceptée par le maitre des poursuites. Le temps de trouver un accord avec la partie civile (personne lésée), sur les termes de la médiation pénale, en matière criminelle peut motivée un retour un parquet le temps d’en trouver un pour l’inculpé.
Fatou NDIAYE