Les 3D du Macky

par pierre Dieme

Celui qui n’est pas obligé de dialoguer propose quand même de dialoguer. Mais seulement avec quelques uns triés sur le volet. Parce qu’en politique, les deals sont un marché très utilisé

« Rien ne m’oblige à dialoguer… Si je le fais, c’est pour redonner à certains la possibilité de redevenir éligible. Si on ne dialogue pas, ils auront beau dire, mais ils ne seront pas candidats. Ce dialogue est dans leur intérêt… Beaucoup de sujet seront discutés, notamment le parrainage, l’éligibilité. Khalifa Sall attend l’amnistie, Karim Wade lui, demande une révision de son procès. Cela ne sera possible qu’à travers le dialogue ». Ainsi peut-on résumer la substantielle moelle politique du show télévisuel du président Macky Sall, le samedi 22 avril dernier sur la TFM.
Dialogue, division, diversion, tels sont les trois objectifs du locataire du palais. En ligne de mire : le troisième mandat.

« Rien ne l’oblige à dialoguer » sauf bien sûr, la poursuite de la chienlit et de la guéguerre urbaine que le pays connaît depuis mars 2021. Avec 14 morts comme pertes, sans profits. Puis ce début 2023, avec ses intifadas hebdomadaires et quelques « pertes mineures » en vies humaines (3-4 morts ?). Tout cela dans le cadre d’un itinéraire emprunté pour répondre à une convocation de la Justice ! Une Justice dont d’ailleurs on attend qu’elle nous éclaire sur les auteurs de ces morts. Parce que tout de même, la science criminelle est formelle : il ne peut pas y avoir de crimes sans criminelles, ni de morts violentes sans sans tueurs et armes du crime. Sauf, semble-t-il, sous nos cieux, où on peut mourir de mort violente dans la rue ; mourir par balles sans tueurs armés ; où des officiers peuvent disparaître sans laisser de traces, ou mourir dans les eaux. Tout cela par le Saint esprit. Pour ma part, je dénie à cet esprit tueur le caractère de sainteté.

« Rien » ne l’oblige effectivement à dialoguer, sauf à imposer la « paix armée » avec nos rues sous haute surveillance, avec une sorte d’État d’urgence ou de siège, qui ne dit pas son nom. Parce que non décrété officiellement. Comme pour nous en mettre plein la vue, on a exhibé le 4 avril, les muscles de la République. L’histoire de la République a (toujours) montré les limites de la peur comme moyen de gouvernance. Alors, même si (mon œil) on n’est pas obligé de dialoguer, on appelle quand même à dialoguer. Parce qu’en politique, les deals sont un marché très utilisé par les filous : vente-achat-benef…
Ainsi donc, celui qui n’est pas obligé de dialoguer propose quand même de dialoguer. Mais pas avec tous, seulement avec quelques uns, triés dans la mare faunique politique, selon leur poids, mais surtout selon leur fragilité : K et K. Khalifa (Sall) et Karim (Wade). Le marché est simple : vous voulez que j’efface vos ardoises politiques, revenir dans la course (le jeu plutôt), vous la fermez sur l’illégalité de mon troisième mandat, nous violons ensemble (on a toujours besoin de complices pour les coups tordus) la Constitution (« nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs »), j’utilise mes pouvoirs d’absolution, vos casiers judiciaires deviennent aussi vierges que celui de nouveaux-nés, nous entrons tous (non pas tous) dans l’arène et le peuple nous départagera. Une grande messe de réconciliation clôturera ce viol Républicain.

Mais on le sait, un festin sans immolation du fameux agneau. Mais cette fois-ci accompagné de quelques bovins n’est pas un festin. Et c’est qui l’agneau du sacrifice de la farce-diversion d’un dialogue sacrificiel. En voici des indices : « … médiation (sous entendu entre lui et moi) je ne suis pas au courant, j’ai appelé à un dialogue, ça concerne tout le monde ». Parce que, voyez-vous, assène le président, « la politique ne donne pas une immunité absolue à qui que ce soit ». Pour bien préciser le signalement de l’agneau du sacrifice, voici d’autres indices : l’encerclement de son enclos et des pâturages autour à chaque fois qu’il dot aller répondre à une convocation ». Le rôle de la police et de la gendarmerie, c’est d’assurer la sécurité des personnes …on n’a jamais interdit des manifestations. Toutefois, on ne peut pas admettre que des gens préparent leurs marches avec des bouteilles d’essence… »

Des détenus politiques ! Des journalistes dans les prisons ! « il n’y a pas de détenus politiques » encore moins de journaliste emprisonné pour ses écrits » Parceque voyez-vous, le président a une définition de ce qu’est un détenu politique : « on parle de détenu politique quand on émet son avis sur la marche du pays. Malheureusement cela nexiste pas au Sénégal. Nous n’avons que des gens qui cassent tout sur leur passage » ; Hé bin ! Les journalistes Pape Ndiaye de WalfTv et Pape Alé Niang avant lui, avaient cassé quoi ? Quel bus, quelle station d’essence, quel magasin Auchan ? Les membres de la direction du parti Pastef, comme l’organisateur des Nemekou Tour, le logisticien (qui loue bâches, chaises et autres pour les meetings et marches), le juriste El Malik Ndiaye et Bassirou Dioumaye Faye, secrétaire général du Pastef, cueilli à 22h, en direct des télés et réseaux sociaux devant ses bureaux, quel édifice a-t-il détruit ? Pourtant dans votre définition du détenu politique, c’est celui « qui émet son avis sur la marche du pays ».

Émettre son avis sur la justice et sur ceux qui la rendent sort-il de cette définition ? En réalité, à défaut de « dissoudre » légalement le Pastef comme le réclament certains de vos proches, on a préféré une autre méthode qui a l’avantage de la dissolution sans les inconvénients et répercussions dans l’opinion internationale ! Comment aurait-on pu justifier la dissolution d’un parti qui dispose d’un groupe parlementaire à l’Assemblée, contrôle la plupart des grandes villes du pays avec ses alliés et qui jusqu’à nouvel ordre, n’a commis aucun crime reconnu par la justice, mais qui veut exercer les droits que lui réclame la Constitution. On ne peut pas faire avaler une telle énormité à la communauté internationale. Mais on peut (presque) arriver au même résultat (désarmement de ce parti) en affaiblissant sa direction, en embastillant son avant-garde (les forces-vives) sous le couvert de casses et autres destruction de biens.

Dialogue, diversion et division. Comment détacher Khalifa Sall de la coalition qui empêche le pouvoir de dormir ? En le lavant tout blanc avec le lait (Soow) dans lequel l’autre vient de jeter du sable. Amnistie sous contrôle et sous condition. S’éloigner du pestiféré Sonko, disloquer Yewwi (et son groupe parlementaire). Et vous revenez dans le jeu. La même proposition-récompense pourrait être faite à l’ancien « ministre du ciel et de la terre » Karim Wade. On pourrait même effacer sa condamnation pécuniaire ou tout au moins la réduire à sa « plus simple expression ». Pour finir les deals, on pourrait même signer une clause secrète : au deuxième tour, les autres reportent leurs voix sur celui d’entre nous les filous, qui serait le mieux placé. Et hop ! Vogue le Gaal (pirogue) Sunu gaalien au pays des reniements et des magouilles comme valeurs de gouvernance.

Si le PDS n’aurait aucun scrupule ni état d’âme à parapher un tel deal, ce seraient autrement plus douloureux pour Khalifa Sall. On va bien vivre des psychodrames et autres théâtres de rues dans les prochaines semaines.

PS : Toutes les citations sont tirées du compte-rendu de Sud quotidien dans son édition du lundi 24 avril. J’ai choisi un match de la Premier League en lieu et place du show présidentiel à la télé de son ami, la « star planétaire » comme disent ses journalistes. Parce que j’avais eu ma dose avec la conférence de presse du nouveau « chef de l’opposition » quelques heures plus tôt. L’overdose….

DEMBA NDIAYE

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