L’ancien président de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums), Souleymane Teliko et le journaliste Madiambal Diagne ont été encore une fois appelés à la barre de la Cour d’appel de Dakar. Comme lors du premier procès, le mis en cause Madiambal Diagne a reconnu les faits de diffamation que lui reproche l’actuel président de la Cour d’appel de Tambacounda tout en précisant avoir fait un lapsus.
Après avoir fait l’objet de renvoi, à trois reprises, le procès pour diffamation opposant Souleymane Teliko à Madiambal Diagne s’est finalement tenu ce mardi, devant la barre Correctionnelle de la Cour d’Appel. Condamné en première instance à 3 mois d’emprisonnement ferme assortis d’une amende de 500.000 francs, le journaliste Madiambal Diagne est également contraint de verser au Juge Teliko une enveloppe de 5.000.000 de francs CFA en guise de dédommagement.
Face aux magistrats, le prévenu affirme : «j’ai interjeté appel de ce jugement, dans l’espoir d’être mieux jugé». Les propos qui lui ont valu sa citation directe pour diffamation, ont été tenus lors d’une émission radio : «Jury du Dimanche». En répondant à une question du journaliste, Madiambal Diagne a servi en direct : «C’est très facile, devant les médias, de se présenter en parangon de vertu et d’éthique mais, dans les comportements de tous les jours, est ce qu’on l’est ? Le président de l’UMS actuel a été juge des chambres africaines extraordinaires qui ont jugé Hussein Habré. Il a été épinglé par l’Union européenne dans un rapport officiel pour avoir perçu des frais de mission pour aller au Tchad alors qu’il a été totalement pris en charge par le Gouvernement tchadien. L’Union européenne a protesté devant le Gouvernement du Sénégal. Sidy Kaba était ministre de la Justice et Souleymane Téliko avait remboursé».
Des allégations qu’il a une nouvelle fois assumées devant le juge de la Cour d’Appel. Néanmoins, il précise avoir fait un lapsus en parlant de l’Union Européenne alors qu’il voulait parlait d’un rapport de l’Union Africaine. Et pour justifier ses propos, il cite un document officiel du ministère de la justice sénégalaise qui dit que les sommes sont indûment perçues et demande aux chambres africaines de rembourser. D’ailleurs il précise que c’est la moitié des sommes perçues qui est réclamée. A l’en croire ceci constitue une mansuétude.
S’emportant de temps à autre, et coupant la parole au magistrat qui lui posait des questions, le journaliste et chroniqueur déclare qu’il ne veut pas être traité de la manière que lors de la première instance. « J’en ai marre. On m’a traité ici de noiraud, de méchant et on a tourné en dérision mon nom de famille», s’est-il plaint. Mais, il a été vite rappelé à l’ordre par le juge qui sur un ton ferme lui dit : «ce n’est pas devant cette barre qu’on vous a traité de tous ces noms. Après s’être excusé, Madiambal Diagne s’emporte une nouvelle fois suite à la question de l’avocat général sur ses intentions lorsqu’il tenait de tels propos à l’encontre de Souleymane Teliko.
«J’ai parlé de lui (Souleymane Teliko) en particulier parce que c’est lui qui a parlé à ses paires de morale d’équité et de probité. J’ai parlé de lui en particulier parce que c’est lui qui a stigmatisé ses paires. Je n’ai aucune intention de nuire, mais je défends la justice. Pour avoir dit la vérité, je risque ma liberté», a-t-il répondu. D’après lui après ce «lapsus», il a publié un rectificatif dans le journal « Le Quotidien ».
La partie civile Souleymane Teliko n’ayant pas assisté à l’audience, la partie appelante a été la première à faire ses plaidoiries. Étant le premier à faire cet exercice, Me Abdou Dialy Kane soutient : «nous devons mettre de côté deux choses, le corporatisme et nos amitiés affectives pour rendre une justice équitable». Mais l’avocat refuse de plaider au fonds. D’après lui, la poursuite est irrégulière.
«Je ne m’intéresse pas aux faits. Il y a un préalable à respecter. Personne ne peut me convaincre du contraire. Pourquoi cette procédure est irrégulière ? Cela se trouve dans le code pénal et dans le code de procédure pénale. En matière de droit commun, c’est l’auteur du fait délictueux qui est responsable. En matière d’infraction de presse, c’est le directeur de la publication qui est l’auteur principal. C’est indiscutable. Une personne qui initie une citation directe peut écarter l’organe de presse. Teliko a choisi de faire ça. Personne ne peut changer la responsabilité du directeur principal. Madiambal Diagne ne peut être poursuivi que pour complicité. Dans le cas d’espèce on vous demande le condamner en tant qu’auteur principal. C’est une violation de la loi. Il a le statut de complice. Ce n’est pas parce que la partie civile est magistrat, qu’on doit tordre le cou à la loi », a souligné la robe noire.
Poursuivant, il précise qu’il n’y a aucune possibilité de disqualification. «Nous sommes en matière de diffamation. Aucune disposition du code de procédure pénale n’est citée dans cette citations. On ne peut pas poursuivre quelqu’un dans ce pays, par voie de citation directe sans qu’on ne cite les dispositions du code de procédure pénale. C’est la poursuite qui est irrégulière. Je ne parle pas de la citation directe. Car elle est nulle», soutient Me Kane qui pense que «c’est l’occasion de rendre une décision pour le bien de la justice. Parce que la poursuite est irrégulière. Depuis la première instance je refuse d’évoquer les faits. Personne ne peut plus réparer cette procédure et personne ne peut condamner Madiambal Diagne. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la loi qui le veut. Du point de vue de la loi il ne peut être poursuivi que comme complice. Ce vertu des dispositions de l’article 270 code de procédure pénale. Je considère que les poursuites qui sont entreprises contre Madiambal Diagne sont irrégulières. Et vous n’avez pas un pouvoir de disqualification. Je sollicite l’infirmation totale de la première décision», a plaidé Me Kane.
Son confrère Me Baboucar Cissé le rejoint mais lui décide de plaider au fond. «Mon client vous dit qu’il assume ses propos. C’est ça un homme. C’est ça être honnête. Il est bien vrai que ce qui a été à l’origine de ça, c’est une interview de Souleymane Teliko. C’est lui qui a été à l’origine. Au cours d’une émission, il a abordé l’affaire Khalifa Sall pour s’attaquer vertement à ses collègues. Ce qui lui a valu sa sanction par le conseil supérieur de la magistrature», a relevé Me Cissé qui à l’instar de son confrère a sollicité l’infirmation de la peine.
À la suite de l’avocat général qui s’en est rapporté, les conseils de Souleymane Teliko ont demandé à la Cour de déclarer irrecevable les exceptions soulevées par la partie appelante et à l’unanimité ils ont sollicité la confirmation de la première peine. L’affaire mise en délibéré, la Cour rendra sa décision le 18 avril prochain.
Adja Khoudia THIAM