Mimi, l’autre cauchemar de Macky

par pierre Dieme

Il existe désormais à l’Assemblée Nationale et dans mouvance présidentielle ce qui peut être appelé le «cas Aminata Touré».

Nouvelle brouille entre le président de la République, Macky Sall et son ancien Premier ministre, Aminata Touré «Mimi». Cette énième, après celles de 2014 (remplacement par Mahammed Boun Abdallah Dionne à la Primature) et 2019 (remplacement par Idrissa Seck à la présidence de Conseil économique social et environnemental) entre les deux personnalités du pays risque de déboucher sur un mortal kombat en perspective de la Présidentielle de février 2024. D’emblée, la posture de Aminata Touré au sein de l’Assemblé nationale fragilise la mouvance présidentielle qui n’est plus sûr de pouvoir compter sur son vote pour avoir une majorité absolue des 83 députés.

Il existe désormais à l’Assemblée Nationale et dans mouvance présidentielle ce qui peut être appelé le «cas Aminata Touré». Tête de la liste de la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar (Bby), aux dernières élections législatives, l’ancienne Première ministre n’a pas été choisie par le président de la République Macky Sall pour diriger l’Assemblée Nationale.

Se sentant trahi, après avoir parcouru plus de 5175 kilomètres en tant que tête de liste de la coalition BBY, l’ancienne Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a préféré boycotter les séances d’avant-hier et hier, mardi 13 septembre pour manifester son désaccord avec le Chef de l’Etat qu’elle accuse d’avoir «privilégié les relations familiales au détriment du mérite militant».

Mieux, dans un sms envoyé à Oumar Youm, elle réaffirme son refus de voter pour Amadou Mame Diop pour la présidence de l’Assemblée Nationale. Elle confirmera ce refus hier, mardi 13 septembre, via un tweet. «Comme, je l’ai fait hier lundi 12 septembre 2022 (avant-hier, Ndlr), je le réaffirme ce 13 septembre 2022 (hier, Ndlr), je n’ai pas donné procuration au député Farba Ngom pour voter en mon nom», soutient-elle.

Au micro de rfi et dans une interview avec l’Observateur, Mimi déclare : « Je n’ai pas participé au vote par principe. J’estime que le critère de sélection du candidat de Benno n’était pas objectif, c’était plus un critère familial que relevant du mérite militant. J’aurais pu me satisfaire d’un arrangement politique, d’un strapontin bien payé, mais non. Donc, il faut aussi que nos organisations fonctionnent de manière rationnelle, que le mérite revienne comme critère de sélection, parce que tout le monde n’a pas le bras long, tout le monde n’est pas le cousin ou l’arrière-cuisine du président de la République».

Protestant contre la décision présidentielle de faire d’Amadou Mame Diop, le président de l’Assemblée Nationale, Aminata Touré soutient également, « je n’ai rien contre le monsieur, mais commençons par avoir le courage aussi de dire non, quand c’est la préférence familiale qui passe avant le mérite. Et ça, c’est également, en fait, en direction des femmes. Souvent, on pense que c’est comme à la maison, on fait le ménage, etc., et c’est gratuit. On est là pour servir les autres et puis après, vous retournez d’où vous venez. Vous dirigez la liste, vous gagnez, mais il faut que ce soit un homme qui vienne s’assoir. Non ! C’est quand même 5 175 kilomètres, l’actuel président de l’Assemblée nationale, il ne l’a pas fait ».

DE BROUILLE EN BROUILLE

Cette position porte à croire que l’ancienne Première ministre s’est définitivement démarquée de la coalition présidentielle qu’elle a portant dirigé et défendu depuis 2012. Elle a été directrice de campagne du candidat de la coalition Macky2012 dirigée par le candidat Macky Sall. Après la victoire en mars 2012, elle va hériter du poste de Garde des Sceaux, ministre de la Justice, marqué la «traque des biens supposés mal acquis». Puis, elle migre à la station primatoriale pour accélérer la cadence jugée trop lente avec Abdoul Mbaye. Mimi Touré sera remplacée ensuite par Mahammed Boun Abdallah Dionne.

Après une période d’hibernation, de brouille avec le Chef de l’Etat, elle revient au pouvoir avec le statut d’Envoyée Spéciale du Président de la République avant d’atterrir à la présidence du Conseil économique social et environnemental (CESE). Mais contre toute attente, elle sera renvoyée et remplacée par son «ennemi» juré Idrissa Seck.

Tel un phénix, elle renait à nouveau des cendres et reprend les commandes de la coalition BBY pour les Législatives du 31 juillet 2022. Elle s’en sort avec 82 députés. Elle s’attendait alors à rentrer dans l’histoire en devenant la première femme à installer au Perchoir. Que nenni ! Macky Sall comme en 2019, prend le contre-pied de tous les analystes politiques. Une nouvelle brouille s’installe à nouveau entre les deux personnalités qui peinent à s’entendre. Sauf que cette fois, la rupture semble définitive. Et pour cause, tout porte à croire que le Président de la République Macky Sall va tenter une 3ème candidature à la Présidentielle de février 2024, à laquelle, Aminata Touré s’occupe de toutes ses forces. On s’achemine inéluctablement vers un mortal kombat.

ABSENTE MAIS PAS DEMISSIONNAIRE

Pour une question de stratégie politique, Aminata Touré a tenu à préciser qu’elle ne démissionne pas de l’Assemblée nationale encore moins de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY). Une démission de cette coalition entrainerait de facto la perte de son mandat comme le prévoit la loi. Elle en est consciente. Sa nouvelle posture à l’Assemblée Nationale ne sera pas profitable à ses anciens alliés. La perte de sa voix remet déjà en question la majorité de la mouvance présidentielle. Avec 83 députés, le camp de Macky Sall, était obligé de se rabattre sur le député Pape Diop pour avoir une voix de plus que les opposants. Maintenant, la répartition des députés sera équitable. Ils auront chacun 82 députés (pouvoir et opposition).

Le vote de Mimi Touré sera donc déterminant et très convoité. A côté de cette «forfaiture» qui serait l’acte de trop, Aminata Touré dénonce une injustice fréquente depuis son compagnonnage avec le président de la République, Macky Sall. Ecarter Aminata Touré après qu’elle a dirigé la campagne législative et mené la bataille postélectorale avec des conférences de presse à des heures tardives voire impossibles, ne traduit-il pas cette idée toujours dénoncée par des organisations féministes faisant de la femme, un escalier politique ou d’un simple moyen d’ascension à larguer après usage ? Ce qui est au moins sûr c’est que sa nouvelle posture fera d’elle, le député le plus convoité. Pis, elle pourrait être un véritable cauchemar pour Macky Sall qui peine déjà à se débarrasser de Ousmane Sonko.

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