Le gouvernement sous la pression d’une hausse des prix à la pompe

par pierre Dieme

Le Sénégal, comme la plupart des pays africains non producteurs de pétrole on en a trouvé de même que du gaz mais l’exploitation n’a pas commencé — risque de subir de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine.

Le Sénégal, comme la plupart des pays africains non producteurs de pétrole on en a trouvé de même que du gaz mais l’exploitation n’a pas commencé risque de subir de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine. Et surtout dans le domaine des hydrocarbures où les prix des produits pétroliers flambent à l’international. En effet, les compagnies pétrolières locales ont décidé d’augmenter les prix de l’essence à la pompe. Ce dont le gouvernement du président Macky Sall ne veut pas entendre parler à quelques mois des élections législatives. Ne voulant pas vendre à perte, les pétroliers hésitent à importer des hydrocarbures. Les stocks baissent dangereusement donc et si, d’ici quelques jours, un accord n’est pas trouvé entre le gouvernement et les pétroliers, le Sénégal ira indéniablement vers une pénurie de carburant. « Le Témoin » a enquêté.. ;

Si la vérité des prix des produits pétroliers s’impose, la hausse des prix de l’essence à la pompe est inévitable ! Telles sont les conséquences sur nos pauvres économies — mais aussi, d’ailleurs, sur celles de pays développés non producteurs de pétrole — de la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Ce dernier pays en particulier fait partie des principaux fournisseurs de produits pétroliers dans le monde. Au moment où le prix du baril de pétrole atteint 109 dollars, soit 54.500 CFA, voire 64.500 si on prend comme référence un dollar à 600 francs CFA, alors qu’il était à 60 dollars soit 30.000 CFA, les compagnies pétrolières de la place, pour ne pas vendre à perte ou, pire, faire faillite, veulent augmenter le prix de l’essence à la pompe. Augmenter ? Un mot que le Gouvernement ne veut pas entendre à quelques trois mois des élections législatives prévues en juillet prochain. Faute d’appliquer la vérité des prix, autrement dit de répercuter la hausse sur les consommateurs, les pétroliers ne veulent plus importer pour éviter des pertes commerciales.

Selon le directeur général d’une compagnie pétrolière contacté par « Le Témoin » quotidien, deux options s’imposent : soit l’augmentation des prix à la pompe ou la pénurie. « Pour éviter la hausse, l’Etat nous a demandé de vendre à perte en attendant qu’il nous rembourse le manque à gagner. Nous disons Non ! En effet, l’Etat, bien que solvable, ne peut pas rembourser à temps des centaines de milliards cfa à l’ensemble des compagnies pétrolières. Sans oublier la Sar. Non ! Nous ne sommes preneurs de cette proposition que si les remboursements se font dans l’immédiat. Sinon, on risque de ne plus importer du carburant et cela peut provoquer une pénurie totale » se désole notre interlocuteur. Avant d’indiquer une piste de sortie de crise : « Pour le moment, il n’y a qu’une seule et unique solution, c’est d’augmenter le prix de l’essence et du gas-oil à la pompe et le porter entre 800 cfa et 1.000 cfa/litre au lieu de 650 cfa et 750 cfa/litre. Nous voulons bien accompagner le gouvernement dans sa politique sociale, mais c’est la vérité des prix à l’international. Le président Macky Sall n’y est pour rien ! » explique, de son côté, un haut cadre d’une multinationale pétrolière. Cette position synonyme de sentence de mort sociale semble signifier que l’Etat doit prendre son courage à deux mains et autoriser l’application de la vérité des prix.

En effet, le président de la République a beau avoir une fibre sociale et être sensible au pouvoir d’achat de nos compatriotes, les finances publiques ne peuvent tout simplement pas supporter une subvention sur les prix des hydrocarbures après avoir dépensé presque 600 milliards de francs pour maintenir en l’état les prix du riz, du sucre, de l’huile et, surtout, de l’électricité ! Dans ces conditions, il va bien falloir, à un moment donné, que les consommateurs supportent une partie de l’augmentation. L’économie nationale, comme celles de tous les pays du monde, étant tributaire de l’or noir dans tous les secteurs d’activités, une éventuelle pénurie d’essence et de gas-oil sans doute de paralyser tout le pays. Voire, on ne le souhaite pas, provoquer des émeutes. Toujours est-il que, depuis quelques temps, les automobilistes constatent des pénuries récurrentes dans certaines stations-services à Dakar comme dans les régions. Il est vrai que les causes sont multiples et variées. Mais pour comprendre cette situation, il faut remonter en 2019. Cette année là, l’Etat faisait passer les prix des carburants super et gasoil respectivement de 695 cfa à 775 cfa et de 595 cfa à 655 cfa alors que le cours du baril tournait autour de 60 dollars soit 30.000 cfa. Un gouvernement en manque de vision ?

Entre-temps, le cours du baril, pour cause de Covid-19 ayant entraîné une baisse de la demande mondiale, a connu des baisses spectaculaires. Malheureusement, le gouvernement de Macky Sall n’a jamais répercuté ces baisses sur le prix à la pompe au profit des automobilistes et autres transporteurs. Et pourtant, la loi 9831 du 14 avril 1998 dit qu’une révision des prix doit se faire toutes les quatre semaines. Or, une telle révision s’entend par une hausse, une baisse ou un blocage des prix. – « Vous voyez comment le gouvernement du Sénégal manque de vision. Un gouvernement qui ne voyait que des taxes à l’importation. Parce qu’à l’époque, s’il avait fait baisser les prix de l’essence à la pompe par exemple à 400 cfa ou 500 cfa / litre, cette éventuelle hausse ne se serait pas ressentie. Ce serait juste un retour à la case de départ ou à l’ancien prix ! » regrette un expert pétrolier et consultant dans le domaine des hydrocarbures.

En réalité, il existe un mécanisme de péréquation sous la forme d’un fonds de soutien aux prix pétroliers qui fonctionne selon le principe suivant : le gouvernement fixe un prix de référence : si le prix de revient de l’essence ou du gasoil est inférieur à ce prix, la différence est bloquée dans ce fonds. L’argent ainsi gardé permet, en cas de retournement de conjoncture et de prix de revient supérieur au prix de référence, de subventionner le prix à la pompe de manière à ce que le consommateur ne ressente pas la fluctuation. Quand on sait que pendant plus de deux ans, les cours mondiaux de produits pétroliers ont plongé, toute la question est de savoir qu’est-ce que le gouvernement a fait de l’argent qui était supposé bloqué pour servir en cas de mauvaise fortune comme c’est le cas actuellement…

Pire, les dits prix Covid-19 d’alors ont été maintenus jusqu’au moment où la guerre entre l’Ukraine et la Russie a éclaté. Un conflit qui a subitement provoqué la flambée du prix du baril de pétrole. C’est regrettable de le recommander, mais l’Etat a une obligation d’appliquer la vérité de prix en augmentant le prix des carburants car la Sar est en arrêt de production depuis novembre et le pays est approvisionné exclusivement par les importations privées. Et les sociétés détentrices de licences d’importation ne peuvent — ou ne veulent —plus importer au risque de supporter des pertes dues au blocage des prix des carburants. En tout cas, bien que tous les facteurs militent en faveur d’une hausse, d’aucuns disent que le président Macky Sall n’augmentera les prix de l’essence et du gasoil qu’après les élections législatives de juillet prochain. Souhaitons que, d’ici là, le pays ne connaisse pas une panne sèche d’hydrocarbures.

Pape NDIAYE 

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