De grâce, prouvez-nous que le temps de la justice n’est pas le temps de la politique !
Pourquoi diantre Ousmane Sonko ne bénéficie-t-il pas du même traitement que n’importe quel autre justiciable ?
Il suffit simplement qu’il soit convoqué par le tribunal pour que son domicile et ses environs soient quadrillés, barricadés et bouclés par des forces de l’ordre armées jusqu’aux dents.
Pour mémoire, jamais un justiciable, fut-il poursuivi pour des charges les plus graves, n’a été soumis à pareil traitement. Et le plus cocasse est que plutôt que de faciliter son déplacement vers le tribunal, tout un dispositif est mis en place comme si l’on voulait, au contraire, l’en empêcher.
L’on se souvient de l’obstruction et du zèle de l’ancien préfet de Dakar qui avaient déclenché les violentes émeutes de mars 2021 lorsque Sonko a été convoqué pour la première fois par la Doyen des juges dans l’affaire Sweet Beauty.
Hélas, c’est à croire que les pouvoirs publics n’ont rien appris de ces évènements de sinistre mémoire. Puisque le même dispositif est systématiquement déployé aux abords de son domicile et dans tout Dakar à chaque fois que le leader de Pastef doit déférer à une convocation.
C’est donc sans surprise que son procès de ce jeudi 16 février contre le ministre Mame Mbaye Niang a fait l’objet du même décorum. Au grand dam de populations apeurées, voire terrifiées, par un dispositif policier aussi impressionnant.
Seulement, le plus grave est le sentiment qu’ont pas mal de Sénégalais de voir Ousmane Sonko jugé par une justice à l’impartialité douteuse.
Au vu des développements qu’a connus le dossier l’opposant à la masseuse Adji Sarr, rien ne laissait présager que le Doyen des juges irait dans le sens d’une ordonnance de renvoi pour jugement. Mais ni le certificat médical qui n’a pas fait état de défloraison dans les 48 heures précédant le supposé viol, ni les témoignages qui ont tous été à décharge, encore moins les déclarations contradictoires d’Adji Sarr et les nombreux audios qui la compromettent, n’ont pas empêché le juge Maham Diallo de renvoyer Ousmane Sonko devant une juridiction.
L’on n’a pas fini d’épiloguer sur cette décision pour le moins surprenante du Doyen des juges que le dossier opposant Ousmane Sonko à Mame Mbaye Niang vient encore distiller le doute dans l’esprit de plus d’un Sénégalais. Et pour cause, l’empressement du tribunal à juger cette affaire à première vue anodine comme s’il s’agissait d’appliquer une justice expéditive au leader de Pastef.
En effet, on aura rarement vu, sinon jamais, un juge manifester autant de célérité à connaître d’une affaire de diffamation. A moins que le dossier ayant été corsé avec les délits « d’injures » et de « faux et usage de faux sur des documents administratifs », l’on veuille aller très vite pour entrer en voie de condamnation. C’est du moins le sentiment du leader de Pastef, de ses partisans, tout comme de nombreux observateurs.
Réagissant sur les ondes de Sud Fm au renvoi « ultime » au 16 mars du procès opposant leur client à Mame Mbaye Niang, un des avocats d’Ousmane Sonko pointe un « empressement suspect » de la part du juge.
Faut-il y voir une course contre la montre dès lors que le leader de Pastef a manifesté sa volonté de briguer la présidentielle 2024 et que, seule, une condamnation définitive pourrait l’en empêcher ?
En tout cas, initialement prévu le 2 février dernier, le procès Sonko-Mame Mbaye Niang a été décalé de juste deux semaines, contrairement à un bon nombre dossiers appelés durant la même audience et renvoyés au 30 mars prochain. Dire que le juge a voulu malgré tout le retenir ce 16 février avant de concéder un renvoi ferme au 16 mars sur intervention du Bâtonnier suite à la constitution, la veille, de nouveaux avocats de la défense qui doivent s’imprégner du dossier.
Pourquoi une telle précipitation alors que d’ordinaire les juges prennent tout leur temps, surtout pour des procès en diffamation ?
Il n’est donc pas étonnant que la démarche n’inspire guère confiance à la défense d’Ousmane Sonko.
Il se trouve aussi que la jurisprudence Khalifa Sall prouve à suffisance qu’une procédure peut être accélérée à dessein. Jugé et condamné dans l’affaire dite de la Caisse d’avance de la Ville de Dakar, alors qu’il avait fini d’annoncer sa candidature pour la présidentielle 2019, le dossier de l’ancien Maire de Dakar était passé, en un temps record, par tous les ordres de juridiction jusqu’à sa condamnation définitive par la Cour suprême. Ce qui lui avait finalement valu son inéligibilité et donc sa disqualification. Et c’est justement ce que craignent les avocats d’Ousmane Sonko et ses partisans.
Aux juges en charge du dossier de prouver que le temps de la justice n’est pas le temps de la politique comme on nous le bassine tout le temps. Car, faire le droit ne signifie pas forcément qu’on n’a pas la démarche tordue.
L’occasion est en tout cas trop belle pour Dame Justice de prouver qu’elle est au-dessus de toutes les chapelles politiques et qu’elle n’obéit point à leur agenda, fut-elle celle de la majorité.
Les justiciables que nous sommes observent et ne demandent qu’à être rassurés sur l’impartialité de la justice. Et, naturellement, le moment venu, l’on jugera ; mais uniquement sur pièce.
Momar DIONGUE