Cette élite française clame partout combattre l’intolérance, mais est viscéralement intolérante. La France est devenue fragile. Elle le savait depuis longtemps déjà, et maintenant nous le savons
Gana Guèye, joueur du PSG a refusé de porter un maillot floqué des couleurs arc-en-ciel et voilà que cela devient une affaire d’État. Des médiocres, adeptes de la pensée unique, en ont fait une affaire nationale. Politiques, médias, lobbies bref tout le monde s’est acharné sur Idrissa Gana Guèye joueur sénégalais, dont le délit aurait été de ne pas participer à un match en arborant des insignes qui iraient à l’encontre de ses convictions. Guèye n’a jamais eu le choix de jouer et de ne pas porter le maillot LGBT.
Ailleurs sur d’autres terrains, certains mettent un genou à terre pour soutenir la lutte contre le racisme, d’autres ne le font pas et pourtant tous jouent le match sans incriminations aucunes.
Avant Idrissa, d’autres joueurs avaient refusé de porter ce maillot, cela n’avait jamais déclenché le tollé actuel. C’est vrai que le champion sénégalais est une proie facile toute désignée : africain Noir, musulman de surcroit, n’ayant pas à leurs yeux une grande notoriété.
La France n’aime pas les faits disrupteurs. Chaque chose doit rester à sa place et ainsi les moutons sont bien gardés : Benalla ne pouvait pas se retrouver dans le sillage du président Macron, n’étant pas biberonné à la sève des grandes écoles. C’était une anomalie de taille, dans une France élitiste dont le prosélytisme n’aurait rien à envier au fanatisme religieux. On parla plus de ce casus belli que de l’affaire elle-même.
Notre compatriote Guèye ne devait pas avoir de principes, pas plus de valeurs, et surtout vouloir prétendre les respecter. Joueur noir d’un pays pauvre, il devait rester à sa place. Obtempérer au doigt et à l’œil.
Leur ardeur à critiquer ceux qui ne partagent pas leurs valeurs, reflète leur atavisme primaire de la peur du « grand remplacement ». Cette peur latente, enfouie au fonds d’eux, et qui habite tout ceux qui n’ont pas une conscience « propre » vis-à-vis de l’Histoire, s’est affichée de plus en plus au grand jour, dans les discours politiques de la campagne présidentielle de 2022. Le Rassemblement National de Le Pen l’invoquait dans les coulisses depuis des lustres, sans trop oser le nommer, puis Zemmour est arrivé, a fait son « coming-out » et en fait son slogan. « La France est envahie de toutes parts, elle va perdre son identité, ressaisissons-nous », fut le mot d’ordre. Ils se mirent ouvertement à exiger qu’on se plie à leurs volontés et à leur système de valeurs, conditionnés qu’ils étaient, par leur éducation qui les placerait selon eux, au-dessus de tous les autres. « Faites ce qu’on vous dit de faire », « Suivez-nous parce que vous le devez », telles sont les injonctions de cet Occident arrogant dépositaire croit-il des valeurs de l’universel.
Que n’ont-ils pas justifié l’esclavage parce que nous Noirs, n’avions pas d’âmes ;
Que n’ont-ils pas justifié la colonisation parce que nous Noirs, étions des sous-hommes sans civilisation et qu’ils faisaient œuvre de bienveillance divine, en nous gratifiant de la leur, la seule qui vaille, celle qui ferait sortir des ténèbres ;
Que n’ont-ils pas justifié l’apartheid parce que la situation là-bas était complexe, disait Chirac, fournissant ainsi l’alibi de leur inaction coupable.
Ah la droite française ! Après Chirac et l’apartheid, Sarko et l’Afrique qui ne serait pas assez entrée dans l’Histoire, Macron et les femmes africaines qui feraient trop d’enfants, voilà Calamity Jane Pécresse qui attaque, bille en tête Guèye dans ses convictions profondes.
« Aujourd’hui c’est Idrissa Gana Guèye, hier c’était le voile, demain ce sera le monde. »
C’est cette élite française qui clame partout combattre l’intolérance et, qui est viscéralement intolérante. C’est cette minorité intolérante qui gouverne en Occident. Elle détruit, petit à petit, par ses comportements, ce qu’elle dit chérir le plus : la démocratie.
Aujourd’hui c’est Idrissa Gana Guèye, hier c’était le voile, demain ce sera le monde.
Notre société, pétrie de nos valeurs qui magnifient la tolérance, doit se montrer intolérante vis-à-vis de l’intolérance, celle affichée par Pécresse et compagnie. Oui il faudra s’accommoder de ce paradoxe si nous ne voulons pas que notre monde s’abime. Il nous faut combattre cette minorité intolérante. Elle est insidieuse et présente partout, pas seulement en France, sous nos cieux aussi. Pécresse et ses acolytes ont manqué doublement de respect à Idrissa : manque de respect à ses croyances, manque de respect à sa liberté individuelle d’exercer son droit de ne pas porter de camisole de force.
Guèye voulait juste qu’on le laissa tranquille, en congruence avec ses convictions profondes, assister du haut de la tribune, à un match de fin de saison sans enjeu véritable. Et patatras, voilà une Pécresse chef d’une droite en charpie, qui l’invective. Après s’être « Ciottisée », voilà cette patronne de droite sans épaisseur, comme une gaupe délaissée qui essaye de se rappeler au souvenir de ceux qui l’ont bannie, qui se « Zemmourise ». Même dans cet exercice, elle se révèlera médiocre.
« L’Empire s’est rétréci au fil du temps »
Ce qui taraude leur esprit et leur fait peur est cette aversion de la perte, eux qui, au nom de l’Empire avaient tout raflé, tout confisqué. Ils avaient imposé leur universalisme et voilà que cela craquelle de partout. Oui, l’Empire s’est rétréci au fil du temps et aujourd’hui le dernier carré africain se rebelle : Le Mali, la Guinée, le Tchad – qui l’eût cru- partout les vents de la contestation soufflent de plus en plus fort.
Le ministre des Sports et même le président sont montés au créneau et ont donné de la voix pour défendre « l’insolent » Guèye qui a osé sortir des rangs : “Guèye est payé pour jouer au foot pas pour porter des maillots floqués LGBT”, a dit l’un et l’autre de préciser qu’“il faut respecter les convictions individuelles du joueur”. Ils ont tous les deux raison. Ce qui est nouveau c’est qu’ils le disent ! Autre temps, autre moeurs.
La France est devenue fragile. Elle le savait depuis longtemps déjà, et maintenant nous le savons. C’est le chant du cygne, signe des temps.
Dr Tidiane Sow est coach en Communication politique.
PAR L’ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, TIDIANE SOW