À la très haute Attention du Président de Reporters sans Frontières
47 rue Vivienne – 75002 Paris
Objet : Information liée à l’arrestation d’un journaliste d’investigation sénégalais, M. Pape ALE NIANG
Le dimanche 06 novembre 2022, le journaliste d’investigation sénégalais, M. Pape Ale Niang, administrateur du site d’informations en ligne « Dakarmatin.com » a été interpellé illégalement par les autorités policières sénégalaises, sur ordre du Procureur de la République pour « diffusion de fausses nouvelles, recel de documents administratifs, et divulgation de documents estampillés secret défense ».
La protection des sources journalistiques, garantie fondamentale de la liberté de la presse et du droit du public à l’information, est consacrée par les instruments juridiques internationaux, précisément par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Charte des journalistes du Sénégal précise que « le citoyen sénégalais a droit à une information exacte, pluraliste et impartiale en vue de mieux exercer son droit à la satisfaction de ses aspirations et interdit en son article 11 au journaliste de divulguer ses sources en ces termes “le journaliste doit garder le secret professionnel et ne pas divulguer ses sources d’informations devant quelque instance que ce soit”.
Pape ALE NIANG est un journaliste chevronné, sérieux et consciencieux. Membre de la Cellule Norbert ZONGO (CENOZO), une organisation qui regroupe plus de 60 journalistes d’investigation d’Afrique de l’Ouest, il a permis de rendre public de nombreuses affaires de corruption, qui touchent le régime en place. M. NIANG est un ardent défenseur de la transparence et du bon usage des deniers publics. Son professionnalisme, sa volonté de contribuer à la construction démocratique de son pays et à l’éveil des consciences ainsi que son désir profond d’informer ses compatriotes sur la situation de leur pays et les événements du monde lui ont permis d’une part, de forger une solide réputation dans l’espace public et médiatique sénégalais et d’autre part, de bénéficier de la confiance de l’immense majorité de ses confrères journalistes.
M. Pape ALE NIANG a été arrêté alors qu’il travaillait sur un dossier sensible de nature à éclabousser le régime en place. Nous tenons à vous faire part de notre profonde indignation liée à son arrestation et sommes extrêmement inquiets quant à d’éventuels mauvais traitements pouvant porter atteinte à son intégrité physique et morale. Son interpellation s’inscrit dans un contexte inédit de multiplication des actes de répression par le pouvoir, et d’arrestations arbitraires de citoyens, d’activistes, de journalistes, de militants de droits de l’homme au Sénégal. Lors d’une récente visite au Sénégal le 28 octobre 2022, la Secrétaire Générale d’Amnesty International a dénoncé les multiples atteintes à la liberté de manifester, l’usage excessif de la force par les forces de défense et de sécurité, suite aux violentes émeutes de mars 2021 qui ont entraîné la mort de 14 citoyens sénégalais, l’inaction de la justice et les menaces contre la liberté d’expression. Les journalistes sénégalais doivent pouvoir exercer librement leur métier sans crainte d’être épiés, menacés, arrêtés ou intimidés.
M. Pape ALE NIANG est un journaliste d’investigation, un lanceur d’alerte pacifique, soucieux de la construction de l’état de droit et du devenir démocratique de son pays. De surcroît, ses activités publiques et relayées par divers supports médiatiques, sites et réseaux sociaux, ne sont, en aucune manière, répréhensibles. Il a animé de nombreuses conférences en Afrique, en Europe et aux Etats Unis pour défendre la liberté de la presse. Son arrestation vise à le réduire au silence, à étouffer l’une des voix du peuple sénégalais et à limiter son droit à être informé. Le Secrétaire Général des Nations Unies, M. Antonio Guitteres magnifie la liberté de la presse, précisant qu’elle « permet de mettre les dirigeants devant leurs responsabilités et d’exprimer la vérité face au puissants ».
Monsieur le Président, Reporters sans frontières est une organisation internationale qui défend la liberté de la presse, une liberté fondamentale consacrée par la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen de 1789 et la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Aussi, je vous saurais gré de bien vouloir, saisir les autorités sénégalaises afin de créer les conditions d’une libération immédiate et inconditionnelle du journaliste Pape ALE NIANG dont le métier, qui est de permettre l’accès au droit à l’information au public, a été entravé.
Dans l’espoir d’une réaction rapide de votre part, veuillez recevoir, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
Seybani SOUGOU