Le président Macky Sall a annoncé le 6 novembre 2022 que le gouvernement prendrait des dispositions pour tirer baisser les prix de certains produits de base. Une initiative qui fait le bonheur des consommateurs, mais dont l’application chez les commerçants risque de poser problème. Un tour au marché Castor a révélé que lesdites mesures vont peut-être mettre plus de temps avant d’être effectives. Pour cause, les commerçants affirment que c’est impossible de vendre leurs stocks actuels à des prix aussi « dérisoires ».
Pour alléger les ménages dans leurs dépenses quotidiennes, le Président Macky Sall a adopté plusieurs arrêtés fixant de nouveaux tarifs pour le sucre, le riz et les huiles végétales qui devraient être adoptés ce jeudi 10 novembre au plus tard. Pour vérifier l’effectivité de ces mesures, une équipe de PressAfrik s’est rendue au marché Castor pour voir la situation. Une fois sur place, les commerçants interrogés ont affirmé que rien n’a changé.
Assise devant sa boutique, Awa Thiadoum commerçante au marché Castor a affirmé qu’ils ne peuvent pas baisser aussi facilement les prix. « L’initiative du Président Macky Sall de diminuer les prix des denrées alimentaires est une très bonne chose parce que nous sommes fatigués. La majeure partie des mères et pères de famille qui vivent au Sénégal peinent à joindre les deux bouts pour assurer la dépense quotidienne à cause de la cherté de la vie. Alors quand le Président annonce qu’on va diminuer les prix, on est heureux. Mais cette mesure ne peut être effective que lorsque les prix sont moins chers chez les fournisseurs. Parce que si on achète moins cher là-bas on vendra moins cher ici. Si on se lève un bon jour comme ça pour dire que le Président Macky Sall impose la diminution des prix, c’est impossible. En tant que commerçant, on a d’importants stocks de marchandises qu’on a achetés à des prix beaucoup plus élevés. De ce fait, c’est quasiment infaisable de vendre ça en respectant les nouveaux prix. Il faut au moins qu’on écoule ces produits, après cela, on peut penser à appliquer les directives du Chef de l’État », justifie t-elle.
D’ailleurs, certaines personnes restent sceptiques face à ces mesures. Elles attendent de les voir se matérialiser. C’est le cas de cette mère de famille Aissatou Diop qui est venue faire ses courses et qui affirme avec dédain qu’elle ne croit pas à cette baisse. « Se c’est pour seulement diminuer 25 francs, il peut laisser. J’ai parcouru le marché, mais rien n’a changé, on achète au même prix. La diminution dont il parle, il l’avait dit en 2014, mais ça n’a jamais changé. Ce n’est que de la poudre aux yeux » assure la dame.
Des ventes avec perte
Pour Malick Diaw, la date est trop proche pour adopter ces nouvelles mesures. « Il aurait au moins dû laisser du temps aux commerçants d’écouler les marchandises acheter avant. Parce que personne ne veux vendre avec perte. J’avais acheté mes marchandises depuis le temps des augmentations, je ne peux pas respecter les prix de Macky Sall. Ces marchandises qu’on possède sont achetées à des prix trop élevés. On ne peut pas venir un bon jour comme ça et le bazarder. Par exemple, moi j’ai un peu de mon stock de sucre qui me reste, mais une fois que c’est fini, je ne vais plus vendre du sucre tant que le prix chez le fournisseur n’a pas baissé de même que l’huile et le riz non-parfumé. L’État nous met en mal avec nos clients, car tant que nos stocks ne seront pas terminés, nous ne pourrons pas diminuer », assure M .Diaw.
En effet, une tour chez quatre commerçants nous a fait constater que le riz non-parfumé n’est plus vendu par beaucoup de commerçants dans le marché. Pour cause, « c’est devenu une vente avec des perte ». « J’ai fini le stock de riz non-parfumé que j’avais, mais je ne vais plus en revendre. Le sac coûte 17 mille et je détaille ça à 300 francs le kilo. Ca veut dire que je travaille pour donner aux gens, je n’ai aucun bénéfice dans cette vente si ce n’est des perte. Je ne peux pas vendre mes marchandises à des prix aussi dérisoires compte tenu du prix auquel je les achète. On a besoin de délai pour s’adapter à ces mesures, car tout ceci est trop brusque », souffle le sieur Diaw.
« On ne peut pas faire ce que Macky Sall demande »
Trouvé dans sa boutique sise au marché Castor, Saliou Ndiaye, commerçant, soutient que l’État doit prendre en considération les réalités de leurs activités. « Tous les commerçants sont d’accord pour qu’on baisse les prix, mais il doit donner un délai qui permettra aux commerçants de vendre leur stock déjà acheté. En ce moment, je me dispute avec de nombreux clients sur le sujet, car ils veulent coûte que coûte que nous baissons les prix alors que les réalités sont autres. Le prix avec lequel on a acheté ces marchandises est très élevé. Du coup, on ne peut faire ce que Macky Sall demande. Sur les produits que nous vendons, on a 100 francs ou 25 francs de bénéfice. On ne peut pas acheter une chose à mille francs et le revendre à 700 francs sinon on fait faillite. Ce qu’on n’acceptera pas. Dans notre travail, on a des factures. Tout ce qu’on achète est marqué là-dessus de même que ce l’on vend pour montrer que les prix sont objectifs. Les gens ne font pas la différence entre un commerçant et grossiste, car celui qui fabrique les produits pour les vendre n’est pas le même que ceux qui achètent et revendent aux détaillants. De ce fait, c’est une chaîne de commerce, si les prix diminuent de là où sont produits les marchandises, nous on va acheter moins cher et vendre moins cher. Dans le cas contraire, on se base aussi sur les prix chez le fournisseur. Parfois, tu achètes 20 tonnes de riz et tu le stockes en vendant par 10 sacs et brusquement, on vient te dire que les prix ont été baissés. C’est le défaut du gouvernement parce qu’il ne discutent pas avec nous et prennent des décisions sans nous concerter ni connaître les réalités de notre travail », dénonce M .Ndiaye.
Rédigé Par Ndeye Fatou Toure