L’office du Juge, c’est le devoir d’ingratitude ».
Le Préambule de la Constitution consacre le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs entre l’Exécutif, le législatif et le judiciaire. Aux termes de l’article 4 des statuts de l’Union des magistrats sénégalais, le but de l’UMS st de « défendre et illustrer l’indépendance de la Magistrature telle qu’elle a été proclamée par la Constitution sénégalaise ». De 2017 à 2021, l’ancien bureau de UMS, s’est constamment évertué à défendre les intérêts moraux, matériels et professionnels des magistrats en formulant des propositions fortes, novatrices et audacieuses afin de garantir l’indépendance de la justice sénégalaise. 1 an après l’installation du nouveau bureau exécutif, présidé par le juge Ousmane Chimère DIOUF, l’UMS est dans l’impasse et s’engage dans la voie de l’asservissement (les acquis obtenus par les anciens bureaux de l’UMS, d’Abdoul Aziz Seck à Teliko sont fragilisés, voire menacés).
Alors que les sénégalais attendaient que le nouveau président de l’UMS décline sa feuille de route, définisse une ligne claire et poursuive le chantier engagé par ses prédécesseurs pour l’indépendance de la justice ; sa fuite en avant permanente et sa propension à solliciter des audiences au palais pour « partager avec Macky SALL, les préoccupations des magistrats » constituent un très mauvais signal pour l’indépendance de la magistrature, accroissent le climat de défiance à l’égard des juges, et confortent le sentiment que la justice sénégalaise est assujettie au pouvoir exécutif (en moins d’un an, le nouveau bureau de l’UMS est allé 2 fois au palais).
Disons-le clairement : Ousmane Chimère DIOUF n’a pas élu Président de l’UMS pour gérer sa carrière professionnelle ou solliciter à tout va des audiences avec Macky SALL. Son rôle est d’incarner les idéaux de l’UMS et d’œuvrer ardemment pour l’indépendance de la justice qui n’est pas un privilège accordé au magistrat, mais vise à privilégier l’intérêt de l’Etat de droit et de tout citoyen demandant une justice impartiale. L’indépendance de la justice, c’est d’abord la garantie du respect des droits de l’homme et de l’application impartiale du droit. Les justiciables attendent une réforme du Conseil supérieur de la magistrature, son affranchissement de la tutelle de l’exécutif, et un réaménagement au niveau de sa composition et de son fonctionnement.
Il faut donner au CSM (conseil supérieur de la magistrature) la gestion intégrale des carrières, pour les magistrats du siège, comme pour ceux du parquet, en lui rattachant la Direction des Services Judiciaires et en supprimant, pour tous les postes, le pouvoir de proposition du Ministre de la Justice. Pour empêcher les méthodes de verrouillage de l’action publique, les techniques d’asphyxie des « affaires des nombreux scandales et crimes économiques impunis sous Macky SALL », et éviter que le Parquet ne soit le bras armé du pouvoir exécutif, Il faut octroyer au CSM un pouvoir de proposition sur les postes de procureurs et procureurs généraux, et soumettre les nominations des magistrats du parquet à l’avis conforme du CSM. Pour protéger les magistrats des pressions, et éviter que le risque disciplinaire volontairement entretenu par l’exécutif ne conduise les magistrats à s’autocensurer, il faut revoir intégralement la procédure disciplinaire, en codifiant la phase antérieure aux poursuites, et en donnant au CSM le pouvoir de mener des enquêtes (l’Inspection Générale de l’administration de la Justice doit être rattachée au CSM et non au cabinet du Ministre de la Justice). Le principe de l’inamovibilité consacré par l’article 90 de la Constitution doit être réaffirmé, en encadrant de manière stricte le recours à la notion de nécessité de service et d’intérim. De fait, le principe de l’inamovibilité a été vidé de sa substance par le pouvoir exécutif qui affecte de manière arbitraire, les magistrats jugés « indépendants » (l’affaire NGOR DIOP en est une parfaite illustration).
L’indépendance de la justice n’est pas uniquement l’affaire des magistrats (la justice est rendue au nom du peuple sénégalais et concerne tous les citoyens). L’indépendance de la justice est pour le justiciable la condition d’un procès équitable et pour le magistrat, la condition de sa légitimité.
On le voit donc, les chantiers sont nombreux pour l’UMS. La présidence d’Ousmane Chimère DIOUF, fondée sur une collaboration avec le pouvoir exécutif, ne doit pas se faire au prix d’accommodements, de renoncements, de calcul et de simple gestion d’une carrière personnelle. Par ailleurs, la mission de L’UMS ne saurait se résumer à la recherche d’avantages matériels et financiers. Le cœur de sa mission est de contribuer au renforcement des valeurs qui fondent le rayonnement de la justice à savoir l’indépendance et l’impartialité. Et pour cela, l’actuel Président de l’UMS qui est la voix des magistrats doit avoir le courage d’interpeller les pouvoirs publics sur les carences institutionnelles graves qui relèvent de leur entière responsabilité, les violations de la loi et les multiples entorses préjudiciables à l’état de droit et à une bonne administration de la justice.
Le congrès de l’UMS des 20 et 21 aout 2022 doit être l’occasion de faire un état des lieux de la justice sénégalaise en état de déliquescence, de s’interroger sur ses pratiques, son fonctionnement, sa partialité manifeste sur certains dossiers et mettre un terme aux accointances de certains magistrats avec le pouvoir exécutif.
Les dernières décisions du Conseil Constitutionnel portant sur l’irrecevabilité partielle d’une liste de candidats aux élections législatives du 31 juillet 2022, ont porté un coup fatal à l’image de la justice sénégalaise et fini de ruiner le peu de crédibilité dont elle disposait encore.
Les citoyens sénégalais attendent de l’actuel président de l’UMS, non pas des atermoiements, des communiqués sans lendemain ou une fuite en avant, mais une ligne claire, et une position pleinement assumée portant sur l’engagement ferme d’œuvrer pour promouvoir l’indépendance de la justice sénégalaise, conformément aux statuts de l’UMS.
Cordialement
Seybani SOUGOU
Nota bene :
Les pressions exercées sur la femme de François MANCABOU qui a été torturé lâchement jusqu’à ce que mort s’en suive sont inacceptables, intolérables et injustifiables. Elles doivent cesser immédiatement et sans délai.
Nous tenons l’Etat du Sénégal responsable pour tout ce qui arrivera à la femme de François MANCABOU, qui au moment où elle est frappée par un deuil, subit les assauts du régime de Macky SALL (l’indécence n’a plus de limites).
Le peuple réclame Justice pour FRANCOIS MANCABOU, dont la mort continuera de hanter les nuits c’un régime de criminels.
Seybani Sougou
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