Leurres et lueurs d’une démocratie perfectible

par pierre Dieme

La méfiance, constatée actuellement à l’égard des institutions de la République est de plus en plus préoccupante. Lorsque les juges deviennent les premiers suspects on s’approche, lentement mais sûrement, de l’empire de la tyrannie

« Le critique ne compte pas, pas plus que celui qui se contente de souligner les moments de faiblesse de l’athlète ou les erreurs de l’homme d’action. Seul a du mérite l’homme qui se tient dans l’arène, le visage couvert de poussière, de sueur et de sang, qui, même s’il échoue, le fait au moins en prenant des risques énormes, de sorte qu’il ne se confondra jamais avec ces êtres froids et timides qui ne connaissent ni la défaite ni la victoire. » (Théodore Roosevelt)

Les systèmes politiques ne valent que par la qualité des hommes et des femmes qui les animent. La Vème République française, sans le Général De Gaulle qui en fut l’inspirateur, et on peut le dire l’incarnation, a perdu de sa superbe au fil du temps. C’est à dessein que je prends cet exemple qui parle davantage à nos élites que les principes de bonne gouvernance édictés par Thierno Souleymane Baal en 1776… Et pourtant…

Pour dire que l’énoncé des dispositions constitutionnelles, ou la déclamation rituelle de lois et règlements pour arbitrer des situations de crise où la nature humaine entre en jeu, n’est pertinente que lorsque les hommes et les femmes chargés d’appliquer la loi l’incarnent au quotidien. Lorsque leurs faits et gestes disent la loi et la respectent. La méfiance, constatée actuellement à l’égard des institutions de la République est de plus en plus préoccupante. Lorsque l’application de la loi devient à géométrie variable, lorsque les juges deviennent les premiers suspects on s’approche, lentement mais sûrement, de l’empire de la tyrannie. Et celle-ci convoque l’insoumission puis la défiance. Et ensuite la résistance. Prenons garde alors au chaos !

Que de zones d’ombres dans les affaires de la République !

On ne peut plus fermer les yeux, ni garder le silence sur les dysfonctionnements patents et outranciers de notre système judiciaire qui, dans le principe, doit préserver l’équilibre de la société en défendant les faibles contre les puissants. Notamment contre les brimades et les exactions des possédants. Mais nos prisons sont remplies de voleurs de poulets parce qu’affamés, tandis qu’un parlementaire pris en flagrant délit de détention de fausse monnaie circule, s’invite dans les medias et nous nargue. Que dire d’un autre honorable qui empile des sommes qui défient le bon sens et la simple décence dans son domicile, au point de s’en faire subtiliser une partie par un de ses hommes de mains, sûrement lassé de transporter autant de monnaie sans en goûter quelques miettes ? Que dire de toutes ces sommes mirobolantes dont la presse nous éclabousse tous les jours en affichant le train de vie de parvenus qui dilapident les ressources dont ils ne pourraient justifier l’origine licite ? Que dire du braconnage foncier, du littoral violé impunément par ceux qui étaient sensés veiller sur sa virginité ? Où sont la CREI, l’OFNAC, la CENTIF, les procureurs, les organisations des droits de l’Homme et les militants de la transparence ? Birahim Seck serait-il le dernier des gardiens du temple ? Désolé si j’en oublie… Mais sa pugnacité mérite d’être citée.

Le péril est encore plus grand en matière électorale lorsque le déséquilibre des forces semble organisé par ceux qui sont chargés d’arbitrer les règles du jeu ! Caveant consules !

Notre système démocratique a des qualités certaines. Il le doit à la stature des hommes et des femmes qui l’ont construit. Tant du côté du pouvoir que de celui  l’opposition. Lentement. Obstinément.  Depuis 62 ans, sous la poussée incompressible du peuple aspirant constamment à la jouissance de libertés publiques plus larges, notre modèle se forge, vaille que vaille. Avec des hauts et des bas. En conformité avec la marche du monde.

Mais il va falloir constater, « de manière haute, lucide et conséquente » que, de nos jours c’est la politique…politicienne (?) qui bloque le fonctionnement normal de toutes les institutions de la République. Pis, le jeu politique empoisonne véritablement nos existences. A force de trahisons et de reniements, à coup de mensonges publics attestés et de chausse-trappes non conventionnels, à longueur de promesses non tenues et de gaspillage éhonté des ressources de la Nation, à force d’impunité et d’arrogance, le doute s’empare des plus raisonnables.

Notre pays mérite beaucoup mieux que les débats stériles et inconsistants qui occupent nos médias et distillent la haine et le désespoir à  travers les réseaux…asociaux (!) Alors que des sujets vitaux attendent la mobilisation de nos ressources humaines et naturelles, la mutualisation de nos intelligences et celle de toutes nos énergies

Il va falloir, dès lors, un sursaut salvateur collectif, puissant et déterminé, pour dire halte à la décadence ! Pour un Renouveau de notre contrat social, un toilettage de notre arsenal juridique et réglementaire pour assainir les règles du jeu politique, et contraindre tous les pouvoirs à les respecter.

En un mot comme en mille, nous sommes au bord de l’abîme, gardons-nous de faire un saut en avant !

Amadou Tidiane Wone

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