12% de taux d’agressions physiques, 10% de propos désobligeants, 9% d’humiliations, 8% d’injures…
La Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation (Cosydep) a publié les résultats de l’étude qu’elle a réalisée sur le phénomène de la violence en milieu scolaire, à travers les 5 lycées couverts par le projet Lycées modèles de la citoyenneté et du civisme (LM2C). Il ressort de cette enquête que 12% des agressions sont d’ordre physique, 10% sont des propos désobligeants, 9% relèvent de l’humiliation et 7% concernent des agressions sexuelles.
Identifier les types et formes du phénomène de la violence en milieu scolaire, répertorier ses causes et ses conséquences et formuler des recommandations pour une école apaisée, propice à la construction de valeurs citoyennes. Telles sont les raisons qui ont incité la Cosydep à réaliser une étude sur le phénomène de la violence en milieu scolaire, à travers 5 lycées couverts par le projet Lycées modèles de la citoyenneté et du civisme (LM2C).
D’après les données recueillies du questionnaire qui a ciblé les proviseurs, les censeurs, les surveillants généraux et les enseignants, les perceptions qui reviennent de manière fréquente sont les agressions physiques et morales pour 12%, les propos désobligeants pour 10%. 12% de cas d’agressions physiques, 9% d’humiliations, 8% d’injures et de stigmatisation, 7% de cas d’écarts de conduite, d’agressions sexuelles et de menaces. Il y a en outre 6% de brimades et de chantages, avec un taux faible de 2% lié aux difficultés d’adaptation et 1% pour les autres types de violences. Même si toutes les formes de violences se rencontrent à l’école, souligne le coordonnateur de la Cosydep, Cheikh Mbow, les agressions physiques y sont plus prégnantes. Toutefois, renseigne-t-il, la pluralité des perceptions sur le phénomène montre que la violence est appréhendée de manière différente selon les acteurs.
En effet, certains acteurs attribuent la cause aux relations souvent tendues entre élèves et enseignants. Une thèse que confirme l’étude. Interrogés, les proviseurs, les censeurs, les surveillants généraux et les enseignants invoquent les relations tendues entre les élèves et les enseignants comme la cause principale de la violence à l’école. Elle représente 25% de celles citées ; suivent avec 17% les causes relatives au mode de gestion des établissements, à la nature des infrastructures et à l’état de l’environnement des établissements scolaires. Pour ce qui est des sources de violences, l’étude pointe les élèves et les enseignants.
En effet, ils seraient les premières sources pour respectivement 27 et 22%. Suivent les surveillants, l’organisation et le fonctionnement de l’école, 13%. Les autorités scolaires (proviseurs et censeurs) sont aussi indexées pour respectivement 13% et 10%. Compte tenu de tous ces facteurs, la Cosydep estime que le focus dans la prévention des violences devrait être mis sur les élèves et les enseignants, principaux acteurs de la violence représentant 49% de taux combinés. Mais aussi, le renforcement de capacité des enseignants sur des thématiques liées à la prévention et au traitement de la violence pourrait permettre de réduire le phénomène. De même que la réalisation d’activités para et périscolaires, à travers le théâtre, les activités ludiques de promotion du vivre ensemble, du civisme, de la citoyenneté et de la tolérance chez les élèves permettrait de mieux les sensibiliser sur le phénomène. L’enquête révèle en outre que 2/3 soit 71% des établissements interrogés affirment avoir connu des cas de violence en leur sein. Un ratio qui témoigne, de l’avis de Cheikh Mbow, de la fréquence des cas de violences, de diverses formes, dans les établissements scolaires.
TYPOLOGIE DES VIOLENCES
La typologie des violences rencontrées dans les établissements scolaires montre à suffisance la prédominance des violences physiques et verbales, soit 28% pour chaque type. Selon Cheikh Mbow, un enseignant affirme que les effectifs pléthoriques favorisent les violences verbales.
S’agissant des violences morales et des défiances, elles représentent respectivement 21 et 17%, contre 7% pour les bagarres. Par ailleurs, les enquêteurs rapportent que les impacts des violences sur les performances et les décrochages sont énormes. Si la plupart de ces violences se passe entre élèves, des enseignants interrogés affirment que des violences existent aussi entre professeurs et administration. Ces violences engendrent des conséquences d’ordre psychologique avec des manifestations comme l’anxiété, la colère, des craintes et peurs d’être violenté (e), abandonné (e), etc. Lesquelles conséquences pourraient aboutir à une dépression et favoriser des idées suicidaires et une faible estime de soi. Elles peuvent aussi être physiques et se manifester par un retard de croissance, une perte de poids, des troubles psychosomatiques : maux de ventre, maux de tête, etc., une perturbation des habitudes alimentaires, des troubles du sommeil, des cauchemars, une fatigue chronique.
Les conséquences comportementales sont caractérisées par des gémissements, des crises ou pleurs excessifs, une recherche continuelle d’attention, le manque de participation, des comportements destructeurs et antisociaux, une violence physique et verbale à l’égard des pairs, un isolement social. Celles comportementales à l’extrême entraînent des fugues, la prostitution, la délinquance et le suicide.
Contrairement aux conséquences cognitives et/ou scolaires qui se manifestent par une déficience des habiletés verbales, intellectuelles ou motrices, un problème d’apprentissage, des difficultés d’attention et/ou de concentration, des devoirs non réalisés, des retards sans motif ou des absences scolaires. Les conséquences cognitives et/ou scolaires entraînent de mauvais résultats scolaires, une phobie scolaire et des abandons scolaires.
Les six recommandations pour un milieu scolaire exempt de violences
Pour un milieu scolaire apaisé et exempt de toutes violences, Cheikh Mbow et ses camarades de la Cosydep proposent d’appliquer la législation scolaire dans toute sa rigueur. A travers l’élaboration de manière inclusive des règlements intérieurs dans les établissements scolaires en y associant particulièrement les élèves. Pour ce qui est des actes répréhensibles, l’organisation citoyenne estime que les auteurs de violence être sanctionnés en mettant en avant la dimension pédagogique. Aussi, faut-il accentuer la sensibilisation dans la lutte contre la violence en milieu scolaire par la sensibilisation des enseignants et des élèves sur ce phénomène, les règles de la vie scolaire, le respect des institutions et le civisme. Dans le même sillage, des rencontres périodiques entre parents d’élèves et personnel pédagogique devraient également être formalisées. Il urge aussi d’agir sur la qualité de la formation pour le retour aux valeurs. Il s’agit notamment de restaurer l’éducation civique dans tous les cycles et de renforcer la formation des enseignants et du personnel d’encadrement. Les programmes devront être adaptés aux réalités culturelles en plus d’améliorer le cadre des lieux d’apprentissages.
Entre autres recommandations, la Cosydep propose de sécuriser les établissements scolaires par des murs de clôture, le gardiennage, le rejet de toute forme de cantinisation etc. A cela, s’ajoute des aménagements adaptés tels que des toilettes fonctionnelles, des points d’eau, un espace d’épanouissement, ainsi qu’un personnel de soutien conséquent (surveillants, assistants sociaux, …). Le cadre des établissements devra aussi être attrayant et instructif avec des graffitis portant des messages de paix et de tolérance. Selon toujours les acteurs de l’éducation, il faut également disposer de cadres fonctionnels de dialogue. Il s’agit de redonner au foyer socio-éducatif toute sa place dans le dispositif de gestion de l’école. Pour ce faire, des comités de veille et d’alerte qui responsabilisent les apprenants devront être installés. Tout en faisant attention aux effets négatifs, c’est-à-dire l’effet établissement : une mauvaise réputation de l’école qui inhibe les apprenants dès le départ et les amène à adopter des attitudes marginales ; l’effet classe : une classe concentrant des enseignants considérés comme peu motivés ouvre la porte au découragement à ses pensionnaires ; ainsi que l’effet maître : l’enseignant dont les prestations pédagogiques sont mal appréciées par ses élèves, corrélativement, adopte une attitude de défiance.
Aïssatou DIOP