Rétablir Karim Wade dans ses droits civiques et politiques, le respect du parallélisme des formes s’impose !!!
Karim Wade n’a pas été condamné par une « Gacaca », une juridiction populaire connue au Rwanda ; encore moins par une institution politique comme l’Assemblée nationale dont on veut user et abuser pour le rétablir dans ses droits civiques et politiques neutralisés suite à sa condamnation. C’est à travers une juridiction assez monstrueuse, dénommée Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI) qui était en veilleuse et ressuscitée après la seconde alternance politique pour briser les ambitions politiques de certains hommes, que Karim WADE fut condamné à six ans de prison et privé de ses droits civiques et politiques suite à la révision de la loi électorale. Il appartient et revient à cette juridiction de réviser le procès en question, d’accepter les irrégularités majeures pour rétablir Karim WADE dans ses droits. Le respect du parallélisme des formes s’impose dans ce cas de figure. Autrement dit, il faut que le régime en place ressuscite pour la seconde fois, la même Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite mise encore en veilleuse depuis la condamnation de Karim WADE.
Même si l’actuel Ministre de la justice et Garde des Sceaux, Ismaila Madior FALL soutient qu’il n’existe pas un fait nouveau pour réviser le procès et que la révision du procès demeure aléatoire par ce qu’elle peut soit, aboutir à l’annulation de la condamnation, soit au maintien de la condamnation, soit à l’aggravation de ladite condamnation, plusieurs argumentaires justifient la révision du procès de Karim WADE au niveau de la CREI.
1 ABSENCE D’UN PROCES EQUITABLE POUR KARIM SELON LE SYSTEME ONUSIEN ET VIOLATION D’ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX
Il est regrettable que la CREI, une juridiction spéciale d’un autre âge, ait été réactivée sans avoir été mise en conformité avec les principes les plus élémentaires du droit moderne et des droits de la défense. La CREI ne prévoit aucune possibilité d’appel, et ses règles de procédures qui renversent la charge de la preuve vont à l’encontre de tout système juridique respectueux des droits de l’homme, de la présomption d’innocence. Le renversement de la charge de la preuve, une des particularités majeures de la CREI qui lui font un monstre judiciaire qui pourra être déterré demain pour n’importe quel acteur va à l’encontre de la règle fondamentale selon laquelle, Il n’appartient pas à la partie défenderesse de prouver son innocence, mais plutôt à la partie plaignante de prouver la culpabilité de l’autre. La CREI est une juridiction spéciale avec des règles de procédures qui bafouent et piétinent le droit à un procès équitable.
D’ailleurs, c’est dans ce sens que le Comité onusien des Droits de l’Homme affirme sans ambages que le droit à un procès équitable de Karim Meïssa Wade, condamné pour enrichissement illicite en 2015 a été violé. Le mécanisme onusien va au-delà même en déclarant que « la déclaration de culpabilité et de condamnation contre Karim WADE doit être réexaminée ».
La CREI telle qu’elle est façonnée, n’est pas compatible avec les engagements internationaux du Sénégal en matière de procès. Cette juridiction spéciale est incohérente par rapport au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le Sénégal est signataire. Celui-ci prévoit que « toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi ». Or, en l’espèce, Karim WADE n’a pas la possibilité de saisir une autre juridiction en appel. Eu égard à ces quelques considérations, la révision du procès par la même juridiction s’impose !!!
2. L’OPTION DE PLUSIEURS POSSIBILITES POUR RETABLIR LES MIS EN CAUSE DANS LEURS DROITS CIVIQUES ET POLITIQUES
Lors du Conseil des Ministres du 28 septembre 2022, le Président de la République, Macky SALL, demande au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, d’examiner, dans les meilleurs délais, les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdu leurs droits de vote. A ce titre, le Président reconnait et affirme la possibilité de recourir à divers moyens pour réhabiliter ou rétablir les personnes ayant perdu leurs droits civiques et politiques à la suite d’une condamnation. Autrement, il n’est pas inscrit ou dit que seule la loi d’amnistie est l’unique moyen ou voie pour rétablir les personnes concernées. A coté de l’amnistie, il y’a également la révision du procès.
3. A QUI PROFIERTAIT UNE LOI D’AMNISTIE ?
Il ne faut pas perdre de vue qu’une loi d’amnistie, qui par essence efface des faits, profiterait exclusivement à Karim WADE et à Khalifa SALL. Il y’a un objectif inavoué pour le régime en place pour voter une loi d’amnistie et heureusement, il y a un équilibre des forces à l’Assemblée nationale !!!
Pourquoi la loi d’amnistie reste et demeure l’option privilégiée et préférentielle pour le régime en place ? L’explication est assez simple : la portée de la loi d’amnistie, son étendue couvrirait et protégerait inéluctablement certains pions du régime impliqués dans des gestions douteuses ou qui pourraient être poursuivis pour détournement de derniers publics, d’enrichissement illicite. Si Karim et Khalifa sont au-devant de la scène (les deux arbres qui cachent la forêt), en effaçant tous les faits incriminés et constitutifs de détournement de deniers publics, d’une telle période à une telle période, par exemple de 2 000 à 2021, la loi d’amnistie profitera également aux hommes politiques du régime en place ; ils ne pourront plus être poursuivis.
Inévitablement, la loi d’amnistie qui sera votée s’étendra sur deux périodes différentes en raison des deux personnes qui sont en ligne de mire et qui servent de prétexte : Karim WADE (période 2000-2012) ; Khalifa SALL (période 2009-2018-Maire). Tous les faits constitutifs de détournement de deniers publics pourraient être considérés comme n’avoir jamais existés par une future loi d’amnistie. Ainsi, les bénéficiaires de la loi ne seront pas seulement Karim WADE et Khalifa SALL (Ministres et Directeurs généraux et autres du régime en place en seront bénéficiaires). Telle était également la portée de la loi Ezzan !!!
Eu égard à toutes ces considérations, en réalité ce sont plus les dirigeants actuels qui sont demandeurs pour une loi d’amnistie et non Karim WADE qui souhaite une révision de son procès, une limitation du dossier sur sa propre personne pour laver son honneur.
Non à une loi d’amnistie extensive qui servira de couverture et de protection aux actuels dignitaires du régime pour une leçon simple de bonne gouvernance et de transparence !!!
Dr Aliou NIANG
Docteur en Droit International Economique
Consultant International