Accès à l’énergie en Afrique : Les Sociétés d’Electricité d’Afrique à Dakar pour relever le défi

par pierre Dieme

Septième pilier des objectifs de développement durable – ODD des Nations-Unies, l’accès aux services énergétiques fiables, durables et modernes à un coût abordable, reste toujours un défi majeur pour l’Afrique. Pour relever ce défi, l’Association des Sociétés d’Electricité d’Afrique – ASEA, qui a pour but de promouvoir le développement et l’intégration du secteur électrique africain par une coopération active entre ses membres, a tenu du 14 au 21 juillet 2022, son 20e congrès sur l’accès à l’électricité en Afrique à Dakar.

Avec pour mission d’être le vecteur principal de la réalisation de l’accès à l’électricité pour tous les peuples d’Afrique, les sociétés membres l’Association des Sociétés d’Electricité d’Afrique – ASEA sont réunies autour des valeurs fondamentales d’intégrité, de transparence, de responsabilité, d’excellence et de confiance. A cet effet, l’ASEA œuvre comme une institution de développement travaillant en étroite collaboration avec l’Union Africaine et les autres institutions africaines spécialisées sur les projets électriques.

La Covid-19 décale le 20e congrès de deux ans

Après deux années de reports liés au contexte sanitaire provoqué par la pandémie de la covid-19, le 20e congrès de l’Association des Sociétés d’Electricité d’Afrique – ASEA, s’est officiellement ouvert le dimanche 17 juillet au Centre International de Conférences Abdou DIOUF – CICAD de Diamniadio à Dakar. Un 20e congrès qui a coïncidé avec le cinquantenaire de l’Association des Sociétés d’Electricité d’Afrique – ASEA, créée en 1970 sous de l’Union des Producteurs et Distributeurs d’Energie Electrique en Afrique – UPDEA ; avant de devenir ASEA le 04 décembre 2012, lors de l’Assemblée Générale Extraordinaire tenue à Alger en Algérie, par les sociétés africaines d’électricité membres de l’UPDEA. C’est ainsi que les 54 sociétés membres ont décidé de modifier les Statuts et le Règlement Intérieur de l’UPDEA pour en faire l’Association des Sociétés d’Electricité d’Afrique – ASEA.

En effet, c’est au terme de la 51e Assemblée générale de l’Association des Sociétés d’Electricité d’Afrique – ASEA, tenue à Livingstone en Zambie en 2017, que la Société Nationale d’électricité du Sénégal – Senelec, a été choisie comme société organisatrice du 20ème congrès et du cinquantenaire de l’ASEA. Avec une forte mobilisation des parties prenantes, près de 1000 participants dont 150 dirigeants et décideurs, des représentants de gouvernements, des directeurs de sociétés d’électricité, des partenaires techniques et financiers, des experts et biens d’autres acteurs ont pris part à cette importante rencontre.

Passage de témoin à la tête de l’ASEA

Placé sous le thème central de : « La nécessité de service public et la performance des sociétés africaines d’électricité », ce 20e congrès de l’Association des Sociétés d’Electricité d’Afrique – ASEA a également été l’occasion pour le Sénégal de se voir confier, la présidence de l’association à la place de la Zambie. C’est ainsi qu’en marge des discours officiels tous axés sur l’importance et la nécessité de performance des sociétés d’électricité africaines, le directeur général de la Société Nationale d’électricité du Sénégal – Senelec, a reçu le témoin des mains du zambien Victor Mulenga Mundende, pour assurer la présidence de l’ASEA pour les trois (3) prochaines années, soit jusqu’en 2025. Cependant, le thème de cette rencontre « La nécessité de service public et la performance des sociétés africaines d’électricité » renferme quatre sous-thèmes que la nouvelle présidence va en faire son cheval de bataille pour relever les défis de l’accès à l’énergie sur le continent. Il s’agit entre autre de : l’accélération de l’accès à l’électricité des populations des zones rurales et périurbaines ; la digitalisation des entreprises d’électricité pour une meilleure qualité de service public aux usagers ; la promotion du partage des bonnes pratiques entre les acteurs du secteur de l’électricité et l’efficacité énergétique, levier pour améliorer la viabilité des sociétés d’électricité en Afrique.

 « Le 20e congrès de l’ASEA portait les germes de l’espoir pour relever le défi de l’accès à l’énergie et apporter plus de lumière en Afrique »

En souhaitant la bienvenue aux participants venue d’un peu partout d’Afrique, le Directeur Général de Société Nationale d’électricité du Sénégal – Senelec, par ailleurs nouveau président de l’ASEA, Papa Mademba Biteye a indiqué que la forte mobilisation au congrès de Dakar « porte les germes de l’espoir d’un engagement collectif pour relever des défis importants consistant à apporter l’énergie et la lumière à nos concitoyens pour accélérer le développement du continent ». Si la cérémonie d’ouverture de ce 20e congrès de l’ASEA a été présidée par Mme Aïssatou Sophie GLADIMA, celle qui conduit la destinée du Ministère du pétrole et des énergies du Sénégal a laissé entendre que « les services publics d’électricité sont les chevilles ouvrières du développement de nos systèmes énergétiques ». Selon elle, « ils doivent être prospères, performantes, efficaces et rentables car le continent en a besoin pour le développement de son économie ». Poursuivant son adresse, la ministre du pétrole et des énergies a souligné que « la question de l’énergie revêt une dimension capitale pour le développement de notre continent face aux multiples enjeux de l’emploi de nos jeunes, l’accès à l’éducation, à la santé, à l’autosuffisance alimentaire, à la transformation de nos produits et plus généralement à la création de richesses » Elle a ensuite ajouter que « tous les acteurs du secteur de l’électricité dépendent du bon fonctionnement de la compagnie d’électricité ».

Les avantages de la digitalisation des entreprise d’électricité

Parmi les quatre sous-thème de ce 20e congrès de l’ASEA précités, le deuxième sous-thème « la digitalisation des entreprises d’électricité pour une meilleure qualité de service public aux usagers » est tout aussi important et stratégique que les autres. Mais il présente un facteur particulier ainsi que de nombreux avantages qui pourront booster l’accès à l’énergie sur le continent. C’est ainsi que Régis Le Drézen, qui a participé à cette rencontre suite à l’invitation du directeur général de l’association des sociétés d’électricité d’Afrique – ASEA, Abel Didier Tella, afin de représenter la filière smart grids française et d’échanger avec les partenaires africains du secteur, le délégué général de Think Smartgrids a expliqué que parmi les nombreux avantages à retirer de la digitalisation des réseaux électriques il y’a :

L’optimisation des temps de coupure des réseaux électriques grâce aux nouveaux moyens de communication et aux capteurs – en France, une division par 10 des temps de coupure a ainsi été observée ; Connexion rapide et moins cher des énergies renouvelables grâce à des outils de prévision informatique de l’état du réseau, de la production et de consommation d’électricité ; Optimisation des pertes techniques et non techniques ; Et enfin, l’optimisation des consommations d’électricité grâce à la valorisation des données collectées, avec un bénéfice évident pour la facture du consommateur final.

Plus de 570 millions d’africains n’ont toujours pas accès à l’électricité, l’Afrique a encore du chemin à faire

Aujourd’hui, plus de 570 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité en Afrique subsaharienne, selon la Banque mondiale. Ce qui correspond à un taux d’accès légèrement inférieur à 50% au niveau continental, alors que l’Afrique regorge de formidables ressources énergétiques qui sont jusque-là très faiblement exploitées. Partant de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et du nouveau partenariat pour l’énergie en Afrique, qui marquent sans nul doute une aspiration commune des africains, pour un renouveau énergétique grâce à une exploitation intense de nos propres ressources, Mme Sophie GLADIMA estime que « l’intégration énergétique de nos systèmes électriques, la mise en valeur de notre potentiel de richesse, agricole, industriel et minier pour construire l’Afrique de demain sont des impératifs ». Pourtant, l’Afrique dispose de tous les atouts pour faire accéder toute sa population à l’électricité. Outre les importantes ressources fossiles (pétrole, gaz, charbon…), le continent dispose d’un potentiel de développement des énergies renouvelables (éolien, solaire, géothermie, hydroélectrique…) sans commune mesure avec les autres continents. Aujourd’hui plus que jamais, il est temps pour les Africains de se donner la main et avancer sans tergiverser pour permettre au continent de s’extirper de la dépendance des autres parties du monde et assurer son propre développement.

Des disparités dans l’accès à l’énergie en Afrique

Si l’Afrique est le continent le moins électrifié du monde, d’énormes disparités s’observent, surtout dans le nord du continent où certains pays affichent un taux d’accès à l’énergie de 100%, tandis que plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne n’ont toujours pas atteint les 50%. Selon le dernier rapport de « The Energy Progress Report » de la Banque mondiale, l’Afrique du Nord est la région la mieux électrifiée du continent africain, avec l’Egypte, le Maroc et la Tunisie qui sont à 100% d’accès à l’énergie. Ceci, aussi bien dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Une bonne partie des productions énergétiques dans ces pays proviennent des énergies renouvelables, notamment au Maroc. A ces trois pays s’ajoutent sept autres pays pour compléter le tableau des dix pays les plus électrifiés du continent que sont l’Algérie avec 99,8% ; le Gabon avec 91,6% ; le Ghana et ses 85,9% ; l’Afrique du Sud avec 84,4% ; le Botswana avec 72% ; le Kenya avec 71% et enfin le Sénégal avec 70,4 de sa population qui ont accès à l’électricité. Hormis ces dix pays plus quelques-uns sur le continent, le taux d’accès à l’électricité reste encore relativement faible, car seulement un peu plus de la moitié de la population du continent ont accès à l’électricité (56% selon les chiffres de la Banque Africaine de Développement en 2021).

Défis et perspectives de l’ASEA

Dans un contexte de forte pénurie en électricité, la croissance démographique et un fort besoin d’investissement des entreprises de production et de distribution d’électricité, les prix de vente de l’électricité en Afrique subsaharienne ne reflètent pas les coûts de fourniture de ce service. En moyenne, les tarifs moyens de vente de l’électricité en Afrique subsaharienne sont autour de 130 à 140 $/MWh. Ces prix de vente ne couvrent pas le coût de fourniture de l’électricité aux différents types d’usagers. Dans la plupart des pays, il ne couvre même pas les coûts d’investissement. En plus de ces obstacles, les opérateurs de fourniture d’énergie électrique en Afrique doivent faire face à des difficultés de recouvrement. Environ 40 % des clients finaux en Afrique Subsaharienne ne payeraient pas leurs factures. Ce taux grimpe à plus de 55% pour les catégories les plus pauvres et s’établit toujours à 20% pour les catégories les plus aisées, suggérant un état de fait ancré dans les pratiques, mais s’expliquant également par l’incapacité des opérateurs à collecter efficacement les règlements, du fait d’une organisation déficiente et de l’absence de système bancaire structuré.

Ceci explique l’état souvent vétuste des infrastructures électriques du continent, où les pertes du réseau de distribution sont de plus de 40% dans certains pays et les délestages très fréquents dus à un manque de maintenance des équipements. Cet état de fait ne permet pas non plus d’investir dans le service client, ce qui engendre des taux de fraude très élevés. Ces facteurs représentent évidemment un obstacle pour le développement pérenne du secteur énergétique en Afrique. Les prévisions d’évolution de la demande de l’énergie électrique d’ici 2040, la multiplication de la taille de l’économie africaine par 4 ainsi que l’augmentation de la population africaine d’ici 2040, sont tous des facteurs qui montrent à quel point les défis de développement des secteurs électriques sont majeurs. D’où la problématique de « la nécessité de service public et la performance des sociétés africaines d’électricité » de l’Association des Sociétés d’Electricité d’Afrique.  

Les changements, la pandémie de la covid-19 et surtout la situation Russie-Ukraine, nous ont suffisamment prouvé, que la seule façon d’assurer notre développement est de nous prendre en charge nous-même sur tous les plans, c’est-à-dire, que nous soyons capables de produire ce que nous consommons. Une autosuffisance énergétique assurera sans nul doute le développement de l’Afrique.  

TBB

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