«Après la parenthèse Covid-19, il se pourrait bien qu’on aille vers un gouvernement de majorité présidentielle élargie»

par admin

La pandémie du Coronavirus a-t-il son côté positif dans la sphère politique, avec le constat d’un certain gentleman agrément entre le chef de l’Etat, Macky Sall et son opposition ? La réponse semble couler de source pour le journaliste analyste politique Momar Diongue qui pense «qu’à quelque chose malheur est bon», dans la mesure où le chef de l’Etat, tout comme son opposition sont dans la logique de pacifier la sphère politique.

Toute chose qui lui fera dire que si la dynamique de la décrispation se maintenait jusqu’après l’épisode du Covid-19, vu la situation économique et sociale du pays, le président Macky Sall pourrait ouvrir les portes de son gouvernement à l’opposition, dans le cadre d’un gouvernement de majorité présidentielle élargie. Cela, si bien évidemment il parvient à gérer cette crise dans la transparence.

Comment appréciez-vous l’impact du Covid-19 sur la sphère politique sénégalaise ?

On a l’habitude de dire «à quelque chose, malheur est bon». C’est exactement le cas avec le Covid-19 qui s’est signalé au Sénégal. Ma conviction est que le Covid-19 va marquer un tournant au sein de la politique au Sénégal. Le Covid-19 va renforcer la pacification au sein du paysage politique. On a remarqué qu’il y avait ce tournant-là qui avait été marqué, au lendemain de la réélection du président Macky Sall. Il s’est rapproché du président Abdoulaye Wade, à la faveur des retrouvailles de Massalikoul Djinane. Ensuite, il s’est rabiboché de Khalifa Sall, avec l’élargissement dont il a bénéficié. Il s’est également rapproché de l’opposition de manière générale, quand il a pris l’initiative de lancer le dialogue national et a eu la réponse positive de l’opposition qui, jusque-là, rejetait son appel. Quand le Covid-19 s’est signalé au Sénégal, il a pris le soin de rencontrer un à un les principaux leaders de l’opposition pour échanger avec eux sur la question. C’est ce qui lui a valu d’ailleurs le vote, par l’Assemblée nationale, d’une loi d’habilitation. Donc, c’est ce climat de pacification qui s’est déclaré au Sénégal, depuis l’élection présidentielle, avec un président Macky Sall qui est plutôt soucieux de pacifier ses relations avec l’opposition contrairement à tout ce qu’on avait dit durant le premier mandat. Il était tellement obsédé par la quête d’un second mandat qu’il ne faisait pas de quartier à l’opposition. Il n’y avait aucun compromis possible. Ses relations étaient particulièrement durcies avec l’opposition. Avec le cas Karim Wade, la rivalité avec le Pds qui était au plus fort, l’emprisonnement de Khalifa Sall, la position unilatérale qu’il a pris d’imposer le parrainage. Vous vous rendrez compte que ce scénario n’a rien à voir avec le scénario d’après élection présidentielle : un président Macky Sall qui est, cette fois ci, dans sa posture présidentielle plutôt dans une sorte de vent de décrispation dans ses relations avec l’opposition.

Croyez-vous que cette dynamique de pacification des relations entre le chef de l’Etat et son opposition puisse tenir longtemps ?

Je crois qu’on sera dans cette dynamique pendant très longtemps. Vous aurez remarqué d’ailleurs qu’il y a comme une sorte de gentlemen agrément entre l’opposition et le président Macky Sall. Quand il y a eu ces soupçons de corruption dans l’attribution du marché du transport des denrées alimentaires et dans l’attribution des marchés de riz, vous vous êtes rendu compte que c’est plutôt la société civile qui a porté le combat pour la transparence et qui a obligé le président Macky Sall à rectifier le tir, sans l’opposition. L’opposition est jusque-là dans une sorte de gentlemen agrément avec le président Macky Sall et veut s’inscrire dans ce vent de décrispation et se garde même de l’accuser ou de l’attaquer. En revanche, vous avez vu que c’est d’abord Birahim Seck qui a eu à dénoncer ce qu’il considère comme un discriminant lorsqu’on a lancé un marché de transport en disant que «tout soumissionnaire devrait avoir 50 camions». Vous remarqué que c’est un constitutionnaliste membre de la société civile, Ngouda Mboup qui a dénoncé le fait qu’un marché puisse être attribué à Diop Sy en violation des règlements de l’Assemblée nationale. Vous vous êtes aussi rendu compte que les voix qui se sont le plus élevées pour dénoncer cet aspect là, c’étaient les Moundiaye Cissé, Valdiodio Ndiaye. C’étaient les membres de la société civile. Pendant tout ce temps-là, l’opposition s’est gardé d’aller dans la critique comme elle avait l’habitude de le faire, parce que justement on est dans la logique de décrispation qui fait comme s’il y une sorte de gentlemen agrément entre Macky Sall et l’opposition.

Peut-on dire autant pour le président de la République ?

Même le président Macky Sall veut rester dans cette dynamique. Je vous donne deux exemples qui le prouvent. Quand la campagne d’information et de sensibilisation contre le Covid-19 a été lancée, on a vu qu’il y avait un certain nombre d’affiches où il y avait son portrait. Il a tapé du poing sur la table, en conseil des ministres, pour demander qu’on l’enlève parce qu’on n’était pas en campagne électorale et qu’il fallait insister sur autre chose que sur sa propre photo. La deuxième chose, c’est quand il devait y avoir le vote de la loi d’habilitation et que le ministre de la Justice a voulu introduire un amendement qui pouvait casser le consensus, il a demandé à sa majorité d’enlever l’amendement-là automatiquement pour que le consensus ne soit pas cassé. Donc, d’une part Macky Sall est dans cette dynamique de décrispation et de gentlemen agrément avec l’opposition et d’autre part l’opposition, qui se garde de critiquer quoique ce soit et s’est rangé derrière le président, est également dans cette dynamique de décrispation. C’est pour cela que j’ai dit que à quelque chose malheur est bon et que le Covid-19 va plutôt renforcer ce vent de décrispation et de pacification du climat politique.

Alors, à quoi peut-on s’attendre après la page Covid-19, surtout avec cet élan de pacification et de gentlemen agrément que vous décrivez entre le chef de l’Etat et son opposition ?

Après la parenthèse du Covid-19, comme c’est le propre de toutes les épidémies, ça va passer, ma conviction est qu’il se pourrait que la situation économique et sociale soient tel que le président Macky Sall sera peut être obligé d’aller vers un gouvernement de majorité présidentielle élargie. Je n’exclue pas cette perspective, si on reste dans cette dynamique de décrispation. Avec ce gentleman agrément qui existe entre lui et l’opposition, il se pourrait même qu’au sortir de cette parenthèse, vu que la situation économique sera catastrophique, vu que la situation sociale sera difficile, le président Macky Sall soit enclin de rester dans cette dynamique et de demander à des forces de l’opposition qui le souhaiteront de venir le rejoindre dans le cadre d’un gouvernement de majorité présidentielle élargie.

Quel risque encourt le chef de l’Etat, si toutefois, la crise du Covid-19 était mal gérée et que les soupçons de scandales se confirmaient ?

Si les soupçons se confirmaient, il risque de briser cet élan de consensus. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’il a très vite réagi en mettant en place ce Comité de suivi et de supervision de la mise en œuvre du Fond Covid-19, en nommant à sa tête le général François Ndiaye et en prenant le soin d’y mettre des organisations consuméristes, des membres du patronat, l’Assemblée nationale toute sensibilité confondue, des membres de la société civile, des partis politiques, etc. Parce qu’il sait en réalité que c’est dans la transparence dans la gestion du Covid-19 que dépendra la bonne disposition de l’opposition à l’accompagner dans ce combat. Il avait mal démarré, parce qu’il avait mis la charrue avant les bœufs, en lançant l’opération sans que ce comité-là soit mis en place. Mais, il a très vite rectifié. S’il reste dans cette dynamique, il pourra sceller ce consensus et si ce consensus va jusqu’au bout, après la parenthèse Covid19, il se pourrait bien qu’on aille vers un gouvernement de majorité présidentielle élargie.

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