Présidentielle 2024 au Sénégal: faut-il compter sur un Parti socialiste en état de léthargie profonde ?

par pierre Dieme

A un an de l’élection présidentielle, aucun des partis traditionnels sénégalais n’a encore de candidat déclaré. Le Parti démocratique sénégalais (Pds) s’est limité à lancer une campagne de vente de cartes sur le territoire national. Tandis que le Parti socialiste se mure encore dans un silence indigne d’un parti politique de sa trempe et de son histoire. 

De Léopold Sédar Senghor à Ousmane Tanor Dieng en passant par Abdou Diouf, le Parti socialiste n’a jamais autant baigné dans la léthargie que durant ces 11 années de règne de Macky Sall. la formation politique qui a dirigé le Sénégal pendant 40 ans, est passée d’une instance solide et bien structurée avec des instances dynamiques, à un parti wagon tiré par l’Alliance pour la république (Apr), tête de file d’une coalition cosmopolite dénommée Benno Bokk Yakaar.

Le projet de reconquête du pouvoir n’est plus la priorité des actuels responsables, plutôt obnubilés le quota de postes pourvus par le chef de BBY, Macky Sall. Les fauteuils de ministres, députés, Directeurs généraux de sociétés, de Présidents du Conseils d’Administration (PCA), membres du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT), Conseil économique, social et environnemental (CESE) ont fini de tuer toute ambition de reconquérir le Palais perdu il y a plus de 20 ans.

Le parti n’est plus animé, il n’y a plus de programme pour sa massification. Depuis le décès de Ousmane Tanor Dieng en juillet 2019, c’est Aminata Mbengue Ndiaye, qui assure l’intérim au Secrétariat du Parti socialiste. Pour la contrôler, Macky Sall lui a donné le fauteuil de présidente du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT). Elle a rempilé pour son deuxième mandat à la tête de cette structure en fin 2022. L’autre haut cadre du parti, Serigne Mbaye Thiam, est maintenu dans le Gouvernement dans lequel il siège depuis l’arrivée de Macky à la Présidence. Les milliers de militants sont troqués contre de menus avantages.

Le Parti socialiste ne s’est plus présenté à une élection depuis 2012
Après avoir perdu le pouvoir en 2000, le Parti socialiste qui régnait en maître absolu au Sénégal depuis les années 1960, a entamé sa descente aux enfers. L’arrivée de Wade au pouvoir, qui a infligé à ce parti sa première défaite politique, coïncide avec le départ et la démission de Abdou Diouf de toutes les instances de cette formation que le Président Senghor lui avait léguée en 1980. Ousmane Tanor Dieng prend naturellement les rênes. Lui qui faisait déjà la pluie et le beau temps dans les dernières années de règne de Diouf. Mais l’exercice du pouvoir n’a rien à voir avec le sort d’opposant au Sénégal. Et le PS va l’apprendre à ses dépens. Beaucoup de cadres quittent le navire pour transhumer vers le tout-puissant Parti démocratique sénégalais. La plupart dont Abdoulaye Saidou Sow et Aida Mbodj, sont récompensés par des postes de ministre, par Me Abdoulaye Wade.

Le Parti socialiste enchaîne alors les défaites aux élections Locales et Législatives sous le régime du Président Wade. En 2001, Tanor et les siens n’arrivent que 3e aux élections Législatives et obtiennent seulement 10 des 120 sièges en jeu à l’époque à l’Assemblée nationale. Pire, à l’élection présidentielle de 2007, ce grand parti traditionnel, arrive 3e avec 13?57% des voix, derrière le Rewmi de Idrissa Seck qui venait juste de voir le jour. Le discours d’Ousmane Tanor Dieng n’accroche personne. Le PS va enchaîner les déconvenues électorales jusqu’à disparaître complètement dans la coalition au pouvoir après l’arrivée de Macky au Palais.

En 2014, la coalition Benno Bokk Yakaar est créée. Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse décident d’accompagner Macky Sall dans sa gouvernance en échange de postes dans certains ministères et institutions. Le premier cité est casé à la tête du Haut conseil des collectivités territoriales alors que le second est très ému de siéger au Perchoir.

Le Parti socialiste ne participe plus aux élections en tant que entité indépendante. Il laisse son avenir politique entre les mains de l’actuel président de la République. Les élections Locales de 2014 et de 2022, les Législatives de 2017 et 2022, la Présidentielle de 2019, se sont déroulées sans engagement du Parti socialiste en tant que entité indépendante. l’idéologie socialiste est sacrifiée sur l’autel des intérêts de quelques responsables qui ont décidé de faire de Macky Sall, un libéral, leur seul leader.

Un soupçon de rébellion 
Il y a toutefois, certains socialistes qui ne se retrouvent plus dans ce compagnonnage. Mais qui manquent de courage politique pour affronter la réalité et assumer leur destin. La Secrétaire générale, Aminata Mbengue Ndiaye est contestée en sourdine par ces caciques du parti senghorien qui pensent qu’elle n’a pas les épaules pour mener la barque. Mais cette fronde ne semble pas prospérer. Pour preuve, quand le porte-parole dudit parti, Abdoulaye Wilane, qui n’a jamais caché ses ambitions de diriger le Sénégal, est allé affirmer, il y a quelques semaines sur le plateau du Grand Jury de la RFM, que Macky Sall n’avait pas droit à un 3e mandat et que le PS allait sûrement avoir son candidat le moment venu, a ravalé sa salive après avoir été recadré lors d’un conclave. l’ancien maire de Kaffrine, qui bénéficie d’un siège de député au grès de l’alliance avec Macky Sall, est revenu sur ses dires en accusant les journalistes d’avoir détourné ses propos. Classique comme méthode politicienne de se dédire.

Alors que le débat sur la 3e candidature de Macky Sall en 2024 est agité par ses partisans de l’APR, le Parti socialiste refuse toujours de s’assumer pour tenter une reconquête du pouvoir. Ayant accompagné Macky Sall durant ces onze années de règne, les Socialistes ont laissé le terrain à d’autres forces politiques comme le Pastef de Ousmane Sonko, Taxawu Sénégal de Khalifa Sall qui ont mis en place Yewwi Askan Wi, le PDS et ses alliés qui évoluent dans la coalition Wallu Sénégal. Ces deux forces politiques ont d’ailleurs fait perdre la majorité absolue à la mouvance présidentielle lors des dernières élections Législatives. C’est la première fois que cela arrive dans l’histoire politique sénégalaise.

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