Dewenetti ! Dialogatti !

par pierre Dieme

Nous rendons Grâces à Allah, Maître du ciel et de la terre et de tout ce qui se trouve entre les deux !

Les croyants des deux religions révélées dont les adeptes constituent la majorité de l’humanité (Chrétiens et Musulmans) se sont croisés en un culte majeur au cours de ce mois d’avril : le Carême et le Ramadan, sont des exercices spirituels et physiques dont le but est de rendre Sa place dans nos vies au culte exclusif dû au Dieu Créateur. Celui de Qui nous venons et vers Qui nous nous dirigeons tous. Chacun à son tour … Inéluctablement !

Nous prions donc, ardemment, pour faire partie de ceux qui sauront honorer ces rendez-vous cultuels nourrissants pour des années encore ! Vous et nous…

Cela dit, il semble bien que le sens profond et la substance vive de ces mois bénis deviennent de plus en plus désincarnés. On s’affame le jour pour se gaver le soir ! Mais par-dessus tout, on en oublie de se purifier le cœur et l’esprit. Or, le but de ces exercices me semblait-être la contrainte du corps au maximum pour en libérer les énergies spirituelles. Afin de mobiliser toutes les forces ainsi dégagées des péchés de la chair dans une tension vers la réconciliation de soi avec Allah Le Créateur. Dans un effort sublime de montée vers la plénitude des cimes de l’accomplissement de soi sur terre. En attendant l’au-delà…

Pour l’heure, gardons donc les pieds sur terre et essayons de changer, pour le mieux, nos attitudes et nos comportements. L’urgence en effet est de restaurer, dans notre pays, l’harmonie et les bienséances sans lesquelles rien n’a vraiment de sens ! Restaurer, entre nous, le sens de la parole constructive et de l’écoute bienveillante. Créer des passerelles, visibles et intelligibles, entre tous les hommes et femmes ayant pour mission d’animer le débat public, ainsi que la responsabilité de conduire les destinées du Sénégal à tous les niveaux. Que l’on soit au Pouvoir ou dans l’Opposition. Ou que l’on soit, hors des clivages partisans, des citoyens qui aspirent tout simplement, à vivre dans un pays organisé, respectueux des droits de tous. Je me compte parmi ceux-là, et nous sommes largement majoritaires !

La confiance et le respect mutuel sont les éléments préalables d’une conversation en quête de conciliation, de réconciliation et de paix sociale. Un environnement dont nous avons le plus grand besoin pour construire notre pays dans le sens d’un territoire où il fait bon vivre. Si la frénésie de la multiplication des infrastructures en tous genres est méritoire, elle devrait être évaluée à l’aune d’une question simple : sommes-nous, collectivement, de plus en plus heureux de vivre ensemble dans notre pays ? La réponse à cette question devrait-être au cœur de la problématique de toutes les politiques de développement économique et social !

Au sortir de la prière de l’Eid Al Fitr, le Chef de l’Etat a lancé, à nouveau, un appel au dialogue. Le peu d’enthousiasme qu’a suscité cette énième interpellation est, en soi, une indication du niveau de rupture de la confiance entre les organisations et leaders de la classe politique sénégalaise. Et cela est une distorsion majeure de notre système politique qui nous a habitués à jouer les prolongations de la compétition électorale hors la vue des citoyens. Le système de vases communicants faisant passer, entre deux élections, des personnalités d’un coté à l’autre du pouvoir, contrairement aux résultats sortis des urnes, est consacré sous le vocable pastoral de « transhumance. » Analogie pour le moins peu honorable avec les troupeaux en quête de verts pâturages… Référence allusive aux panses en attente de remplissage. Misère de la politique !

Cela étant dit, il faut tout de même dialoguer ! Il faut absolument, de mon point de vue, répondre à tout appel au dialogue. En prenant la précaution de tirer un bilan des séquences précédentes, d’une part, et de l’autre en se donnant les moyens d’arriver à la table de discussion en ordre et avec une distribution des rôles claire et sans possibilités de se faire mener en bateau ou de trahir le mandat du peuple. Ne l’oublions pas nos élus sont nos mandataires. Nos employés !

En vérité, opposer une fin de non-recevoir à l’appel du Chef de l’Etat avant même d’avoir réclamé, lu et compris les termes de référence du dialogue ou, à tout le moins, les points susceptibles d’être inscrits à l’ordre du jour, me semble hâtif et improductif. Quels que soient les motifs de déception antérieurs, un homme politique ne doit jamais refuser de se rendre à une table de négociation. Cela me semble être un principe de bonne conduite qui devrait être acceptable par tous. Il revient à chacun, après avoir pris connaissance du format et des attendus de l’invitation du Président de la République, de se déterminer par rapport au menu mis sur la table et de prendre la décision de poursuivre ou pas le dialogue initié.

Au demeurant, aucune ruse, aucune manœuvre dilatoire, aucune tentative de « réduire l’opposition à sa plus simple expression » ne devrait entacher l’appel solennel de la Korite. Inversement, aucune suspicion irrémédiable ne devrait nourrir la défiance à l’endroit du Chef de l’Etat jusqu’à la fin de l’exercice de son mandat.

Dans cette quête de voie de sortie honorable pour tous et par tous, toutes les voix méritent d’être écoutées et les plus clairvoyantes entendues. Le pays a besoin de sérénité et d’ardeur au labeur. De ce point de vue, appeler au dialogue doit s’accompagner de mesures d’apaisement : désengorger les prisons du surplus de détentions préventives pour délit d’opinion serait un pas en avant. En tous cas un signal fort de bonne volonté républicaine.

S’il m’est permis, dès lors, d’émettre une seule suggestion à l’ordre du jour du dialogue à venir, ce serait la mise en priorité absolue de l’éradication de la corruption.

Luttons sans merci contre la corruption et ses avatars.

Dans tous les dossiers qui pourrissent la vie de la nation et polluent le débat public, la corruption joue un rôle catalyseur et aggravant. Ses avatars que sont le mensonge et la concussion, désorganisent la gouvernance publique et annihilent tous les efforts de construction du pays. Tant dans la gestion du patrimoine foncier que dans l’octroi des marchés publics, la corruption est devenue le moteur des transactions. L’enrichissement illicite et le détournement des deniers publics, l’achat des consciences et des voix d’électeurs, tout ce qui nous arrive est nourri par la corruption, c’est-à dire l’appât du gain facile, sans effort ni mérite. Une entente sacrée autour d’une lutte impitoyable contre la corruption produirait à court et à moyen terme des effets majeurs sur la restauration de la confiance des citoyens en la fiabilité de nos élites dirigeantes.

Enfin une relecture, avec les amendements et améliorations nécessaires, des conclusions des Assises nationales et des recommandations de la CNRI, pourrait servir de base à un consensus national fort sur l’essentiel pour les dix prochaines années. Avec de la bonne volonté et du cœur à l’ouvrage, nous pourrions ainsi rendre un énorme service à nos enfants et aux générations montantes.

Il reste à savoir si telle est la préoccupation la mieux partagée par les acteurs de la politique dans notre pays.

Dewenetti ! Dialogatti !

Amadou Tidiane WONE

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